Le 17 mars, Roxana Maracineau, ministre des Sports, assiste au classico Paris Saint-Germain - Olympique de Marseille au Parc des Princes. Dans les tribunes, des chants homophobes fusent. Interrogée sur le sujet le 23 mars par France Info, la responsable politique dénonce ces pratiques : "C'était inadmissible d'entendre les chants que j'ai entendus. C'était le PSG qui criait contre Marseille. Au lieu d'encourager leur équipe, ils disaient des choses horribles sur Marseille." 

Je ne vois pas pourquoi dans le sport, et dans les stades, on pourrait se permettre des choses qu'on ne se permet pas ailleurs.

"Apparemment, c'est historique, mais c'est juste pas possible, condamne-t-elle d'emblée. Moi je n'emmènerais pas mes enfants dans un match comme ça. Je ne vois pas pourquoi dans le sport, et dans les stades, on pourrait se permettre des choses qu'on ne se permet pas ailleurs." Des propos salués par sa consoeur Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et hommes.

L’ancienne championne du monde de natation ajoute ensuite qu'elle "travaille avec Nathalie Boy de la Tour", la présidente de la Ligue Professionnelle de Football, "à pénaliser les abus, à faire en sorte que les clubs deviennent plus responsables". Car si les propos racistes sont punis dans les stades, ce n'est toujours pas le cas pour les propos homophobes. 

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Invoquer le folklore

Sauf que quelques jours plus tard, l'intéressée prend ses distances. La patronne du foot professionnel français emprunte la pente glissante de la remise en contexte : "C’est le folklore, le folklore du foot…, dit-elle dans Le Parisien le 25 mars, lorsque le journaliste lui demande si elle est choquée au même titre que la ministre. J’assiste à plus de 50 matchs par an. Ce sont des propos qu’on entend régulièrement. Ça ne veut pas dire qu’ils sont acceptables, mais ils font partie de l’expression d’une ferveur populaire."

Pour beaucoup de supporters, les chants homophobes font partie du folklore.

Elle ajoute : "Pour beaucoup de supporters, les chants homophobes font partie du folklore. Je ne suis pas en train de dire que ça doit le rester, mais c’est une réalité. La plupart des supporteurs n’ont pas l’impression de blesser."

Alors qu'une convention est censée être signée ce mardi 26 mars au Sénat avec la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, Nathalie Boy de la Tour a temporisé les envies de pénalité de la ministre. "Il faut y aller par étapes (...), a-t-elle déclaré devant le Sénat, rapporte l'AFP tôt dans la matinée. Il y a déjà énormément de choses qui sont réalisées par la LFP". Elle vante le "travail d'éducation et de sensibilisation" déjà à l'oeuvre, via des séances de sensibilisation dans des centres de formation pour jeunes footballeurs, notamment. Selon elle, l'idée est de "montrer que, derrière les mots qu'on peut utiliser de façon un peu légère, on peut blesser, faire souffrir quelqu'un".

Homophobie ordinaire

Nathalie Boy de la Tour a sans doute raison. Sans doute que de nombreux supporters de football ne se "rendent pas compte" qu'employer le mot "PD" pour insulter, décrédibiliser l'équipe adverse, c'est grave, et punissable par la loi, qui sanctionne déjà les injures homophobes de 12.000 euros d'amende. C'est de l'homophobie. 

C'est même de l'homophobie ordinaire, celle qui, pernicieuse, se retrouve à passer sous les radars tellement elle est excusée, justifiée, tellement son impact et sa gravité sont minimisés. L'homophobie commence dès les remarques, insultes, moqueries, et déjà là, elle devrait être vue comme intolérable. Déjà là, elle peut commettre des dégâts considérables. 

Le collectif Rouge Direct, dédié à la lutte contre l'homophobie dans les stades, et le monde du sport de manière générale, et SOS Homophobie, se sont dits "abasourdis" par les propos de Nathalie Boy de la Tour. "Considérer, comme le fait la présidente de la #LFP, que les chants #homophobes dans les stades de #foot relèvent du « folklore » c’est relativiser et tolérer l’homophobie", écrit SOS Homophobie sur Twitter.

Face aux critiques des associations, la dirigeante de la LPF a dû tempérer sa déclaration plus tard dans la matinée du 26 mars, auprès du Parisien : "Ces actes n’ont rien à faire dans un stade. Comment pouvons-nous combattre cela ? La sanction, pourquoi pas, mais quel type de sanction ? Il faut appliquer un principe de réalité dans les stades."

De son côté, Rouge Direct réclame des sanctions a minima similaires à celles existantes contre les propos racistes, à savoir : interdiction de stade pendant un maximum de trois mois, un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

Plainte contre Patrice Evra

L'ère de la tolérance serait-elle enfin en train de toucher à sa fin ? Le 26 mars, on apprend par France Bleu que le collectif Rouge Direct a porté plainte contre Patrice Evra pour injures homophobes. Rappel des faits : le 18 mars, l'ancien capitaine de l'équipe de France apparaît dans la story Instagram d'un ami. Pour réagir à la qualification de Manchester face au PSG, il dit : "Paris, vous êtes des PDs !", plusieurs fois.

Quelques jours plus tard, Patrice Evra tente de rattraper le coup en présentant des excuses portées par une promesse de bonne foi, dans une vidéo publiée sur Twitter : "Je ne suis pas homophobe (...), j'aime tout le monde. Donc si j'ai blessé quelqu'un, je m'excuse, mais vous savez que ce n'est pas mon intention." Il précise : "Only God can judge me", "seul Dieu peut me juger" en français. Voilà qui est bien pratique. Mais il y aussi le Code pénal, Patrice Evra. 

Si M. Evra n'a pas conscience de la gravité de se propos, nous souhaitons que ce soit un juge qui lui rappelle la gravité de ses propos.

"Nous ne voulons pas laisser passer les injures d'un ancien capitaine de l'équipe de France de football, a expliqué à France Bleu Julien Pontes, porte-parole du collectif Rouge Direct. Il a une audience notamment auprès des jeunes. [...] Si M. Evra n'a pas conscience de la gravité de se propos, nous souhaitons que ce soit un juge qui lui rappelle la gravité de ses propos.