Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais Habyarimana était abattu, déclenchant un génocide dans le pays. Le bilan : jusqu’à un million de morts. Alors que 25 ans après s’amorcent les commémorations du génocide, la journaliste du Soir Colette Braeckman raconte une descente aux enfers amorcée dès les années 90, des jeux politiques sombres, des signes avant-coureurs et des massacres indicibles.

La lente descente aux enfers

Lorsque je découvris le Rwanda à la fin des années 80, le “pays des milles coopérants” bénéficiait de toutes les indulgences.

Le président Habyarimana venait régulièrement partager les prières du château de Laeken et les fidèles se pressaient dans les églises catholiques. En août 1990, le président Habyarimana mesurait cependant la montée des périls. A l’occasion d’une longue interview qu’il m’accorda dans sa villa de Remera, à l’extérieur de la ville, il souligna les difficultés économiques du pays, invoquant le surpeuplement pour exclure toute idée d’un retour des Tutsis réfugiés dans les pays voisins : “Vous voyez bien qu’il n’y a pas de place !” Me présentant son épouse Agathe, il déclara en souriant : “C’est elle, le véritable chef.” Commentant la prochaine venue du pape, il s’interrogea sur le coût que son pays devrait supporter, à tel point que je me permis une plaisanterie de mauvais goût : “Un malheur n’arrive jamais seul.”

J’ignorais alors qu’un mois plus tard, le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais allait déclencher la guerre depu