SANTEA Sainte-Pazanne, trop de cancers d'enfants et de questions sans réponses

«Y a-t-il un danger ici?» A Sainte-Pazanne, trop de cancers d'enfants et de questions sans réponses

SANTEUne longue réunion publique s'est tenue jeudi soir à Sainte-Pazanne, où une douzaine de signalements de cancers chez des enfants ont été recensés ces dernières années
Des centaines de personnes ont assisté à la réunion publique à Sainte-Pazanne
Des centaines de personnes ont assisté à la réunion publique à Sainte-Pazanne - J. Urbach/ 20 Minutes
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Plusieurs centaines de personnes ont assisté, jeudi soir, à la réunion publique autour des cancers pédiatriques survenus à Sainte-Pazanne et aux alentours de cette petite commune de Loire-Atlantique.
  • Les premiers résultats de l'enquête épidémiologique, qui vise à déterminer s'il existe une cause commune, ne seront pas connus avant six mois.

Le maire l’avoue, un trémolo dans la voix : il n’a jamais vu autant de monde dans la grande salle communale de Sainte-Pazanne. Ce jeudi, dès 19h30, au moins 600 personnes ont répondu présentes à la réunion publique convoquée quelques jours plus tôt par l’Agence régionale de santé (ARS), dans cette petite commune de Loire-Atlantique.

Au cœur des discussions, la multiplication des cancers chez les enfants de la commune et des alentours, récemment révélée par un collectif de familles. Entre 2015 et 2019, 12 cas (des leucémies en majorité) ont été signalés chez des enfants de 3 à 19 ans, et trois sont décédés depuis. Un chiffre qui interroge alors que chaque année, une cinquantaine de cas se déclare dans tout le département.

Quatre pistes pas totalement exclues

Devant les vives inquiétudes qui s’expriment, les cinq professionnels de santé qui ont fait le déplacement n’ont pas pu apporter toutes les réponses souhaitées. Car l’étude épidémiologique, que vient de lancer Santé Publique France, démarre tout juste. « L’objectif est de trouver la cause commune de cet agrégat de cancers, s’il y’en a une, explique Bertrand Gagnière, médecin épidémiologiste pour cet organisme dépendant du ministère de la Santé. Les choses ne sont pas encore cadrées : il va falloir définir nos zones de recherches, les cas auxquels on s’intéresse, le contenu des questionnaires… »

Quatre facteurs environnementaux, identifiés par l’ARS après une première enquête en 2017 (qui avait conclu qu’un excès de cas était réel), pourraient cependant être réexaminés. « Nous avions exclu toutes les pistes sauf celles des sols pollués aux hydrocarbures, du benzène que l’on trouve dans l’air, des pesticides et du radon, détaille Thierry Le Guen, médecin à l’ARS. Il y a eu beaucoup trop de cas, notamment entre 2015 et 2017, mais on ne peut pas non plus exclure la probabilité d’un aléa. Existe-t-il un danger autour de Sainte-Pazanne ? Nous sommes donc aujourd’hui en incapacité de le dire. »

Impatience et désarroi

Dans la salle, se mêlent désarroi et impatience. « Mon fils de 7 ans a déjà deux petits copains qui ont été touchés par la maladie, se désole une maman. On ne va pas attendre que nos enfants tombent un à un ! » « Il ne faut pas tomber dans la psychose mais faire confiance au travail qui va être mené. On n’est pas face à une épidémie donc il n’y a aucun principe de précaution à prendre », juge le Dr Le Guen.

« Cependant, il y a des signes d’alerte comme la grande fatigue, la pâleur, les douleurs dans les jambes, liste Caroline Thomas, médecin au service oncologie pédiatrique du CHU de Nantes. Là, il faut consulter son médecin traitant qui prescrira une prise de sang s’il l’estime nécessaire ». Mais après 3h de réunion, pointe aussi un peu de colère : « Les médecins ne sont toujours pas bien informés, il y a un vrai problème, lance une mère de famille, au premier rang. En attendant nos enfants crèvent… » L’ARS s’est engagée, ce soir, à réunir les professionnels de santé du secteur d’ici à deux semaines.

Analyses sur le terrain

Si les institutions ne peuvent se faire plus précises sur les causes, les nombreux parents dans la salle, venus de tout le Pays de Retz, s’essayent à plusieurs hypothèses. Les pesticides sont largement pointés du doigt, mais on parle aussi d’antennes de téléphonie ou lignes à haute-tension, alors que seuls 6 cas ont été recensés entre 2001 et 2014. « Quand je fais les carreaux, je constate des traces noires, c’est une piste de travail je pense », avance un homme. « Est-on sûr de la qualité de l’eau potable ? », questionne un autre. « Il y a des déchets enfouis à Sainte-Pazanne, il faudra peut-être analyser ces zones », reconnaît le maire, Bernard Morilleau.

Une demande de prélèvements sur le terrain vivement appuyée par les familles, alors que les premiers résultats de l’étude épidémiologiques pourraient être connus d’ici à six mois. Pour autant, Santé publique France prévient déjà que dans la plupart des ses investigations, il n’avait pas été possible d’identifier de cause commune. « C’est un travail de fourmi, long et fastidieux, mais nos enfants le méritent », assure Marie Thibaud, porte-parole du collectif « Stop aux cancers de nos enfants ». Cette maman d’un petit garçon en rémission, rejointe depuis par une vingtaine de familles, annonce que l’association lancera bientôt des groupes de travail pour mener sa propre enquête. « On ne lâchera rien », conclut-elle.

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