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Il refuse de serrer la main de ses collègues femmes, les prud'hommes condamnent son licenciement
Le chauffeur de bus licencié s'est vu accorder une indemnité de 27.000 euros.

Il refuse de serrer la main de ses collègues femmes, les prud'hommes condamnent son licenciement

#MaleFears

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Dans une décision révélée ce jeudi 28 mars par "La Montagne", le conseil des prud'hommes de Clermont-Ferrand estime que le refus d'un conducteur de bus de serrer la main à ses collègues féminines ne relevait pas de la discrimination. La société qui l'avait licencié a été condamnée à lui verser une indemnité.

Refuser la main de vos collègues quand ce sont des femmes, c'est ok. Le licenciement du chauffeur de bus de Clermont-Ferrand qui refusait de serrer la main à ses collègues féminines a été jugé "sans cause réelle et sérieuse" par le conseil des prud'hommes local, rapporte La Montagne ce jeudi 28 mars. Selon une décision du 15 janvier, désormais définitive en raison de l'expiration du délai d'appel, il ne s'agit pas d'un "acte discriminatoire délibéré". La régie Epic T2C, employeur du chauffeur, a été condamnée à verser une indemnité de 27.000 euros à son ancien salarié.

Brahim M. reconnaît les faits

Brahim M. avait été licencié après que deux de ses collègues femmes eurent signalé à la direction de la régie de transports en commun clermontoise son refus de leur serrer la main. Ce licenciement sanctionnait, selon un courrier envoyé au chauffeur le 28 avril 2016, "un acte discriminant en état de récidive". "La répétition de ces faits de même nature met en cause la bonne marche de l'entreprise... Cet état de fait empêche la poursuite de nos relations contractuelles", justifiait alors Epic T2C, qui avait déjà mis à pied Brahim M. quinze jours en 2015 pour des faits similaires. "Dans une entreprise de service public comme la nôtre, on doit se plier à certaines règles", expliquait alors au quotidien régional la DRH de la régie de transport.

Or, selon le jugement des prud'hommes, les éléments de preuve rapportés par l'ex-employeur sont insuffisants. "Les faits du 13 février 2016 consistant à refuser de serrer la main à deux collègues femmes ne constituent pas un motif autorisant la rupture de la relation contractuelle. Il en serait autrement si cette attitude relevait d'un acte discriminatoire délibéré", estime la juridiction professionnelle dans sa décision que Marianne s'est procurée. "La régie Epic T2C ne verse qu'un courrier du 13 février 2016, co-signé par madame G. et madame L., qui se plaignent de ne pas avoir ��té saluées correctement", développe la décision du conseil.

"C’est plus un blocage lié à ma culture, à mon éducation"

Si Brahim M. reconnaît avoir toujours refusé le contact physique avec des femmes durant ses douze ans passés au volant des bus clermontois, la défense du chauffeur assure que dans le cas des deux contrôleuses, son refus de leur serrer la main n'était pas motivé par leur genre mais par de précédentes bisbilles les ayant opposés. Rien à voir selon son avocat, Me. Jean-Julien Perrin, avec des raisons religieuses. Si Brahim M. est "effectivement musulman", son refus "relève plus de la psychologie", martèle son conseil auprès de Marianne. Une version développée par le chauffeur dans La Montagne : "C’est plus un blocage lié à ma culture, à mon éducation. Même ado, j’étais comme ça, le contact physique avec les femmes me mettait mal à l’aise. Ça ne m’empêche pas de leur dire bonjour, de leur parler, d’être avenant".

Le conseil des prud'hommes semble avoir été convaincu par ces explications, et met en avant "les nombreux témoignages de salariés et collègues de monsieur Brahim M. contredisent la thèse patronale", attestant un "profond respect de monsieur M. pour autrui". Si discrimination il y a eu, c'est même, selon l'avocat de Brahim M., son client qui en a été victime. Selon lui, les deux contrôleuses, "membres d'un groupe qui avait déjà eu des altercations avec des collègues de confession musulmane", auraient cherché à le "pousser à la faute". "Ils ont voulu me faire passer pour la bête horrible, mais la vérité est enfin rétablie. La vraie discrimination, c’est moi qui l’ai subie", triomphe le chauffeur dans La Montagne ce jeudi.

La décision prud'homale est toutefois également justifiée par un point de procédure : le 28 mai 2018, Brahim M. a obtenu, devant la Cour d'appel de Riom, l'annulation de la première mesure disciplinaire prise à son encontre, qui sanctionnait son refus de serrer la main à une cadre de l'entreprise. Comme cette première punition a été annulée, la régie Epic T2C ne pouvait donc faire valoir la récidive pour licencier son employé lors du second incident. "L'absence de répétition ôte au licenciement son caractère suffisant de gravité

", concluent ainsi les prud'hommes. Contactée, la régie Epic T2C n'a pas donné suite à nos sollicitations.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne