Comment les Gilets jaunes infléchissent la stratégie budgétaire de Macron

Le gouvernement a dévoilé mercredi sa nouvelle trajectoire budgétaire. Avec un déficit beaucoup moins réduit que prévu.

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Le programme de stabilité permet aussi de se rendre compte que le gouvernement ne prévoit pas, à ce stade, de réintroduire une hausse de la taxe carbone à partir de 2020. 

Le programme de stabilité permet aussi de se rendre compte que le gouvernement ne prévoit pas, à ce stade, de réintroduire une hausse de la taxe carbone à partir de 2020. 

© THIBAULT CAMUS / POOL / AFP

Temps de lecture : 4 min

Quel a été l'impact de la crise des Gilets jaunes sur la politique budgétaire d'Emmmanuel Macron  ? La lecture du « programme de stabilité », que les deux ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, ont dévoilé lundi soir dans une interview aux Échos, permet de se rendre compte de ce que prévoit désormais le gouvernement après les mesures qui seront annoncées à la sortie du grand débat national, même si les arbitrages du président ne sont pas encore connus.

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Premier constat à la lecture de cette trajectoire budgétaire que la France est tenue d'envoyer chaque année à Bruxelles : le déficit sera moins réduit que prévu d'ici 2022. La faute à une croissance revue à la baisse par rapport aux prévisions de l'année dernière. En raison des risques qui pèsent sur l'économie mondiale, Bercy table désormais sur 1,4 % de croissance chaque année à partir de 2019, contre 1,7 % précédemment. Il faut aussi tenir compte des 11 milliards d'euros de mesures annoncées fin 2018 pour calmer la colère des Gilets jaunes. La majeure partie de ces mesures n'est pas financée et va donc creuser le déficit dès cette année. L'activité un peu meilleure que prévu et les bons résultats sur le déficit (2,5 % ou lieu de 2,7 %) permettent toutefois au gouvernement de limiter la casse. Il table désormais sur un déficit 2019 de 3,1 % et non plus 3,2 %. Un chiffre marqué par l'effet exceptionnel du basculement du CICE en baisse de charges pérennes pour les entreprises, ce qui entraîne un double versement ponctuel en 2019. Dès 2020, le déficit va donc mécaniquement baisser de 0,9 point. Bercy espère donc le faire descendre à 2 % du PIB puis à 1,2 % en 2022. L'objectif de revenir à l'équilibre budgétaire est donc abandonné.

Suppression pour tous de la taxe d'habitation

Mais il n'y a pas que le ralentissement de la croissance qui explique ce relâchement sur la baisse du déficit. Confronté aux exigences des Français qui se sont exprimés lors du grand débat, le gouvernement d'Édouard Philippe prévoit d'augmenter un peu les baisses d'impôts prévues jusqu'à présent. Elles vont passer de 1 à 1,4 % du PIB d'ici 2022, notamment sous l'effet de la baisse de la CSG pour certains retraités qui avaient subi une hausse en 2018. La taxe d'habitation sera supprimée pour tous les Français, y compris donc les 20 % les plus aisés, d'ici 2022, sauf sur les résidences secondaires.

De l'autre côté, les dépenses, elles, vont progresser un tout petit peu plus vite que ce qui était prévu dans le budget 2019. Elles vont augmenter de 0,6 % au-delà de l'inflation cette année et en 2020, de 0,3 % en 2021 et 0,1 % en 2022. L'effort le plus important est donc renvoyé à l'année des élections présidentielle et législatives alors que la majorité sortante n'aura peut-être pas à exécuter tout le budget…

Ce moindre effort sur la réduction du déficit est encore plus visible en regardant l'évolution du déficit structurel, celui qui ne dépend pas de la croissance, mais uniquement des décisions de hausses d'impôts ou de baisses de dépenses décidées par le gouvernement. Il sera minime jusqu'en 2020 (- 0,1 point par an). Puis il devrait remonter un peu à 0,3 point par an, bien moins que ce qui était prévu il y a un an et très en dessous des exigences des règles budgétaires européennes… Le sérieux budgétaire est donc sérieusement assoupli pour ne pas risquer de braquer les Français, au risque que le déficit explose à nouveau en cas de crise économique. Les objectifs fixés dans la loi de programmation des finances publiques, censés servir de boussole pour le mandat, sont abandonnés.

