De peur d'être expulsées, les migrantes démunies face aux violences de leur conjoint
Bien plus que les autres femmes encore, elles sont démunies face aux violences conjugales. "Face à un conjoint violent, elles hésitent à avoir recours au droit pour obtenir une protection, de peur de perdre leur droit au séjour et d’être expulsées du territoire".
Il faut étudier de près les textes juridiques pour comprendre la vulnérabilité dans laquelle se trouvent les femmes qui choisissent d’abandonner leur pays pour rejoindre un homme en France ou en Europe. Car, bien plus que les autres femmes encore, elles sont démunies face aux violences conjugales. Nombre de juristes, avocats et sociologues, souvent des femmes, ont soulevé cette question ces dernières années.
Parmi elles, la sociologue du droit Isabelle Carles-Berkowitz, auteur et chercheuse associée au Centre d’histoire et d’anthropologie du droit de l’université Paris-Nanterre, pointe le danger réel qui les guette face à un conjoint violent.
Du fait de la dépendance de leur statut de séjour à l’égard du conjoint violent, elles hésitent à avoir recours au droit pour obtenir une protection
"Du fait de la dépendance de leur statut de séjour à l’égard du conjoint violent, elles hésitent à avoir recours au droit pour obtenir une protection, de peur de perdre leur droit au séjour et d’être expulsées du territoire", écrit la juriste dans un article paru en 2015 dans la revue Droit et Culture sous le titre "Ce que le droit fait au genre : les femmes migrantes dans la législation européenne".
Texte dont elle précisait ce mercredi qu’il était "malheureusement encore d’actualité". Isabelle Carles-Berkowitz, qui a étendu son domaine de recherche en France, en Belgique et ailleurs dans l’UE, explique qu’une directive européenne sur le regroupement familial ne reconnaît pas au conjoint rejoignant – qui la plupart du temps est une femme- de statut de séjour autonome.
Les conjoints rejoints n’hésitent pas à brandir cette menace pour dissuader les victimes de porter plainte
Ce droit étant "conditionné à la résidence depuis au moins 5 ans sur le territoire d’un État membre" et souvent à une cohabitation pendant plusieurs années, il crée une "grande dépendance à l’égard du conjoint rejoint".
En effet, en cas de départ du domicile conjugal durant cette période, il peut leur être délivré un ordre de quitter le territoire."Les conjoints rejoints n’hésitent pas à brandir cette menace pour dissuader les victimes de porter plainte", décrit la chercheuse.Certains allant jusqu’à les dénoncer aux autorités pour les voir expulsées.
C’est pourquoi "le législateur, dans un souci de protection, a prévu que des circonstances particulières pouvaient ouvrir la voie, sous conditions strictes, à la reconnaissance possible d’un statut autonome", explique-t-elle encore.
Divorce, veuvage ou violences conjugales sont ces cas. Mais de l’aveu de la spécialiste, pour dénoncer des faits de violence, "les exigences en matière de preuve sont telles", que c’est "pratiquement impossible à mettre en œuvre".
(SOURCE : L'INDEPENDANT)
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