Le Picasso volé ou les incroyables aventures du vrai « Indiana Jones » de l’art

Pour les conservateurs de musées, Arthur Brand est une véritable célébrité. Enquêteur et aventurier, il retrouve des œuvres d’art – tableaux, sculptures ou trésors de l’antiquité – qui ont été dérobées par des malfrats. Son dernier exploit : avoir mis la main sur un inestimable Picasso perdu depuis 20 ans.
Le Picasso vol ou les incroyables aventures du vrai « Indiana Jones » de lArt
Un autre portrait de Dora Maar, titré « Dora Maar au chat », peint par Picasso en 1941. Proche de la version de 1938, retrouvée par Arthur Brand.Graham Barclay/Bloomberg via Getty Images

Vingt ans qu’il avait disparu des radars. Vingt ans de recherches policières, toujours sans résultat. Vingt ans que plus personne ne comptait revoir un jour Le portrait de Dora Maar – autrement appelé Buste de femme (Dora Maar) – qu’avait peint Picasso en 1938. La toile, représentant la maîtresse de l’artiste espagnol, faisait partie de sa collection privée jusqu’à sa mort. Elle était ensuite devenue la propriété d’un cheikh saoudien qui – grand mal lui en pris – l’avait accroché dans son yacht. En 1999, alors que le bateau était amarré dans le port d’Antibes, le tableau avait été volé… Puis, plus rien, le chef-d’œuvre restait introuvable. Désormais estimé à 25 millions d’euros, Le Portrait de Dora Maar vient de réapparaître aux Pays-Bas, au terme de quatre ans d’enquête menée par Arthur Brand, plus connu sous le sobriquet de « véritable Indiana Jones du monde de l’art ». Depuis toutes ces années, le tableau – que s’arracheraient beaucoup de musées – servait de monnaie d’échange dans des trafics de drogues ou d’armes. « Depuis le vol (en 1999, ndlr), la peinture a dû avoir changé de propriétaire une dizaine de fois », affirme Brand dans Le Monde.

Mi-mars, au beau milieu de la nuit, on sonne à la porte de Monsieur Brand. Pas étonné, ce néo-Tintin va ouvrir et tombe nez-à-nez avec un homme d’affaires qui avait enveloppé le Buste de femme (Dora Maar) dans un drap et des sacs-poubelle. Arthur Brand l’a accroché chez lui – plaisir de quelques heures pour cet esthète – avant de le remettre, dès le lendemain matin, aux autorités, afin qu’il soit restauré.

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Brand n’en est pas à sa première aventure, ni à son premier exploit. Cet Hollandais, originaire de Deventer, est depuis son plus jeune âge un passionné d’art et d’Histoire. Ces premières découvertes, il les fait durant ses études en Espagne, où il s’accointe avec une bande de gitans qui l’invite à faire des fouilles clandestines dans le désert andalou. Là, il découvre une pièce datant de la Rome antique. Son premier trésor.

L'Aventurier de l'Arche perdue
Depuis, Arthur Brand côtoie les collectionneurs privés, les directeurs de musées, les artistes mais aussi les malfrats, les contrebandiers, les voleurs… En 2011, il a même ouvert un cabinet qui vient en aide aux institutions pour retrouver des œuvres volées ou pour expertiser l’origine de tableaux.

Parmi les faits d’armes de Brand, on peut citer la seule copie connue de l’Évangile selon Judas qu’il a récupéré en Égypte ou encore ce trésor vieux de 1300 ans, pillé dans une tombe péruvienne, qu’il a réussi à restituer. Il a également intercepté pas moins de cinq œuvres de peintres flamands du XVIIe siècle, qui avaient été volées par un groupe de criminels en Ukraine. Les négociations avaient alors été dignes d’un film d’espionnage.

L’aventure qui a forgé sa renommée s’est déroulée en 2015. Il avait alors retrouvé, en Allemagne, deux chevaux de bronze sculptés par Josef Thorak, artiste officiel du IIIe Reich, qui ornaient l’entrée de la Chancellerie d’Hitler à Berlin. Les équidés avaient disparu après la chute du Mur, et n’ont donc refait surface que 25 ans plus tard.

En janvier 2019, quelques semaines seulement avant l’affaire du Picasso volé, Arthur Brand faisait déjà la une de la presse avec une histoire toute aussi romanesque. On annonçait qu’il avait remis à l’ambassade d’Espagne à Londres deux pierres gravées vieilles d’au moins un millénaire, d’une valeur inestimable. Dérobées quinze ans plus tôt dans une église espagnole par des voleurs d’art professionnels, elles dormaient depuis dans le jardin d’un aristocrate anglais. Seule l’investigation de Brand avait permis de les localiser. Aujourd'hui, Le Portrait de Dora Maar finit de façonner cette célébrité. Le monde de l’art a véritablement trouvé son héros.