Selfies, crachats, torses nus : les sites mémoriels confrontés aux touristes indélicats

Alors que le Mémorial d’Auschwitz s’est ému de l’attitude de certains visiteurs, les lieux de mémoire en France sont également victimes de comportements déplacés.

 A l’Ossuaire de Douaumont, certains des jeunes visiteurs se laissent aller à cracher (illustration).
A l’Ossuaire de Douaumont, certains des jeunes visiteurs se laissent aller à cracher (illustration). LP/Philippe Lavieille

    Selfies, discussions trop bruyantes, crachats… Les lieux mémoriels relatifs à la Première et à la Seconde guerre mondiale doivent-ils faire face à des comportements de plus en plus inappropriés de leurs visiteurs? Fin mars, le Mémorial d'Auschwitz a publié sur les réseaux sociaux un message appelant à « respecter la mémoire » du lieu, photos d'adolescents marchant en équilibre sur les rails des trains de la mort à l'appui.

    La France, qui compte de nombreux sites emblématiques des deux conflits majeurs du XXe siècle, n'échappe pas à ce phénomène. « Ça arrive parfois que des jeunes crachent par terre », raconte par exemple une guide qui travaille à l'Ossuaire de Douaumont (Meuse) monument à la mémoire des soldats morts pendant la bataille de Verdun en 1916.

    « Pour eux, prendre un selfie est un comportement normal et il n'y a aucune marque d'irrespect. En fait, tout dépend de leur comportement général », poursuit celle qui est habituée à travailler avec des groupes d'adolescents.

    L'ancien camp de concentration du Struthof, en Alsace (Bas-Rhin), affirme ne pas constater de tels comportements. Il y a trois ans, un visiteur s'était quand même pris en photo en faisant une quenelle, un geste antisémite popularisé par le polémiste Dieudonné, devant un ancien four crématoire. « Nous avions porté plainte, mais heureusement ça n'arrive pas souvent », indique un responsable.

    Trop de bruit, tenue trop légère, animal de compagnie…

    De l'autre côté de la France, sur les plages du Débarquement allié de juin 1944, certains visiteurs peuvent aussi se laisser aller. « On a parfois des petits soucis avec des gens qui ne réalisent pas qu'ils sont dans un lieu mémoriel. Ca peut être des adolescents indisciplinés, des visiteurs qui viennent avec un chien ou une trottinette, d'autres qui sont un peu trop bruyants, etc. », indique une responsable du cimetière américain de Colleville-sur-Mer (Calvados), en Normandie.

    L'été, en saison de haute fréquentation, certains touristes sur la plage située en contrebas viennent parfois dans des tenues jugées « trop légères » par la direction du cimetière. À Douaumont, certains s'allongent carrément sur le gazon à côté du cimetière pour bronzer. « Heureusement, les gendarmes font des rondes régulières », assure l'office du tourisme du Grand Verdun, en charge des visites sur le site.

    À Oradour-sur-Glane, où 642 habitants ont été massacrés en juin 1944 par des SS, ce sont des photos déplacées qui ont choqué. L'une d'elles montre par exemple un visiteur nu, de dos, qui pose au milieu des ruines du village. De quoi scandaliser le maire de la commune située en Haute-Vienne, Philippe Lacroix. « Si vraiment il y a une atteinte à la mémoire des martyrs et un comportement qui n'est pas approprié, nous n'hésiterons pas à déposer plainte », a-t-il mis en garde auprès de France 3.

    «Une petite proportion difficile à convaincre»

    Les consignes de bonne tenue sont pourtant à chaque fois rappelées dans les petits livrets, et des panneaux de prévention sont souvent installés dans les lieux. « Je rappelle toujours avant le début de la visite guidée de ne pas courir, de ne pas crier, de ne pas se tenir avachi, etc. », précise la guide de Douaumont.

    Que se passe-t-il en cas d'incident ? Plusieurs des responsables contactés indiquent que les choses rentrent dans l'ordre « dans 99 % des cas », après l'intervention d'un membre de l'équipe du site. « On a toujours 1 % de récalcitrants. C'est vraiment la petite proportion qui est difficile à convaincre, mais ça reste gérable », estime-t-on au cimetière américain de Colleville-sur-Mer. « Je pars d'un principe pédagogique. Si on explique pourquoi il faut respecter ces consignes, ça fonctionne le plus souvent », poursuit la guide de Verdun.

    Les sites en extérieur, comme les cimetières et les anciens camps de concentration, sont les plus concernées. À l'inverse, dans les musées ou les lieux de mémoires fermés, les visiteurs semblent être plus respectueux. « Ici, le lieu est très solennel et on a beaucoup de témoignages de vétérans. Les gens prennent davantage conscience de ce qu'il s'est passé et qu'il faut se recueillir », glisse-t-on au musée mémorial d'Omaha Beach.