“La Roumanie est sur le point de provoquer un scandale international”, prévient jeudi 28 mars l’hebdomadaire bulgare Kapital. Et pour cause, grande favorite pour diriger le futur parquet européen, la magistrate Laura Codruta Kovesi a été inculpée à Bucarest pour faits de corruption, ont révélé dans la soirée plusieurs médias roumains et européens.

Son placement sous contrôle judiciaire “est largement perçu comme une tentative d’empêcher” sa nomination, le gouvernement roumain dirigé par les sociaux-démocrates s’opposant “depuis longtemps à sa candidature à ce poste”, explique Valerie Hopkins, correspondante du Financial Times en Europe de l’Est.

“L’été dernier, le ministre de la Justice, Tudorel Toader, avait supervisé son renvoi à la tête de l’organe de lutte contre la corruption, où elle avait obtenu des condamnations de haut niveau”, rappelle la journaliste. “Mme Kovesi fait actuellement l’objet d’une enquête par un nouvel organe controversé créé pour enquêter sur les méfaits commis par le personnel judiciaire. Les critiques disent qu’il est soumis à une influence politique, le procureur général n’ayant aucune autorité sur celui-ci”, souligne-t-elle.

Une candidature au parquet européen compromise

La majorité de gauche en Roumanie reproche à la magistrate de 45 ans d’avoir commis des “abus” dans ses enquêtes qui ont abouti à la condamnation de dizaines d’élus locaux et nationaux. Dans une déclaration jeudi, rapportée par le quotidien roumain Adevarul, Laura Kovesi a démenti tout abus. “J’ai vingt-quatre ans de carrière. Je n’ai jamais fait l’objet d’une enquête. Tout cela se passe parce que j’ai fait mon travail. Je ne suis pas la seule à subir ce harcèlement. D’autres procureurs ou juges font actuellement l’objet d’une enquête”, a-t-elle affirmé.

Le parquet de Bucarest devrait communiquer vendredi sur le cas de la magistrate, qui peut faire appel de tout ou partie des mesures prononcées car elles risquent de fortement compliquer le maintien de sa candidature au parquet européen, au moment où le processus de désignation touche à son terme. “Ils ont tellement peur de Kovesi”, a affirmé jeudi soir Augustin Zegrean, l’ancien président de la Cour constitutionnelle roumaine à Digi24, estimant aussi que la magistrate risquait d’être condamnée.

Un référendum sur les réformes controversées de la justice

Le travail du parquet roumain, qui a poursuivi et condamné des dizaines d’élus pour malversations ces dernières années, a été régulièrement salué par les institutions européennes. Bruxelles est en revanche très critique sur la réforme de la justice mise en œuvre à marche forcée par les sociaux-démocrates depuis deux ans, qui risque selon ses détracteurs d’affaiblir la lutte contre la corruption et de saper l’État de droit.

La refonte du système judiciaire est également combattue par le président roumain de centre droit, Klaus Iohannis. Celui-ci a annoncé jeudi la convocation d’un référendum, le 26 mai prochain, pour consulter les Roumains sur l’ensemble des réformes de la justice, rapporte le site de Radio Free Europe. Ces réformes ont notamment permis la création de la nouvelle section du parquet qui enquête sur les délits commis par les magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. Celle-là même qui est aujourd’hui chargée des enquêtes visant Laura Kovesi.