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Santé

Amiante : tous les salariés exposés pourront faire valoir leur préjudice d'anxiété

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Un manifestant tient une banderole "Stop amiante" devant le Palais de Justice de Paris, le 22 mars 2019
Un manifestant tient une banderole "Stop amiante" devant le Palais de Justice de Paris, le 22 mars 2019
AFP - Thomas SAMSON

La Cour de cassation a ouvert vendredi la voie à l'indemnisation du préjudice d'anxiété pour tous les travailleurs exposés à l'amiante, sous certaines conditions qui laissent présager des débats complexes devant les tribunaux.

L'assemblée plénière, la formation la plus solennelle de la haute juridiction, abandonne ainsi une jurisprudence que les syndicats et associations de victimes de l'amiante dénonçaient comme étant "discriminatoire".

Le "préjudice d'anxiété", consacré en 2010 par cette Cour, permet l'indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais qui s'inquiètent de pouvoir le devenir à tout moment.

S'agissant de l'amiante, la Cour de cassation restreignait jusqu'ici ce mécanisme aux seuls salariés dont l'établissement est inscrit sur des listes ouvrant droit à la "préretraite amiante" : les travailleurs de la transformation de l'amiante ou de la construction et de la réparation navale.

Dans son arrêt rendu vendredi, la Cour de cassation reconnaît que "le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements" listés.

"De nombreux salariés" dont l'angoisse de devenir malade ne pouvait être indemnisée jusqu'ici "ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé", a reconnu la haute juridiction.

Lors de l'audience, le 22 mars, l'avocat général avait préconisé un tel revirement de jurisprudence.

La Cour était saisie du cas d'un ancien salarié d'une centrale thermique d'EDF, qui demandait réparation pour avoir inhalé des fibres d'amiante entre 1973 et 1988.

Le 29 mars 2018, la cour d'appel de Paris avait résisté à la jurisprudence qui avait cours en accordant 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété à ce salarié d'EDF, qui ne figure pas sur les listes "préretraite amiante", et 107 de ses collègues. EDF s'était pourvu en cassation.

La Cour de cassation a posé des conditions: le travailleur voulant être indemnisé devra justifier de son exposition à l'amiante, et l'employeur pourra s'exonérer s'il justifie avoir pris "toutes" les mesures de sécurité et de protection de la santé prévues par la réglementation.

- "Encore des risques" -

Dans un communiqué, plusieurs syndicats et associations de victimes ont salué vendredi soir la fin d'une "injustice", une "étape essentielle" dans leur combat.

"La porte est ouverte, alors qu'avant elle était fermée", s'est également félicité Alain Bobbio, de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva). "On va enfin avoir des dockers, des ouvriers du bâtiment qui pourront faire valoir leurs droits".

"On a gagné", s'est aussi réjoui Valentin Quadrone, retraité d'EDF et militant CGT, lui-même "malade de l'amiante". Le dossier de ses collègues d'EDF comporte "encore des risques", a-t-il reconnu, car devant les tribunaux il faudra "apporter la preuve de la faute de l'employeur et de l'exposition", et "l'entreprise va chercher à dire qu'elle a fait tout ce qu'il faut".

Manuela Grévy, avocate des salariés d'EDF, estime qu'il sera "très difficile" pour l'employeur de s'exonérer en établissant que les mesures prises protégeaient les salariés de l'amiante, matériau isolant très volatile.

Une position que ne partage pas l'avocate d'EDF, Anne Sevaux, qui se félicite que la Cour ait "posé des bornes" et anticipe des débats "très compliqués devant le juge du fond", au cas par cas.

De leur côté, l'Association des victimes de l'amiante et autres polluants (Ava) et le Comité anti-amiante Jussieu ont déploré "une règle qui livrera la décision finale à l'arbitraire des tribunaux".

En 2014, le Haut Conseil de la Santé Publique estimait que l'amiante, interdite en 1997, pourrait encore tuer entre 68.000 et 100.000 personnes en France entre 2009 et 2050.

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