Quand des enfants juifs dans un camp se moquent de Hitler en chantant

Ela, l'une des rares rescapés du camp de Terezin, chante "Brundibar" avec des enfants, près de 80 ans plus tard. - Artisans du Film
Ela, l'une des rares rescapés du camp de Terezin, chante "Brundibar" avec des enfants, près de 80 ans plus tard. - Artisans du Film
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Ela, l'une des rares rescapés du camp de Terezin, chante "Brundibar" avec des enfants, près de 80 ans plus tard. - Artisans du Film
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"Les enfants de Terezin et le monstre à moustache" : documentaire bouleversant à voir sur France 5. Ela, déportée à 11 ans, raconte son rôle dans Brundibar, un opéra qui caricaturait ouvertement le dictateur nazi. Elle n'a jamais oublié ces chansons qui incarnaient l'espoir face à la barbarie.

C’est une histoire ahurissante et c’est une histoire vraie. Une dame de 88 ans la raconte, face à la caméra, dans un documentaire diffusé sur France 5 dimanche 7 avril : "les enfants de Terezin et le monstre à moustaches". Ela Stein-Weissberger porte un blouson en jean. Ses petits yeux rieurs la rendent d’emblée très sympathique. Et son visage s’illumine quand elle se met à chanter. Ela parle en anglais tous les jours, elle vit aux Etats-Unis. Mais quand elle chante, c’est en langue tchèque. Elle avait 11 ans quand elle a chanté "Brundibar" sur scène pour la première fois. C’était dans le camp de Terezin, en 1942.

Le méchant portait une moustache

Terezin était un camp nazi, où furent déportés des dizaines de milliers de Juifs. Une ancienne forteresse, en Tchécoslovaquie, reconvertie en camp de transit sous l’occupation allemande. On y vivait dans des conditions épouvantables, avant d’être conduit vers Auschwitz ou ailleurs. Et dans ce cauchemar, une parenthèse de vie : un spectacle joué par des enfants devant les autres prisonniers. C’était « Brundibar », opéra composé par Hans Krasa, prisonnier à Terezin lui aussi. 

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La petite Ela jouait le rôle du chat. Un personnage important : c’est lui qui fait alliance avec les enfants pour vaincre Brundibar. Le méchant Brundibar qui représente... Adolf Hitler ! Brundibar porte une moustache, il est nerveux et caractériel : la caricature du dictateur est évidente. 

Des archives grâce à un film de propagande

Pourquoi les Nazis ont-ils laissé faire? Une affaire de propagande. Eichman, haut dignitaire nazi, présentait le camp de Terezin comme « le paradis des Juifs ». Il a envoyé une caméra pour y tourner un film. Titre de ce film : « le Führer donne une ville aux Juifs ». Bien sûr, on n’a pas montré la famine, les maladies et les convois vers les camps de la mort. On a mis au premier rang les enfants qui tenaient à peu près debout. Ce film, cette mascarade, servait à montrer au monde que les Juifs étaient bien traités. Regardez, on les laisse même chanter ! Sur ces images de propagande, en noir et blanc, on voit la petite Ela.

Un acte de Résistance

La plupart des ces bambins que l’on voit chanter ont été envoyés à la mort peu de temps après. Sur les 15.000 enfants juifs de Terezin, une centaine seulement a survécu. Ela faisait partie de cette poignée de rescapés. Et elle raconte comment cet opéra l'a aidé à survivre, a maintenu l'espoir. Parce que les paroles de cette chanson gravée dans sa mémoire disaient : « Brundibar est vaincu, le tyran a perdu. Nous sommes les vainqueurs, et nous n’avons plus peur. » 

Ela n’est plus là aujourd’hui, elle est morte peu après le tournage de ce documentaire. Mais pendant des années, dans le monde entier, elle a vu ce spectacle - Brundibar - joué sur scène par des enfants. Et à chaque fois, elle est montée sur scène avec eux pour la scène finale. Le documentaire montre une de ces représentations. Ces images m'ont donné la chair de poule : cette femme qui chante avec des enfants, sept décennies plus tard, la chanson qui la reliait à la vie quand elle était petite fille et que l'espoir semblait interdit. Voilà qui vient rappeler l'immense pouvoir de la musique, et de l'art en général. Cet opéra était un acte de résistance. 

« Les enfants de Terezin et le monstre à moustache » (durée 55 minutes) : un documentaire signé Henriette Chardak. Dimanche 7 avril à 22h35 sur France 5 (et en replay pendant une semaine). 

Pour aller plus loin : Henriette Chardak est aussi l'auteure d'un livre, aux éditions MaxMilo. 

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