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Le télescope Gemini South
Le télescope Gemini South, équipé d'une optique adaptative à grand champ, a pris une photographie inédite de l'un des amas d'étoiles les plus vieux de la Galaxie.

Son éclat est tellement faible, le champ stellaire où il se trouve, dans la constellation d’Ophiuchus, est tellement dense qu’il a fallu attendre 1954 pour que les astronomes le découvrent : HP 1 a été observé pour la première fois à l’observatoire de Haute-Provence. Cet amas globulaire est constitué, comme tous ses semblables, de dizaines, ou de centaines de milliers d’étoiles serrées les unes contre les autres et toutes nées ensemble, il y a… longtemps.

Généralement, les amas globulaires, denses et brillants, sont très faciles à voir, parfois à l’œil nu, comme le célèbre amas d’Hercule, ou détectés, avec des télescopes géants, à plus de cent millions d’années-lumière de chez nous.

Mais HP 1, malgré sa relative proximité – environ 22 000 années-lumière, est pratiquement invisible avec des moyens optiques traditionnels, car se trouvant dans la région interne de notre galaxie, il est masqué par la poussière et le gaz interstellaire de la Voie lactée.

Pour l’étudier dans de bonnes conditions, il faut traverser ce voile de poussières, c’est-à-dire observer dans l’infrarouge. C’est ce que vient de faire, avec le télescope géant Gemini South, l’équipe de l’astronome brésilien Leandro Kerber. L’engin, équipé d’une optique adaptative à grand champ, GSAOI, a permis d’étudier HP 1 avec une précision inédite. D’abord, sa distance a été mesurée précisément : presque 22 000 années-lumière, donc. Puis sa trajectoire dans la Voie lactée a été affinée : l’amas se trouve actuellement à 5500 années-lumière du Centre galactique, et son fameux trou noir géant dont on espère découvrir la première image cette semaine, mais il s’approche jusqu’à 400 années-lumière et s’éloigne jusqu’à 10 000 années-lumière sur son orbite elliptique.

Enfin, l’étude de ses étoiles a permis d’évaluer son âge : 12,8 milliards d’années environ. HP 1 serait l’une des premières « briques » constitutives de la Voie lactée, et aurait donc l’âge de notre galaxie…

Une image aussi nette que celles de Hubble, mais prise depuis la Terre

Au-delà de cette étude scientifique, la photographie infrarouge obtenue par le télescope Gemini South depuis l’observatoire de Cerro Pachon, au Chili, est un exploit technique. Les caractéristiques du télescope et de sa caméra ont de quoi faire rêver plus d’un astronome, amateur comme professionnel. Le télescope est doté d’un miroir de 8,1 m de diamètre, et est utilisé, avec la caméra GSAOI, avec une focale de… 260 mètres ! La caméra et son optique adaptative associée GSAOI (Gemini South Adaptative Optics Imager) de son côté, est un engin de nouvelle génération, aux performances incroyables : elle associe la très haute résolution au grand champ. Un exploit rendu possible par l’utilisation de cinq lasers comme étoiles artificielles projetées dans le ciel. La résolution obtenue, 0,1 seconde d’arc en infrarouge est équivalente à celle du télescope Hubble dans l’espace, et le champ de la caméra de 16 millions de pixels est comparable au champ du télescope spatial : 80 secondes d’arc.

Ainsi équipé, le télescope de 8 m atteint ses performances théoriques ; pour faire mieux, il faudra attendre la prochaine génération d’instruments. Paradoxalement, ce n’est pas forcément de l’espace, avec le successeur de Hubble, le JWST, que viendra la prochaine rupture. Le JWST, en effet, avec son miroir de 6,5 m et sa sensibilité infrarouge, ne dépassera pas 0,1 seconde d’arc de résolution, et surtout, il accumule les retards, pendant que sur Terre, s’annonce pour la moitié de la prochaine décennie trois télescopes super géants de 20 à 40 mètres de diamètre, qui pourraient bien révolutionner l’observation astronomique…

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