Cancers d’enfants en Loire-Atlantique : inquiétude à Sainte-Pazanne

    Douze cas de cancers pédiatriques ont été diagnostiqués dans une petite ville au sud de Nantes et dans les villages autour. Sur place, les habitants sont inquiets. Une réunion avec les autorités de santé est prévue ce jeudi soir.

     Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), le 2 avril. Avec 6 500 habitants, la commune recense deux fois plus de cancers pédiatriques que la moyenne.
    Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), le 2 avril. Avec 6 500 habitants, la commune recense deux fois plus de cancers pédiatriques que la moyenne. LP/Arnaud Dumontier

      « Ces cancers, c'est peut-être dû aux lignes électriques? », interroge Françoise, la boulangère. « Attention, je travaille chez EDF, rebondit une cliente, ne dites pas n'importe quoi ». « En tout cas, ça fait du bruit, tout ça », souffle Marie-France, pains au chocolat à la main. Alors que les clients défilent dans la boulangerie de la place de Retz à Sainte-Pazanne, à 30 km de Nantes, les questions, sans réponse, fusent dans le commerce transformé en lieu de débat. Chacun s'interroge.

      Comment expliquer ces six cas de cancers pédiatriques survenus depuis décembre 2015, dans cette commune de 6 500 habitants ? C'est deux fois plus que la moyenne nationale. Six autres ont été signalés dans les villes voisines, dont trois, que nous révélions ce lundi, ce qui porte à 12 le nombre de cas. Tous ont entre 3 et 19 ans. Depuis l'annonce publique vendredi des parents, regroupés en collectif « Stop aux cancers de nos enfants », la petite ville, en pleine extension, est secouée.

      LP/Arnaud Dumontier

      Si les habitants ne cèdent pas à la panique, l'inquiétude est palpable. Trois enfants sont déjà décédés. L'enquête de l'agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire, sur les six cas de cancers pédiatriques de Sainte-Pazanne signalés en 2017, avait conclu à un excès de cas mais l'analyse des facteurs environnementaux n'a rien donné.

      Santé Publique France va donc poursuivre l'enquête, dont le détail sera précisé lors d'une réunion publique très attendue ce jeudi soir à Sainte-Pazanne. « Quelle est la cause commune ? La cantine ? Des polluants ? », abonde Guy, chef d'entreprise à la retraite qui a appris la nouvelle il y a trois mois en promenant son chien. « J'ai entendu des assistantes maternelles en parler. C'est un sale coup pour tout le monde, et surtout les parents ». Depuis la médiatisation de cette affaire, des copains, vivant à l'étranger, l'ont même appelé ! « Maintenant, Sainte-Pazanne est mondialement connue », ironise-t-il, en s'engouffrant dans la boulangerie. Et la discussion reprend au comptoir.

      A Sainte-Pazanne, les cancers des enfants sont au cœur de toutes les discussions. LP/Arnaud Dumontier
      A Sainte-Pazanne, les cancers des enfants sont au cœur de toutes les discussions. LP/Arnaud Dumontier LP/Arnaud Dumontier

      « Mon petit-fils a un copain malade dans sa classe, poursuit Françoise, la boulangère. Il nous en parle beaucoup, nous raconte qu'il va mieux, qu'il a même pu fêter son anniversaire et manger des bonbons cette année. Il est très sentimental et comme mon mari était pompier, il a demandé à son papi de lui expliquer ce qu'était une chambre stérile ».

      Au même moment, Guillaume, 39 ans, fait son entrée. « Les parents s'inquiètent, ils envoient même leurs enfants faire des prises de sang ! Il paraît que ces cancers proviennent du radon (NDLR : un gaz naturel présent dans la région). »

      Une hypothèse totalement invalidée par le maire, Bernard Morilleau, qui appelle à la prudence. « J'en peux plus, confie l'édile de Sainte-Pazanne. Les interviews, ça n'arrête pas. Je ne sais même pas si on arrivera à caser tout le monde dans la salle lors de la réunion ». Il marque une pause. « Vous êtes qui, vous déjà ? ».

      Bernard Morilleau, le maire de Sainte-Pazanne. LP/Arnaud Dumontier
      Bernard Morilleau, le maire de Sainte-Pazanne. LP/Arnaud Dumontier LP/Arnaud Dumontier

      Il faut dire que depuis une semaine, Sainte-Pazanne n'est plus seulement connue pour son clocher de 67 m, la plus haute église du pays de Retz. Pourquoi ces cancers ? Comment ? Le coup de projecteur est brutal alors que la Loire-Atlantique fait déjà partie des départements les plus exposés à ces maladies selon les dernières données de Santé Publique France.

      Si certains habitants se montrent « raisonnables », et en discutent avec Bernard Morilleau, ce n'est pas le cas de tous. L'affaire se transforme parfois en fable, surtout lorsque certains prennent la plume. « J'ai reçu des mails qui incriminent les compteurs Linky, d'autres les lignes électriques, se désole le maire. Ils sont forts ; moi, tout ce que je sais, c'est que je ne sais pas. Je demande à tous de garder leur sang-froid. On est inquiet, certes, mais personne ne fait ses valises ! »

      « Il est temps que l'Etat se pose des questions »

      Quelques mètres plus loin, l'heure de la sortie des classes a sonné. Devant l'école, le bruit des cartables à roulettes retentit sur le macadam mouillé. Rosa, 58 ans, assistance maternelle, prévient : « Mon mari ira à la réunion pour savoir ce qui se passe dans la commune mais il ne faut pas non plus stresser ». À côté, son fils Chris, 20 ans, ne pense pas que la cause y sera divulguée. « Sinon, on la connaîtrait déjà », estime-t-il, précisant qu'il connaît une fille de son âge, atteinte d'une leucémie dans le coin.

      Deux mamans discutent derrière les grilles de la primaire. « Moi, j'ai tendance à penser que cette hausse de cancers est du pur hasard ! », commente Virginie, 29 ans. « Mais c'est vrai que le maire de Sainte-Pazanne doit s'inquiéter, conclut sa copine Julie, son bébé d'un mois contre elle. Il est temps que l'Etat se pose des questions. »

      Les sept dates clés

      Avril 2017. Des parents signalent à l'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire six cas de cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne, dont quatre leucémies aiguës.

      Juillet 2018. L'ARS reconnaît un excès de cas de leucémies mais sans en déterminer les causes.

      25 février 2019. Trois autres cas sont rapportés.

      29 mars. Une quinzaine de parents créent le collectif « Stop aux cancers de nos enfants » et donnent une conférence de presse. L'ARS annonce avoir saisi Santé Publique France pour mener une enquête épidémiologique.

      1er avril. Le collectif annonce que trois autres cas ont été recensés, portant à 12 le nombre d'enfants tombés malades à Sainte-Pazanne et ses environs.

      3 avril. Une réunion publique avec l'ARS, Santé Publique France et la mairie est organisée à 19h30, à Sainte-Pazanne, salle Escale.

      Automne 2019. Premiers résultats de l'enquête de Santé Publique France.