Qui sont les morts de la rue ?

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Qui sont les morts de la rue ?

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Chaque année, le collectif Les Morts de la rue rend hommage aux personnes sans domicile décédées en France
Chaque année, le collectif Les Morts de la rue rend hommage aux personnes sans domicile décédées en France
© AFP - Thomas Samson

Au moins 566 personnes sans domicile sont mortes en 2018 en France. Un chiffre sans prétention d'exhaustivité établi, comme chaque année, par le collectif "Les Morts de la rue". La moyenne d'âge de ces victimes de la rue est de 48 ans et pour la majorité, ce sont des hommes.

Ils et elles s'appelaient Roger, Zohra, Jean-Claude, Jozsef, Marie-France, Anaïs, Abdoul, parfois n'avaient pas de prénom connu ou n'ont pas pu être identifié.es. Leur point commun ? Toutes et tous étaient en situation de rue lorsqu'ils sont morts, sans domicile. Depuis le début de l'année 2019, au moins 108 personnes SDF sont mortes. 

Ce mardi, comme chaque année, " Les Morts de la rue" (CMDR) leur rend hommage, dans l'espoir qu'un jour plus aucune personne ne meurt à cause de la rue. 566 personnes y ont perdu la vie en 2018 d'après "des listes en rien exhaustives" souligne le collectif.

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Ce chiffre est en effet souvent bien loin de la réalité. En 2015, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut de la Veille Sanitaire évoquait une exhaustivité inférieure à 20%. Autrement dit, plus de 80% des décès de personnes en situation de rue resteraient inconnus.  

Journal de 8 h
16 min

Pas de profil unique

Il est très difficile pour le CMDR de dresser un "profil type" de ces personnes mortes en situation de rue. En grande majorité, ces sans domicile fixe sont des hommes. L'an dernier, 50 femmes sont décédées ainsi que 13 mineurs dont six âgés de moins de cinq ans. Le collectif ne sait pas identifier les raisons de cette différence entre hommes et femmes. L’une des pistes possibles est le nombre de femmes SDF, a priori moins important que celui des hommes. À Paris par exemple, les femmes représentent environ 12% des SDF, selon le dernier recensement effectué par la mairie de la capitale début 2019. 

Les parcours de vie sont aussi très différents. Certaines personnes connaissent la rue depuis plusieurs décennies et tentent de survivre, d'autres vivent dans des bidonvilles sans cesse déplacés, il y a aussi des jeunes sorti.es de l'Aide sociale à l'enfance. Dans deux tiers des cas, soit la maladie, soit une mort violente est à l'origine du décès : un suicide, un meurtre ou la toxicomanie. Pour le dernier tiers, la raison reste inconnue. Un rapport publié en novembre 2017 par "Les Morts de la Rue" précise que la plupart des jeunes meurent de causes violentes, les aîné.es sont plus touché.es par la maladie. 

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En moyenne, ces sans domicile retrouvé.es mort.es sont âgé.es de 48 ans mais l’écart est important entre les victimes. La plus jeune était un bébé d’à peine 15 jours, la plus âgée, un homme de 87 ans qui vivait à Nanterre. 

Ils et elles sont nombreux.ses à décéder dans la rue, sur la voie publique. Plus d'un tiers d'entre eux finira ses jours dans un centre de soins, contre plus de la moitié de la population générale. 

Des chiffres de plus en plus importants

Le collectif "Les Morts de la Rue" a entamé ce travail de recensement au début des années 2000. Les données sont recueillies grâce à la veille médiatique et aux signalements que reçoit l’association. 

Le nombre de "morts de la rue" recensé n'a cessé d'augmenter entre 2002 et 2016, selon un rapport publié en nombre 2017 par le Collectif Les Morts de la rue
Le nombre de "morts de la rue" recensé n'a cessé d'augmenter entre 2002 et 2016, selon un rapport publié en nombre 2017 par le Collectif Les Morts de la rue
- Collectif Les Morts de la rue

À l’époque, le nombre de "morts de la rue" était bien moins élevé qu’aujourd’hui. Mais cela ne veut pas dire nécessairement dire que les mort.es de la rue sont plus nombreux.ses. 

Pour Cécile Rocca, coordinatrice du collectif, cette hausse significative est en partie due à la notoriété grandissante de l’association. "À l’époque, le collectif n’était pas autant connu qu’aujourd’hui. Plus il est connu, plus les décès signalés sont nombreux", explique-t-elle. L’association n’était basée qu’à Paris, le pourcentage de décès en Île-de-France était aussi bien supérieur aux chiffres actuels. 

Concernant les causes de la mort, il y a une vingtaine d’années, le Sida était à l’origine de beaucoup plus de décès de personnes sans domicile, selon Cécile Rocca, tout comme l’héroïne qui causait de nombreuses overdoses. La situation géopolitique mondiale influence également l’origine des personnes sans domicile. Dans les années 2000, beaucoup étaient originaires du Kosovo ou d’ex-Yougoslavie. 

Autre grande évolution récente qui a aussi des conséquences sur l’interprétation des données, la collecte de ces chiffres il y a vingt ans était plus "artisanale". Désormais, ce sont des épidémiologistes qui sont chargés du travail de recensement et des questionnaires standardisés permettent de mieux comparer les chiffres recueillis d’une année sur l’autre. 

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Un hommage tous les ans

Comme tous les ans, le CMDR rend hommage à ces victimes de la très grande précarité. Un à un, les noms des 566 personnes mortes dans la rue en 2018 seront égrainées. Un hommage presque secondaire face à l'urgence de la situation pour Cécile Rocca :

Le drame est que cela arrive. C'est une réalité que personne ne voit. Ces gens sont comme vous et moi mais ils meurent en moyenne 30 ans plus tôt !                                
 

Grâce à cette cérémonie d'adieu, l'association entend faire connaître la réalité : "Vivre à la rue mène à mourir prématurément", dénonce Cécile Rocca. L'hommage permet aussi des funérailles dignes pour ces SDF bien souvent coupés de leur famille et à leurs proches de faire leur deuil. Depuis le début de l'année 2019, au moins 108 personnes SDF sont mortes. Comme ces derniers jours André, une figure du quartier Pernety évoquée dans un article du Parisien.

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