Vers des hausses d'impôts sur les plus aisés  ?

Conséquence logique, l'objectif de baisse de la dette est sérieusement revu : il passe de 5 points de réduction à 1,6 point seulement en 2022, date à laquelle la dette atteindrait 96,8 % du PIB.

Le programme de stabilité permet aussi de se rendre compte que le gouvernement ne prévoit pas, à ce stade, de réintroduire une hausse de la taxe carbone à partir de 2020. Il a donc décidé de se passer des recettes associées dans la trajectoire présentée (quelque 10 milliards d'euros). En revanche, il compte tout de même sur la désindexation des retraites de l'inflation, sauf, probablement, les plus petites d'entre elles, alors que le Conseil l'a annulée pour des raisons techniques en 2020. La trajectoire de finances publiques pourrait donc encore se dégrader et les dépenses augmenter un peu plus vite si Emmanuel Macron décide de réindexer les petites pensions. D'autant qu'une mesure de baisse des impôts pour les classes moyennes et populaires est sérieusement à l'étude pour sortir de la crise.

« Pour l'instant, tout cela est assez virtuel, on ne sait pas ce qui va être décidé à la fin du grand débat national », considère François Ecalle, responsable du site spécialisé sur les finances publiques Fipeco, qui pointe toutefois clairement un relâchement de l'effort sur la réduction du déficit. Ce spécialiste estime que des hausses d'impôts non encore dévoilées limitent peut-être la baisse des prélèvements obligatoires à 1,4 point de PIB dans ce programme de stabilité, chiffre qui, autrement, aurait été encore plus important. Autrement dit, Bercy mise déjà probablement sur une augmentation d'impôt sur les plus aisés réclamée par les Gilets jaunes pour atteindre les objectifs présentés…

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Commentaires (27)

  • LJ24

    J'ai mal pour ma maison secondaire, Petite fermette achetée par mon Grand Père en 1912 et ou je suis né. J'ai déjà quelques difficultés à l'entretenir et à la maintenir en état. Mais je l'ai toujours conservé comme un bien de transmission patrimonial. J'y vais de temps en temps, Mais j'ai du mal à la considérer comme une résidence sur la côte ou dans un lieu luxueux pour personnes aisées. Les petites communes connaissent bien ces petites maisons familiales occupées quelques semaines pan an et qui ne sont même pas aux normes pour la location... Leur faire supporter une taxe d'habitation me paraît une injustice.

  • nemo9

    Sa suppression peut se comprendre puisque déjà beaucoup de gens étaient dispensés de la payer et que sa base de calcul était devenue stupide, dans une hlm on payait plus que dans certaines maisons anciennes sans chauffage central, douche et toilettes (WC au fond du jardin) sauf qu’avec le temps tout avait été installé dans la maison et le nouvel acheteur avait tout le confort mais il était interdit d’aller vérifier pour actualiser !
    Seulement cela exerçait un frein sur les délires de certains maires et de toute façon cet argent que l’état va donner aux mairies viendra toujours... De la poche des français.

  • doumy

    Si jamais ce gouvernement faisait enfin quelque chose, j’en serais profondément ravi ! Vraiment !
    Il est temps de réagir pour rendre notre pays digne de ce qu’il a été. Réduire les dépenses publiques, réduire le nombre de fonctionnaires, avoir une immigration contrôlée, remettre les français au travail et leur rendre leur fierté d’être français. Prendre vraiment des mesures efficaces même si elles font grincer des dents et contrarient les syndicats qui ont participé à ce délabrement. Je contribue grandement aux impôts de ce pays, ce qui ne me semble pas illogique en soi. Mais je voudrai avoir la certitude que cela soit bien utilisée et à bon escient. Loin s’en faut ! Si pas de mesures du gouvernement, alors nous serons de moins en moins nombreux à participer à l’IR et l’IFI. Entre ceux qui en ont marre et qui partent, (et pas que des retraités pour lesquels vous faites une fixette) et les jeunes qui commencent, a raison, leur vie a l’étranger.