Paris : Monet à la Gare Saint Lazare, célébration de la modernité en douze oeuvres impressionnistes



En 1877, Claude Monet réalise une série de douze toiles représentant la Gare Saint Lazare sous divers points de vue. A cette époque, il quitte Argenteuil à la suite de problèmes financiers et s’installe provisoirement rue d’Edimbourg avec sa famille. Le quartier de l’Europe aménagé à l’aune du développement de la Gare Saint Lazare et de la ville nouvelle désirée par Napoléon III et le baron Haussmann, fascine les artistes. A l’instar de Caillebotte, Degas et Manet, les peintres de la vie moderne, Monet cherche à élargir son inspiration dans des thématiques plus urbaines. Il obtient l’autorisation officielle du directeur de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest de poser son chevalet au cœur de la Gare Saint Lazare. Selon les exhortations de Louis-Edmond Duranty et Emile Zola, deux défenseurs de la première heure du mouvement impressionniste, il souhaite peindre son temps. Plutôt que de concentrer son travail sur la réalité des lieux, les lignes et volumes de l’architecture ou la représentation des machines, Monet s’attache plutôt à rendre les effets de lumière, les variations de couleur, l’animation d’une foule pressée. Les douze tableaux expriment une vision sensible quasiment abstraite. 


La Gare Saint Lazare Claude Monet 1877

La Gare Saint Lazare, arrivée d'un train Claude Monet 1877

La Gare Saint-Lazare, le train de Normandie Claude Monet 1877

La Gare Saint-Lazare Claude Monet 1877


A l’occasion de la troisième exposition des impressionnistes en 1877, Claude Monet présente trente toiles dont huit appartiennent à la série réalisée Gare Saint Lazare. L’évènement remporte un succès public et critique. L’impressionnisme qui marque la rupture de l’art moderne avec la peinture académique acquiert une véritable reconnaissance après des débuts difficiles. Les artistes du mouvement tendent à retranscrire des impressions fugitives sujettes aux variations telles que la mobilité des sujets, les phénomènes météorologiques. Leurs compositions ouvertes s’axent selon des angles inattendus ou tout du moins inhabituels pour l’époque. Les peintres s’offrent la liberté d’une grande variété de techniques, jouant sur la matière, l’accumulation, les empâtements ou les juxtapositions franches des teintes.

Les paysages urbains de la Gare Saint Lazare, sa grande halle, les quais, les rails, les machines crachant de la vapeur, ces structures de verre et de métal qui illustrent le savoir-faire des ingénieurs, convoquent puissamment l’idée du progrès technique. Dans cette série de tableaux, au-delà de la géométrie de l’architecture, des effets de perspectives qui cadrent les compositions, Claude Monet parvient à saisir sur le vif l’atmosphère du lieu, celle d’une modernité incarnée. Il choisit d’évoquer des motifs nouveaux révélateurs des mutations technologiques liées à la première Révolution industrielle tout en prélevant du réel des impressions celles produites par les émanations diaphanes, la luminosité particulière sous verrière, la sensation de fourmillement du lieu, d’effervescence au moment du départ ou de l’arrivée des locomotives.


Le Pont de l'Europe, Gare Saint-Lazare Claude Monet 1877

Extérieur de la Gare Saint-Lazare, effet de soleil Claude Monet 1877

Extérieur de la gare Saint-Lazare, arrivée d'un train Claude Monet 1877

Les Voies à la sortie de la Gare Saint-Lazare Claude Monet 1877


Dans la série des Gares Saint Lazare, Claude Monet rend hommage à la ville qu’est devenue Paris, dans sa nouvelle forme imaginée par Napoléon III et le baron Haussmann. Cette modernisation débutée en 1851, alliant urbanisme et esthétique donnera à la Capitale ses grands boulevards, ses vastes places, ses espaces verts iconiques et une série d’équipements modernes que sont l’eau, le gaz, les égouts. Avec le boom ferroviaire en France survenu dans les années 1840, le chemin de fer est devenu symbole de modernité, de progrès et de liberté. Haussmann dote Paris, de deux nouvelles gares, en 1855 la Gare de Lyon imaginée par l’architecte François-Alexis Cendrier et en 1865, la Gare du Nord par Jacques Hittorff. La ville moderne se trouve alors au centre d’un réseau en étoile de six grandes compagnies. 

Néanmoins, la Gare Saint Lazare peinte par Claude Monet n’est pas tout à fait celle que les voyageurs empruntent de nos jours. A l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, l’architecte Juste Lisch (1828-1910) est chargé de reconstruire la gare originelle imaginée entre 1841 et 1852 par l'architecte Alfred Armand (1805-1888) et l'ingénieur Eugène Flachat (1802-1873), avant d'être agrandie par les mêmes en 1867, afin de l’adapter aux besoins de son trafic en plein essor. Les travaux menés de 1885 à 1889 vont greffer les nouveaux bâtiments sur le noyau des anciennes halles réaménagées. La Gare Saint Lazare y gagne son actuelle façade néo-classique et ses deux ailes latérales aux voies formant un U, une galerie marchande au rez-de-chaussée, la célèbre salle des pas perdus au premier étage. L’ancienne gare est encastrée entre cinq nouvelles halles métalliques plus étendues, élevées sur l’arrière et le long de la rue de Rome. Les motifs peints par Monet et épargnés par les grandes transformations peuvent encore être admirés à condition d’être observateur. 


La Gare Saint-Lazare, vue extérieure Claude Monet 1877

La Gare Saint-Lazare, vue extérieure Claude Monet 1877

La Gare Saint-Lazare, les signaux Claude Monet 1877

La Tranchée des Batignolles Claude Monet 1877


Les tableaux de Claude Monet représentant la Gare Saint Lazare forment le premier ensemble qui répond au principe des séries. Il préfigure un concept que le peintre établira au travers de séries architecturales, les Cathédrales de Rouen, les Parlements de Londres, ou des séries plus champêtres les Meules, les Peupliers, les Nymphéas. Alors que seules deux des toiles de la série dédiée à la Gare Saint Lazare ont été exécutées selon un point de vue similaire, dans les séries suivantes, Claude Monet tend à peindre le même motif, sous le même angle, à différentes heures de la journée, à différentes saisons afin de capturer les effets de la lumière, les changements atmosphériques, les variations de couleurs. Un sacerdoce qui fera dire à Cézanne au sujet de Claude Monet « Ce n’est qu’un œil, mais bon Dieu, quel œil ! ».

La Gare Saint Lazare sous le pinceau de Claude Monet, une série de douze toiles réalisées en 1877

La Gare Saint-Lazare
La Gare Saint-Lazare, arrivée d'un train
La Gare Saint-Lazare, le train de Normandie
La Gare Saint-Lazare
Le Pont de l'Europe, gare Saint-Lazare
Extérieur de la gare Saint-Lazare, effet de soleil
Extérieur de la gare Saint-Lazare, arrivée d'un train
Les Voies à la sortie de la gare Saint-Lazare
La Gare Saint-Lazare, vue extérieure
La Gare Saint-Lazare, les signaux
La Tranchée des Batignolles

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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.