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«Sur l’Irak, Assange a fait ce que les journaux britanniques n’ont pas fait»

Sitôt connue la nouvelle de l’arrestation à Londres du fondateur de WikiLeaks, une poignée de sympathisants ont réclamé sa libération, au nom de la liberté d’information

Une manifestante pro-Assange entre deux policiers à Londres, le 11 avril 2019. — © Jack Taylor/Getty Images
Une manifestante pro-Assange entre deux policiers à Londres, le 11 avril 2019. — © Jack Taylor/Getty Images

L’image est troublante. C’est un quadragénaire affaibli, barbe et cheveux blancs, qui a été arrêté jeudi matin à l’ambassade équatorienne de Londres. «Le Royaume-Uni doit résister!» criait Julian Assange, emmené de force dans un fourgon par plusieurs policiers en civil. Le trajet a été bref, à peine 4 kilomètres, jusqu’au tribunal de Westminster. Le 5 avril, les médias parlaient d’une expulsion potentielle du fondateur de WikiLeaks et c’est donc finalement jeudi que le statut diplomatique de l’Australien de 47 ans, accusé d’avoir fait fuiter des informations classées confidentielles, lui a été retiré.

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Immédiatement, les activistes et soutiens d’Assange se sont donc eux aussi déplacés de l’ambassade à la cour de justice. Sur place, il est évident que quelque chose d’important se passe. Dans le ciel bleu de Londres, un hélicoptère est en position fixe près du bâtiment. Sur le trottoir, des dizaines de caméras du monde entier sont positionnées face à la sortie du bâtiment, où le fourgon transportant Assange va sortir. Devant l’entrée principale, des activistes scandent «Free Assange!», «Libérez Assange!» et «Assange est un vrai journaliste!».

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«Il a dit la vérité, où est le mal?»

Parmi la trentaine de personnes qui se sont rassemblées aujourd’hui, Marc explique qu’il a envoyé un e-mail à son patron ce matin pour lui dire qu’il ne viendrait pas au travail. Cet Anglais de la côte sud a sauté dans le train après avoir entendu la nouvelle de l’arrestation. Deux heures et demie plus tard, le voici donc à Londres en train de soutenir Julian Assange. «Il a fait ce que les journaux britanniques n’ont pas fait, révéler les scandales de l’Etat dans la guerre en Irak. La façon dont il est traité est là pour en faire un exemple et faire peur aux journalistes», s’exclame Marc avant de repartir manifester.

De l’autre côté du bâtiment, devant la sortie véhicule, Maria tient une pancarte avec les photos de Chelsea Manning et Julian Assange bâillonnés par des drapeaux américains qui les empêchent de parler. «Je suis venue pour défendre la liberté d’expression, c’est un message important pour le monde entier. Il a dit la vérité, où est le mal?» explique calmement Maria. Quelques minutes plus tard, lorsque le fourgon d’Assange ressortira, Maria tentera de le retenir et sera contenue par la police.

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Des propos sont partagés par les avocats de Julian Assange devant la Westminster Magistrates Court sous les objectifs de dizaines de caméras: «Il s’agit d’un précédent dangereux, n’importe quel journaliste pourrait maintenant être extradé afin d’être jugé aux Etats-Unis pour avoir publié des informations véridiques à propos du gouvernement américain», s’inquiète Jennifer Robinson. A l’intérieur de la cour de justice, Julian Assange a plaidé non coupable pour les charges de son arrestation: avoir enfreint les règles de sa liberté conditionnelle dans une affaire de viol présumé en Suède. Sa condamnation pourrait aller jusqu’à 12 mois de prison.

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«Assange n’est pas un héros»

Dans la classe politique britannique, les réactions du gouvernement soutiennent l’action de la police. Jeremy Hunt, le ministre des Affaires étrangères, a affirmé qu’«Assange n’est pas un héros» et que «personne n’est au-dessus des lois» au Royaume-Uni. Dans l’opposition, Diane Abbott a déclaré devant les députés que «Julian Assange n’est pas poursuivi pour protéger la sécurité nationale américaine, il est poursuivi parce qu’il a exposé les méfaits de l’administration des Etats-Unis et de ses forces armées».

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Au Royaume-Uni, les révélations de Julian Assange sur les guerres dans lesquelles étaient impliqués les Etats-Unis ont une signification toute particulière. En 2003 et malgré une opposition populaire grandissante et des manifestations pour la paix, Tony Blair avait décidé d’engager le Royaume-Uni dans la guerre en Irak. Une décision toujours contestée plus de quinze ans après et qui reste gravée dans la mémoire des Britanniques.

Devant la cour de justice, un autre manifestant confie être déçu du peu de personnes présentes pour manifester: «Ça montre le malaise, le manque de pouvoir qu’a la société, dit-il avant de continuer: Je vais essayer de savoir dans quelle prison ou dans quel aéroport il va être emmené. Où qu’il soit, je m’y rendrai pour manifester.»