Jeanne Calment : un groupe Facebook refait l'enquête et trouve des photos et lettres inédites
Sur Facebook, un groupe cherche à laver l'honneur de l'ancienne doyenne des Français. Ses investigations ont permis de retrouver lettres et photos inédites de Jeanne Calment.
Une biologiste, un ancien de la police scientifique, des infirmiers. Des passionnés de généalogie, d'histoire, de graphologie. Des Arlésiens, des gens du Nord, des Russes. Ils sont les 1 200 visages du groupe Facebook "Contre-enquête sur l'enquête Jeanne Calment". La plupart veulent laver l'honneur de la célèbre Arlésienne morte à 122 ans. En novembre 2018, des Russes ont remis en cause son record mondial de longévité. Le 19 janvier 1934, selon eux, ce ne serait pas Yvonne mais Jeanne Calment qui serait décédée. La fille aurait pris la place de la mère, pour éviter le paiement des droits de succession, et ce jusqu'à la fin de ses jours, le 4 août 1997.
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Début janvier, Cécile Pellegrini, fondatrice du groupe et habitante d'Arles (Bouches-du-Rhône), a invité tout ce que la ville compte de "râleurs" à étudier ce "scénario romanesque". Et très vite, ça a fait mouche. "Cette histoire a un peu égratigné mon chauvinisme", témoigne Claudine Serena, une aide-soignante qui s'est occupée de Jeanne Calment pendant les dix dernières années de sa vie. "Nikolay Zak prend les Arlésiens pour des noix", renchérit Cécile Pellegrini.
Le Russe Nikolay Zak s'invite sur le groupe Facebook
Nikolay Zak. L'homme par lequel la polémique est arrivée. Cet ancien étudiant en mathématiques consacre son temps libre aux supercentenaires. Pour la plupart des membres du groupe Facebook, sa théorie, supposément fondée sur 17 "preuves", comporte trop de faiblesses. Depuis trois mois, les apprentis détectives ne chôment pas. Pour comparer les deux femmes, tout y passe : oreilles, yeux, tailles, coiffures, signatures. Ici on apporte des éléments historiques, là des analyses sur les taux de succession en 1934. Très vite, ça frémit. Ça s'emballe, souvent ; ça s'invective, parfois.
À la surprise générale, Nikolay Zak en personne a débarqué dans la petite communauté. Face aux critiques, il fait à chaque fois la même réponse : "Vous n'avez pas lu ma thèse." "En acceptant de le laisser s'exprimer, les administrateurs ont été remarquables, relativise Philip Gibbs, un mathématicien britannique à la retraite. Dans le groupe, il y a plus d'humour que de haine."
C'est finalement l'intervention de membres de la famille de Jeanne Calment qui a donné une autre tournure à la contre-enquête. Claudie Taque est la nièce de Frédéric Billot, fils d'Yvonne et petit-fils de Jeanne. Au début, elle a été méfiante : "Cette histoire a remué beaucoup de souvenirs." Chez elle, la petite-nièce possède un trésor : 35 lettres envoyées par Jeanne Calment à sa mère. Sur Facebook, elle a consenti à en publier deux. "Les autres, ça relève de notre vie privée", souffle-t-elle.
Deux lettres inédites dans lesquelles Jeanne Calment évoque son âge
Ces missives ont une particularité : Jeanne Calment y évoque son âge. "Quand on dit que le chagrin ne tue pas, c'est bien vrai puisque malgré ma peine, j'ai atteint 102 ans et demi sans que rien ne soit changé à tous points de vue", écrit-elle dans la première, datée du 18 août 1977.
"J'ai atteint 102 ans et demi sans que rien ne soit changé à tout point de vue", écrit Jeanne Calment le 18 août 1977 à la mère de Claudie Taque.
(Collection personnelle/Famille de Jeanne Calment)Puis, sept ans plus tard : "Vous me dites que vous viendrez un jour […] je vous demande de m'avertir afin que je vous entende sonner, je ne suis parvenue à cet âge (109 le 21 février 84) sans avoir de la surdité et la vue très abîmée, de là ma vilaine écriture." L'écriture est fragile, les paroles touchantes. Ce ne sont pas des preuves scientifiques mais dans le groupe, l'émotion est vive. "Plus cette histoire avance, plus j'ai l'impression d'avoir connu Jeanne", peut-on lire sur un post.
"Je ne suis pas venue à cet âge 109 le 21 février 84 sans avoir de la surdité et la vue très abîmée", écrit Jeanne Calment à la mère de Claudie Taque le 29 octobre 1983.
(Collection personnelle/Famille de Jeanne Calment)Puis viennent les photos. Frédérique Skyronka, la petite-fille de Paul Billot, le beau-frère d'Yvonne Calment, a passé une partie de ses étés avec Jeanne Calment à La Miquelette, la maison de famille près d'Arles. Chez son père, elle a retrouvé un cliché daté de 1962.
Pour les internautes, aucun doute : il s'agit d'une photo de Jeanne Calment, 87 ans à l'époque, et non d'Yvonne, qui aurait 64 ans sur ce cliché si elle avait pris la place de sa mère. "On a ressenti quelque chose de magique", témoigne Cécile Pellegrini. "On avait la chair de poule : enfin, on touchait au but", commente un autre. "On a tous crié : 'youpi!', se rappelle Claudine Serena. "Pour Nikolay Zak, ça a été un tsunami", ajoute un de ces passionnés.
Sur les traces d'Yvonne dans un sanatorium en Suisse
Leur quête est insatiable. Ils cherchent désormais la preuve irréfutable de la tuberculose - mortelle - d'Yvonne Calment. Un petit groupe, emmené par Nadine et Michaël, a identifié, sur une photo de la fille, le sanatorium de Leysin, en Suisse. Ils ont notamment étudié de vieilles cartes postales de l'endroit pour faire des recoupements. Tous attendent désormais des archives envoyées de l'autre côté des Alpes qui viendraient confirmer leur piste.
Claudine Serena le répète : "Voilà ce qu'on peut faire, aujourd'hui et ensemble, sur le réseau social. Ce groupe est une aventure humaine formidable!"
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