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Le gouvernement britannique veut pouvoir divorcer à l’amiable

La Chambre des communes doit s’accorder sur les termes du Brexit avant d’envisager de réformer la loi pour autoriser le divorce par consentement mutuel.

Le Monde

Publié le 09 avril 2019 à 18h15, modifié le 09 avril 2019 à 21h09

Temps de Lecture 4 min.

Un divorce après l’autre. En pleine instance de séparation avec l’Europe, le Royaume-Uni aimerait trouver du temps pour réformer sa loi sur… le divorce. Une fois débarrassée du Brexit – un jour, peut-être –, la Chambre des communes britannique pourrait consacrer un peu de son temps parlementaire pour modifier la loi et instaurer le divorce sans faute.

« Nos lois sur le divorce sont désuètes. Elles blessent des enfants, font le jeu des auteurs de maltraitance et détruisent des vies. Il est temps de les changer », écrit ainsi David Gauke, le ministre de la justice, dans une tribune publiée mardi 9 avril dans The Telegraph.

Lorsque l’épisode Brexit sera digéré, le ministre va demander une modification, par le Parlement, de l’« archaïque » Matrimonial Causes Act qui ne date pourtant que de 1973. Ce texte régit le divorce en Angleterre et au Pays de Galles, qui forment une juridiction unique, séparée des juridictions de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord.

Le « blame game »

A l’heure actuelle, seuls les motifs suivants sont recevables pour demander un divorce dans ces pays :

  • L’adultère (adultery). Un tribunal ne peut accorder le divorce pour cause d’adultère que s’il est commis avec une personne de sexe opposé, précise Le Nouvel Economiste dans un article intitulé « Divorce à l’anglaise, dix choses à savoir » ;
  • Un comportement déraisonnable (unreasonable behaviour). Si l’adultère est commis avec une personne de même sexe, c’est par exemple ce motif qui pourra être invoqué ;
  • La séparation depuis deux ans d’un commun accord des époux (two years’ separation) ;
  • L’abandon du foyer conjugal par l’un des époux depuis au moins deux ans (desertion) ;
  • La séparation des époux depuis cinq sans consentement de l’autre époux (five years’ separation without consent).

« En Angleterre et au Pays de Galles, il n’existe pas de procédure de divorce par consentement mutuel : même si les époux sont d’accord pour divorcer, l’un d’entre eux doit engager une procédure de divorce à l’encontre de son conjoint en établissant l’un des faits cités ci-dessus », explique sur son site Peggy Lethier, une avocate inscrite au barreau de Paris et qui conseille et représente des Français ou des binationaux qui résident en Angleterre, au Pays de Galles ou en France, confrontés à des litiges à caractère familial.

David Gauke affirme que ces changements mettront fin au « jeu des reproches » que sont selon lui l’adultère, l’attitude déraisonnable ou l’abandon. « Nous ne pouvons pas forcer des gens à rester ensemble à cause d’un processus de divorce qui rend les mariages acrimonieux », a-t-il expliqué à BBC News. Ces principes qui régissent le divorce sont si typiques qu’ils servent de toile de fond à The Split, une série britannique d’Abi Morgan sur une famille d’avocates spécialisées dans le divorce.

L’affaire Owens v. Owens

Cette volonté de réformer le divorce fait suite à la décision de la Cour suprême britannique dans l’affaire Owens v. Owens. Le 25 juillet 2018, elle a décidé que Tini Owens, 68 ans, devait rester mariée à Hugh Owens, 80 ans, même si elle n’était pas heureuse en ménage.

Tini Owens, qui est mariée à Hugh Owens depuis quarante ans, a quitté le domicile conjugal en 2015, et lancé des démarches pour divorcer. Elle a expliqué aux juges de la Cour suprême que leur mariage était « sans amour » et « brisé » en raison de l’attitude de son mari. Mais son époux refuse de divorcer et a démenti les accusations portées à son encontre. Si le mariage est « irrémédiablement brisé », c’est la faute de son épouse, qui a eu une liaison et qui « s’ennuie », a-t-il affirmé.

Un cas « très troublant » mais « il ne revient pas aux juges de changer la loi »

L’affaire était passée devant un juge aux affaires familiales puis en appel, et finalement la Cour suprême a tranché, affirmant que Mme Owens devait rester mariée à M. Owens. La présidente de la Cour a qualifié le cas de « très troublant », mais déclaré qu’il ne revenait pas aux juges de « changer la loi ». « Notre rôle est seulement d’appliquer la loi que le Parlement nous a donnée. »

Pour Simon Beccle, l’avocat de Tini Owens, la décision « souligne le besoin urgent pour le Parlement de changer la loi pour permettre aux couples de divorcer avec plus de dignité ». En attendant, Mme Owens doit patienter encore deux ans.

Une association d’avocats spécialisés dans le droit de la famille, Resolution, s’était émue de cette décision, déplorant qu’on puisse encore, au XXIe siècle, rester « prisonnier d’un mariage ». L’association a demandé au gouvernement de prendre des mesures afin de mettre fin à cette situation.

Le ministre de la justice a alors lancé une consultation pour réformer la loi sur le divorce. En septembre, Richard Burgon, secrétaire de la justice du cabinet fantôme, expliquait au Guardian que « les travaillistes sont pleinement déterminés à introduire une procédure de divorce sans faute. Au lieu d’une autre consultation, les conservateurs devraient changer leurs lois en matière de divorce pour les rendre aptes au XXIe siècle ».

Le divorce, une pratique en perte de vitesse

Au terme de la réforme envisagée, la nécessité de prouver l’adultère, la désertion ou un comportement déraisonnable serait remplacée par l’exigence d’une déclaration de rupture irrémédiable (irretrievable breakdown). Les modifications imposeraient désormais un délai minimal de six mois pour permettre aux couples de « réfléchir » à leur décision et supprimeraient également la possibilité de contester un divorce. Le reste de la procédure de divorce – qui impose notamment une période de six semaines avant la rupture définitive – resterait inchangé.

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Reste à savoir quel est l’impact du Brexit sur les mariages en Angleterre et au Pays de Galles : en décembre, un gynécologue expliquait à Channel 4 comment son mariage avait été « détruit » parce qu’il avait voté pour le Brexit, alors que son épouse, une médecin allemand, soutenait le maintien dans l’Union européenne.

En 2018, 118 000 personnes ont entamé une procédure de divorce, rapporte le Guardian. Un chiffre en hausse par rapport à 2017, année qui avait connu le plus faible nombre de divorces depuis 1973, avec 101 669 divorces, selon le Bureau des statistiques nationales. Parmi ces divorces, 62 % étaient demandés par la femme, et la cause la plus commune chez les couples hétérosexuels et homosexuels était « l’attitude déraisonnable ».

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