Le Denali, plus haute montagne d’Amérique du Nord, voit ses glaciers fondre à vue d’œil et avec eux, les déjections congelées des milliers d’alpinistes qui gravissent ses pentes. Des déchets subrepticement dissimulés dans des crevasses mais qui ressurgissent des années après.


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    L'airair pur du Mont Denali, le point culminant d'Amérique du Nord, pourrait bien sentir un peu moins bon dans les années à venir. Cette montagne (ex Mont McKinleyMont McKinley) de 6.190 mètres d'altitude au sud de l'Alaska risque de voir ressurgir les milliers de tonnes d'excréments laissés par les alpinistes au fil du temps.

    Le sommet est en effet particulièrement fréquenté : 1.200 personnes tentent chaque année son ascension, considérée comme un trophée dans le monde de l'alpinisme. Chaque grimpeur générant environ un demi-kilo de déjections durant une course de 18 jours, cela représente plus de 66 tonnes d'excréments accumulés au cours du dernier siècle, a calculé le site USA Today. Initialement, les alpinistes avaient pris l'habitude de déposer leurs déchets dans des crevasses plus ou moins profondes du glacier Kahiltna, la route la plus commune pour accéder au sommet. L'idée généralement répandue était que la glace finirait par les broyer et qu'ils se décomposeraient alors naturellement. Erreur : les déjections congelées sont en réalité restées intactes et sont descendues en contrebas. « Ils refont surface sous d'autres glaciers moins hauts où ils commencent à fondre », témoigne Michael Loso, glaciologue du Service des parcs nationaux américains.

    Les déjections commencent à réapparaître au premier camp de base, situé à 2.200 mètres d’altitude. © Freesolo Adventures, Flickr
    Les déjections commencent à réapparaître au premier camp de base, situé à 2.200 mètres d’altitude. © Freesolo Adventures, Flickr

    Ce dernier étudie le problème depuis plusieurs années et affirme être très préoccupé par la fonte des glaciers qui s'accélère. Durant les 50 dernières années, leur surface a ainsi diminué de 8 %, d'après les études du parc national. Conséquence : les déjections commencent à réapparaître au premier camp de base, situé à 2.200 mètres d'altitude. « On pourrait en retrouver dès le début de la saison des ascensions, au mois d'avril, alerte Michael Loso. Elles auront le même aspect et sentiront aussi mauvais que lorsqu'elles ont été déposées ».

    Des rivières contaminées aux bactéries fécales

    Le problème ne concerne malheureusement pas seulement les grimpeurs : les microbesmicrobes des excréments survivent en effet parfaitement à leur séjour dans la neige. Des analyses menées dans les rivières alimentées par le glacier ont ainsi révélé la présence de bactériesbactéries fécales E.coli, même si leur taux demeure en-dessous des normes en vigueur pour les bases de loisir.

    Face à ce problème, les guides du parc Denali ont décidé depuis cette année d'obliger leurs clients à redescendre leurs excréments en-dessous de 4.300 mètres d'altitude et à côté du camp de base (mais pas l'urine, trop lourde à transporter). Le Service de parcs nationaux teste également depuis 2001 des toilettes portables, des sortes de bidons munis de sacs favorisant la biodégradation des déjections. La discipline semble plutôt bien suivie par les grimpeurs, généralement soucieux de l'environnement.

    Sur les pentes de l’Himalaya, des pieds et des mains de cadavres

    Le mont Denali n'est pas le seul sommet à voir des choses indésirables ressurgir à la faveur du réchauffement climatique. Sur les pentes de l'EverestEverest dans l’Himalaya, ce sont des cadavres qui refont surface. Trois cents alpinistes y sont décédés depuis 1921 et les deux tiers des corps n'ont jamais été retrouvés. « Des mains et des jambes ont réapparu sur le camp de base 4 ces dernières années », explique un responsable d'une ONG locale. En 2018, ce sont les corps entiers de deux alpinistes islandais disparus il y a 30 ans qui ont été découverts au pied d'un glacier.