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En Inde, le cauchemar de la vache errante

Depuis que les nationalistes hindous au pouvoir dans l’Etat de l’Uttar Pradesh ont fermé les abattoirs clandestins, le bétail épargné est devenu une source de nuisance et un fardeau pour les agriculteurs.

Par  (New Delhi, correspondance)

Publié le 05 avril 2019 à 13h52, modifié le 05 avril 2019 à 14h46

Temps de Lecture 3 min.

A Bangalore, en 2016. Depuis que les nationalistes hindous au pouvoir dans l’Etat de l’Uttar Pradesh (nord de l’Inde) ont fermé les abattoirs clandestins, le bétail épargné est devenu une source de nuisance et un fardeau pour les agriculteurs.

Les vaches sacrées manquent vraiment de gratitude. Aussitôt arrivés au pouvoir en 2017 dans l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, les nationalistes hindous leur ont sauvé la vie en fermant des abattoirs illégaux. Des groupes extrémistes ont même mené des rondes de nuit pour lyncher des acteurs supposés de la filière bovine.

Au moins quarante-quatre personnes sont mortes dans ces exécutions sommaires, en majorité des musulmans, entre 2015 et 2018. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que les vaches en liberté deviendraient si nombreuses qu’elles saccageraient les champs, provoquant la colère des habitants. Alors que le pays est appelé à élire ses députés en avril et en mai, la vache sacrée, totem de ralliement des nationalistes hindous, pourrait se transformer en repoussoir électoral.

Les éleveurs de bétail sont bien plus pragmatiques que les idéologues nationalistes : que faut-il faire des vaches sacrées lorsqu’elles sont trop âgées pour donner du lait ? Les paysans, qui avaient jusqu’ici l’habitude de les vendre aux abattoirs, doivent désormais continuer de les nourrir et de les entretenir, en pure perte. Certains préfèrent donc les abandonner discrètement. Les bêtes qui ont retrouvé leur liberté ruminent dans les champs de moutarde ou encombrent les rues des petites villes.

Depuis que les commissariats ont été obligés d’adopter une vache pour « montrer l’exemple », des policiers en uniforme se relayent pour s’occuper du bétail du poste.

Cette invasion est devenue un cauchemar pour les agriculteurs, contraints de monter la garde jour et nuit dans des cabanons de fortune, pour que leurs parcelles ne soient pas saccagées. Ils doivent dépenser des fortunes en barbelés ou allumer des feux la nuit pour tenir les « nuisibles » éloignés. Excédés, certains d’entre eux ont évacué les élèves et les instituteurs d’une école primaire pour y enfermer le bétail, selon les informations du quotidien The Indian Express.

La police a dû procéder à vingt et une interpellations, alors que ses agents sont déjà débordés. En effet, depuis que les commissariats ont été obligés, toujours par les nationalistes hindous, d’adopter une vache pour « montrer l’exemple », des policiers en uniforme se relayent pour s’occuper du bétail du poste et, s’ils ont le temps, pour courir après les malfaiteurs. L’Uttar Pradesh est l’Etat indien qui enregistre l’un des taux de criminalité le plus élevé du pays.

Le gouvernement régional, dirigé par un prêtre hindou extrémiste, a finalement pris le problème par les cornes. Il a institué en février une taxe de 0,5 % dévolue au bien-être des bovins et leur a consacré 4,47 milliards de roupies (57,4 millions d’euros) dans son budget annuel, pour notamment leur construire des abris.

Les vertus de l’urine bovine ?

Des vétérinaires ont commencé à recenser les vaches errantes en leur insérant des puces électroniques pour suivre leurs déplacements et les répartir dans des étables en fonction de leur localisation. Un ministre de l’Etat voisin de Delhi a eu l’idée d’en construire une à côté d’une maison de retraite. « Les humains sont comme les vaches, a déclaré le ministre du développement, Gopal Rai, avec l’âge ils ne sont plus d’aucune utilité et on les force à partir de chez eux. »

Dans l’Uttar Pradesh, les nationalistes hindous sont plus optimistes. Pas question de laisser les vaches mourir, ils songent plutôt à une reconversion professionnelle. Persuadés que leur urine a des vertus curatives, médicinales, désinfectantes ou encore sacrées, ils envisagent de la commercialiser et lui promettent un grand avenir. Reste à convaincre les consommateurs encore dubitatifs, y compris les plus dévots. Mais encore faut-il bien s’en occuper.

Le quotidien Hindustan Times rapporte que, près de Delhi, deux cents bêtes qui étaient gardées dans un abri sont mortes en mars de « maladies » et de « malnutrition ». Dans la ville de Noida, en périphérie de la capitale indienne, les habitants agacés par les embouteillages causés par les vaches ont lancé la campagne « Selfie with cows ». Ils se prennent en photo avec un bovin croisé sur le trottoir ou sur la route et l’envoient aux autorités locales. Ces dernières ont annoncé être à la recherche de lieux pour loger les bestiaux. Mais, dans la mégapole de 22 millions d’habitants, l’espace est rare et cher.

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