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Des pesticides, même dans les champs bios

Selon une étude de l’Université de Neuchâtel, on trouverait des traces d’insecticides dans la quasi-totalité des champs de l’agriculture biologique suisse. De quoi faire tempêter les Verts

Comment les champs bios se retrouvent-ils contaminés? Les pistes sont multiples: le vent, l’eau – les molécules de néonicotinoïdes sont hautement solubles –, la mise en condition des graines… et le principe même de l’insecticide.  — © Stéphane Mahe/Reuters
Comment les champs bios se retrouvent-ils contaminés? Les pistes sont multiples: le vent, l’eau – les molécules de néonicotinoïdes sont hautement solubles –, la mise en condition des graines… et le principe même de l’insecticide.  — © Stéphane Mahe/Reuters

Les terres biologiques n’échappent pas aux pesticides. C’est la révélation choc d’une étude de l’Université de Neuchâtel, relayée par la NZZ am Sonntag ce dimanche: quelque 93% des champs biologiques du Plateau suisse sont contaminés par les néonicotinoïdes, un insecticide bien connu – et régulièrement accusé de contribuer à l’extinction des abeilles.

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En 2015, 700 échantillons de terre et de végétation – des pousses de céréales, de colza ou de pommes de terre – ont été prélevés dans une soixantaine d’exploitations, de Nyon à Winterthour, mais aussi sur des surfaces de compensation. «Il s’agit principalement de prairies, conçues comme des refuges pour la biodiversité et dans lesquelles la Confédération investit massivement», précise Fabrice Helfenstein, l’un des responsables de l’étude.

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Les résultats sont sans appel: dans les deux cas, la présence de pesticides est avérée. Une concentration faible toutefois, qui se révèle inoffensive pour l’être humain mais pas pour l’écosystème environnant. Jusqu’à 7% des espèces d’invertébrés seraient affectés par la présence des pesticides, comme les pollinisateurs ou encore les vers de terre.

Comment les champs bios se retrouvent-ils contaminés? Les pistes sont multiples: le vent, l’eau – les molécules de néonicotinoïdes sont hautement solubles –, la mise en condition des graines… et le principe même de l’insecticide. «Une plante traitée n’absorbera que 5% de son enrobage, explique Fabrice Helfenstein. Le reste va nécessairement voyager.» Isoler les parcelles est donc un vrai casse-tête. «D’autant qu’en Suisse, elles sont souvent petites, en mosaïque et gérées selon différentes pratiques agricoles.»

Depuis 2015, trois des cinq types de néonicotinoïdes mentionnés dans l’étude ont été interdits. «Il faut maintenant le temps que cette décision, prise fin 2018, soit implantée et que les molécules en terre se dégradent», rappelle Fabrice Helfenstein.

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Remous politiques

Une nouvelle «effrayante», selon l’organisation Bio Suisse, qui exige dans la NZZ am Sonntag une restriction plus stricte des pesticides nocifs.

Céline Vara, vice-présidente des Verts suisses, est encore plus radicale. En janvier, la députée signait un postulat au Grand Conseil neuchâtelois appelant à l’interdiction des pesticides de synthèse. «J’en ai la boule au ventre, lâche-t-elle. Il y a quelques jours, on apprenait que nos cours d’eau sont massivement pollués. Cette nouvelle étude confirme que nous n’avons qu’une solution: se passer totalement de ces substances.»

Concrètement, l’élue espère que l’étude entraînera une prise de conscience politique. D’autant qu’en avril, deux initiatives populaires seront discutées au Conseil national à ce sujet. «Cela fait quinze ans que les chercheurs observent ces effets, on ne peut plus attendre! Il faut engager des moyens, proposer des alternatives et accompagner les paysans, qui sont nombreux à vouloir passer au bio. Et la population n’a jamais été aussi sensible à cette problématique. Il manque juste le courage de prendre les bonnes décisions.»