La tumultueuse histoire des studios de la Victorine, le petit Hollywood français

La Cinémathèque française consacre une rétrospective aux films tournés à la Victorine, mythiques studios niçois. Retour sur un lieu qui a marqué l'histoire du cinéma hexagonal.
La tumultueuse histoire des studios de la Victorine le petit Hollywood français
Les films du Carrosse/Warner-Columbia Film/Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images

L’Italie a Cinecittà. La France a la Victorine. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que ces célèbres studios niçois ont accueilli en leur sein quelques-uns des films français les plus mythiques, comme Les Enfants du paradis de Marcel Carné ou La Nuit américaine de François Truffaut. Jusqu'au 7 avril, la Cinémathèque Française célèbre le centenaire de cette mecque du 7e art, qui a connu de multiples vies.

C’est en 1919 que les producteurs Serge Sandberg et Louis Nalpas, voyant comme une menace le développement de l’industrie cinématographique allemande, décident de construire un grand complexe à Nice. L’idée ? Offrir aux réalisateurs hexagonaux un endroit parfait pour déployer leur créativité, avec les moyens adéquats. Abel Gance y tourne notamment La Roue en 1923. Véritables gouffres financiers pour ses créateurs, les studios tapent dans l’œil de Rex Ingram (Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse) en 1924, qui y voit le lieu parfait pour créer une annexe d’Hollywood. Il y met en scène Mare Nostrum, pour lequel un grand bassin aquatique est aménagé.

Si le cinéaste se retire ensuite du projet, les studios voient leur dynamique relancée et connaissent une ère fastueuse. S'y tient le tournage des Enfants du paradis (1946), dont la création du « boulevard du Crime » a nécessité 67500 heures de travail. « 35 tonnes d’échafaudages apportées (non sans mal, en raison de l’époque troublée et des restrictions) de Paris fournirent l’ossature de plus de cinquante façades de théâtres et de maisons dont le revêtement ne nécessita pas moins de 350 tonnes de plâtre sur 3000 mètres carrés de “canisse” », expliquait Ciné-Miroir, une revue de l’époque. C'est là que Jacques Tati monte de toutes pièces la maison futuriste de Mon Oncle, symbole d’une modernité aliénante. S’ensuivent d’autres longs-métrages culte : Fanfan la Tulipe, Le Corniaud, Et Dieu créa la femme. Brigitte Bardot y fait des émules, tout comme Grace Kelly qui, pendant le tournage de La Main au collet, rencontre le Prince Rainier de Monaco.

Puis la Victorine perd de son attrait. Les cinéastes désertent le lieu, préfèrent les décors naturels. À tel point que le complexe est en plein déclin quand François Truffaut vient filmer La Nuit américaine en 1973. Quelques cinéastes y feront par la suite un détour, comme Woody Allen pour Magic in the Moonlight (2014), mais les studios n’ont été que le fantôme d’eux-mêmes ces dernières années. Le centenaire pourrait toutefois marquer leur renouveau : un comité piloté par le maire de Nice, Christian Estrosi, a été chargé de plancher sur la restauration du lieu. Le début d’une nouvelle aventure ?

Retrospective Le centenaire des studios de la Victorine, jusqu'au 7 avril à la Cinémathèque française.

Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images

Jean-Luc Godard et Brigitte Bardot, à une projection du Mépris à La Victorine (août 1963).

Getty images

Paul Newman pendant le tournage de Lady L.

Pathé/Roger Forster/Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images

Le boulevard du Crime des Enfants du paradis.