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En Allemagne, un débat émotionnel sur le dépistage de la trisomie

Le gouvernement allemand a proposé que soit remboursé par les caisses d’assurance maladie un test sanguin de dépistage de la trisomie, efficace à 99% et sans risque pour la mère. 5158889/Dominique VERNIER - stock.adobe.com

De longs débats ont eu lieu au parlement allemand, ce jeudi, sur la possibilité de rembourser les tests de dépistage de la trisomie. Dans le pays, les questions d’éthique liées à la famille font souvent ressurgir dans l’inconscient le spectre de l’eugénisme.

De notre correspondant à Berlin

Dans les tribunes du Bundestag, des spectateurs particuliers écoutent attentivement les discours successifs. Ils sont atteints de trisomie 21. Dans l’hémicycle, les députés débattent avec émotion d’un sujet qui dépasse les clivages traditionnels et qui divise chaque famille politique. Le gouvernement allemand a proposé que soit remboursé par les caisses d’assurance maladie un test sanguin de dépistage de la trisomie, efficace à 99% et sans risque pour la mère. Mais en Allemagne, qui discutait récemment du droit à l’information sur l’avortement, les questions d’éthique liées à la famille font souvent ressurgir dans l’inconscient le spectre de l’eugénisme.

« Il existe des forces qui veulent un monde avec des êtres humains optimisés, productifs et sains »

Beatrix von Storch, députée AfD

Plusieurs élus font l’éloge de la différence pour s’opposer à la généralisation du dépistage. «Ce test ne sert pas à guérir. Parce qu’il n’y a rien à guérir. La trisomie n’est pas une maladie. Ce test sert à sélectionner», argumente la députée verte Corinna Rüffer. L’élue fait partie de ceux qui craignent qu’avec sa prise en charge systématique le nombre d’avortements augmente. C’est déjà le cas dans 19 cas sur 20 lors d’un dépistage positif. «Il nous faut une culture de l’accueil de tous les enfants», lance après elle la social-démocrate Dagmar Schmidt. Elle est elle-même parent d’un enfant handicapé. Son intervention est empreinte d’émotion. Mais passée les trois minutes réglementaires, le président du Bundestag Wolfgang Schäuble l’interrompt.

Vient le tour de la députée AfD Beatrix von Storch: «Il existe des forces qui veulent un monde avec des êtres humains optimisés, productifs et sains», lance-t-elle. «Mais les enfants trisomiques sont aimés par leurs parents. Ils sont aussi imparfaits que nous le sommes tous», poursuit-elle en s’inquiétant que «la pression sociale sur la mère ne s’intensifie pour tester tout ce qui est possible». «Nous devrions être très prudents sur cette question», acquiesce le député CSU Christian Schmidt.

» VOIR AUSSI: Où en est la recherche sur la trisomie 21? L’analyse de Cécile Cieuta-Walti

Où en est la recherche sur la trisomie 21 ? L'analyse de Cécile Cieuta-Walti - Regarder sur Figaro Live

Une majorité des interventions en faveur du dépistage

La majorité des élus rappelle cependant le poids du handicap ou ses conséquences sociales. «Il n’est pas juste que les familles pauvres n’aient pas accès à ce test simplement parce qu’elles n’en ont pas les moyens», souligne Petra Sitte, du parti de gauche Die Linke. Disponible depuis 2012, le «prénatest» coûte au minimum 130 euros. «Nous ne pouvons pas dire: ‘‘nous ne vous proposons pas le meilleur test parce que vous n’avez pas d’argent’’. C’est une question d’éthique», ajoute le spécialiste des questions de santé au SPD Karl Lauterbach. Il rappelle la réalité: l’amniocentèse, qui pratiquée et remboursée aujourd’hui, augmente les risques de fausse couche pour les mères.

À l’extrême droite aussi, on appelle à plus de raison. «Craindre la fin de la civilisation occidentale simplement

« Il n’est pas juste que les familles pauvres n’aient pas accès à ce test simplement parce qu’elles n’en ont pas les moyens »

Petra Sitte, du parti de gauche Die Linke

parce qu’est introduite une nouvelle procédure ayant de meilleurs résultats, c’est être à côté de la réalité», estime le député AfD Axel Gehrke. Mais il faut attendre la députée libérale Katrin Helling-Plahr pour entendre une évidence: l’importance d’écouter les femmes qui sont les premières concernées. «J’ai eu beaucoup d’angoisse et de difficultés durant ma première grossesse», raconte-t-elle en argumentant pour une prise en charge des tests par les caisses de sécurité sociale. «Si une femme utilise ou non ces tests de dépistage doit être sa décision», assure-t-elle.

Jeudi, les députés n’ont pas voté mais la majorité des interventions s’est prononcée en faveur du dépistage. La décision finale de prise en charge du test sera discutée en commission parlementaire cet été: d’autres acteurs de la société civile seront entendus. Le débat agite toute l’Allemagne et divise même les Églises: l’Église catholique s’y oppose, l’Église évangélique y est favorable sous conditions. Mais au Bundestag, un consensus a semblé se former pour un remboursement dans le cas de grossesses à risque. Certains députés ont aussi insisté sur l’accompagnement psychologique qui doit être proposé aux familles.

En Allemagne, un débat émotionnel sur le dépistage de la trisomie

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28 commentaires
  • edgar19

    le

    " Eugénisme: théorie qui préconise une amélioration du patrimoine génétique" Il serait bon que les auteurs de l'article comprennent ce qu'ils lisent ...ainsi que les politiques. Refuser la trisomie n'est pas la recherche de l'amélioration de la race humaine , mais la simple éradication d'une anomalie.

  • HIRO TAKASHI

    le

    Si on est sélectionné, tout ira peut-être mieux, mais c'est humainement incorrect vous direz certains.

  • chabgyver

    le

    Qui serait assez maso pour vouloir un enfant trisomique ? Si on peut dépister, c'est très bien. S'il y en a qui ne veulent pas se faire dépister, ils sont libres mais ceux qui ne veulent pas d'enfants trisomiques, ils ont cette possibilité, c'est bien je trouve.

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