Les smartphones nous rendent-ils bêtes ?

À la rencontre des neurologues et psychologues qui étudient l’impact du meilleur ami technologique de l’être humain sur son cerveau. En partenariat avec Outthere.

Il y a cinq ans, alors qu’ils étaient attablés dans un café, Adrian Ward et Maarten Bos ont réalisé que leur attention était complètement happée par leur smartphone. « On s’est fait la réflexion en même temps : pourquoi étions-nous focalisés sur nos écrans alors qu’on passait un bon moment entre amis ? » se souvient Adrian Ward, professeur adjoint à l’université du Texas et titulaire d’un doctorat en psychologie. « On s’est dit que le fait que notre portable bénéficie de tant d’attention voulait peut-être dire que notre cerveau y était très sensibilisé, et que cela empiétait sur une partie de nos ressources cognitives. »

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C’est ce que les deux chercheurs ont démontré dans une étude qu’ils ont menée en 2017. Intitulée « Drainage du cerveau : la simple présence de son smartphone réduit la capacité cognitive d’une personne », elle se penche sur la manière dont fonctionne l’attention au sein du cerveau humain. « Il y a des choses auxquelles on choisit de prêter attention et d’autres par lesquelles notre cerveau est automatiquement attiré, comme notre prénom par exemple », explique Adrian Ward.

Il s’agit de l’ « effet cocktail party », un anglicisme qui désigne notre capacité à nous concentrer sur une seule conversation dans une ambiance bruyante, tout en restant attentif et capable de répondre à notre prénom si une personne nous appelle depuis l’autre bout de la pièce.

« On a accordé à nos smartphones une place très privilégiée dans notre vie ; on prête la même attention à notre sonnerie de téléphone qu’à notre nom », constate Adrian Ward. C’est également valable d’un point de vue neuroscientifique, puisque la région de notre cerveau qui s’active à l’écoute de notre prénom est la même que celle qui est sollicitée par notre sonnerie de téléphone.

Résultat : même si nous ne nous servons pas de notre portable mais qu’il se trouve à proximité, notre cerveau voudra automatiquement lui prêter attention. « Nous devons donc utiliser des ressources supplémentaires pour ne pas être distrait par notre smartphone », reprend-il.

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L’intelligence fluide

Notre capacité cognitive s’en trouve ainsi réduite, puisque nous disposons de moins de ressources pour les autres tâches gérées par notre cerveau. Sont alors impactées la mémoire de travail et l’intelligence fluide. La première désigne la mémoire à court terme d’une personne, celle qui lui permet de retenir et manipuler des informations pendant quelques secondes ou minutes afin d’effectuer une tâche particulière. L’intelligence fluide, elle, fait référence aux capacités de raisonnement, d’analyse et de logique.

Si notre smartphone possède une telle influence sur notre cerveau, c’est parce que les fabricants ont su s’adapter à son fonctionnement. « Chaque être humain possède une sorte de système d’alerte sensible à tout ce qui pourrait potentiellement être dangereux ou qui est saillant dans notre environnement, comme une sonnerie, justement », explique Nawal Abboub, directrice scientifique de Rising Up et neuroscientifique. Un fonctionnement qui s’applique à d’autres technologies.

« Le cas du smartphone est particulièrement révélateur car il permet d’avoir accès à tout en permanence. C’est ce qui lui donne tant de pouvoir », constate Adrian Ward. « Mais, quel que soit le support, toute technologie qui demande de l’attention à quelqu’un peut potentiellement devenir problématique. »

Faites le test : si vous travaillez sur votre ordinateur et que vous avez laissé la télévision en sourdine, vous allez instinctivement lever les yeux en entendant un personnage parler plus fort ou si vous apercevez un flash lumineux. « Cela nous capte et affecte notre mémoire de travail : on perd de l’énergie et du temps », reprend Nawal Abboub.

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C’est également valable pour la musique : écouter une chanson en français que l’on ne connaît pas bien interfère avec l’action de réviser des cours, par exemple. « La puissance de l’ancrage des connaissances s’en trouve affectée : on retient moins bien les informations et on a plus de mal à mobiliser ses connaissances plus tard », explique la neuroscientifique, qui préconise d’opter pour des musiques sans paroles ou des chansons dans des langues que l’on ne maîtrise pas.

Si le système de l’attention est important à comprendre pour mieux réguler sa gestion des usages numériques, il en est de même pour la manière dont notre cerveau traite les informations. « Il fait les choses une par une », assure l’experte. « Il traite tout en série, et non pas en parallèle comme un ordinateur. »Par exemple, si on reçoit un SMS pendant une réunion et qu’on le lit, on perdra du temps de parole de notre collègue qui est en train de s’exprimer, car l’attention du cerveau est portée sur la lecture du message.

« Ces “switchs” d’attention que l’on fait tout le temps affectent nos fonctions cognitives et leurs capacités. Ils peuvent fatiguer très vite une personne, comme lorsqu’elle passe une après-midi à répondre à ses mails, ses SMS et ses messages WhatsApp suite à des alertes de son téléphone », explique Nawal Abboub. « Lorsque les “switchs” sont nombreux, on parle de “multitasking” sauvage : tout est contrôlé par notre environnement. C’est là qu’il y a des conséquences importantes sur nos capacités cognitives, notamment sur notre mémoire, mais aussi sur nos niveaux d’anxiété. On utilise beaucoup d’énergie mentale et cela affecte notre productivité au quotidien. »

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Outthere

Outthere est un média édité par thecamp, campus international dédié à la co-création de futurs désirables et situé au cœur de la Provence. C’est un camp de base où des talents du monde entier se forment, s’inspirent, et s’entraînent afin de développer des solutions pour un futur plus humain et plus durable.

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