Les hôpitaux français plombés par la dette et les déficits

Le déficit des établissements publics est évalué à 650 millions d’euros en 2018. En cause, une baisse des tarifs que leur paye l’assurance maladie. En outre, la dette de 30 milliards d’euros limite les investissements.

 Les établissements publics de santé continuent de générer du déficit.
Les établissements publics de santé continuent de générer du déficit. LP/Yann Foreix

    Depuis plusieurs années le système de santé est sous forte pression budgétaire. Condamnés à faire toujours plus avec toujours moins, beaucoup d'hôpitaux (publics et privés) vivent sous perfusion. Même les paquebots que sont les Centres hospitaliers universitaires (CHU) dérivent. Selon la Conférence des directeurs généraux de CHU, un établissement sur deux est en déficit et leur déficit global a bondi en 2017 de 52 à 268 millions d'euros.

    Le ministère de la Santé réfléchit à de nouveaux modes de financement qui prennent mieux en compte le travail des établissements et les besoins de la population. Mais sans hausse des moyens, il est peu probable qu'une simple redistribution suffise à redonner des couleurs à l'hôpital. En neuf ans, les tarifs payés par l'assurance maladie aux hôpitaux pour rémunérer leurs actes ont baissé de 5 % tandis que, dans le même temps, l'inflation grimpait de 9,4 %. « On est à l'os », martèle depuis plusieurs mois le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux.

    Une hausse des tarifs des actes qui ne change rien

    Loin de se sortir d'affaires, les établissements publics de santé continuent de générer du déficit. Après un trou de 870 millions d'euros constaté en 2017, la FHF évalue à près de 650 millions d'euros le déficit de 2018. Pour 2019, malgré une légère hausse des tarifs des actes (0,5 %) accordée début mars par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le tableau ne sera guère plus reluisant.

    Notamment parce que les hôpitaux vont être de nouveau confrontés à une vague de revalorisation des salaires et des carrières dont l'impact est évalué à 200 millions d'euros en 2019. Depuis 2014, la FHF a calculé qu'il manque 1 milliard d'euros dans les caisses des hôpitaux par rapport à ce qui aurait dû leur être payé et qui a été voté par les parlementaires.

    À côté des déficits, il y a un autre boulet : la dette de 30 milliards d'euros. « Cela impacte forcément la capacité d'investissement des hôpitaux », constate Cécile Chevance, responsable des affaires financières à la FHF. De 6 milliards d'euros en 2012, cette enveloppe permettant de rénover et de moderniser l'hôpital est tombée à 3,9 milliards d'euros en 2017.

    « Or, poursuit Cécile Chevance, nous avons besoin d'investir, notamment dans le virage numérique, sur lequel la France est en retard, mais aussi dans les bâtiments, qui se dégradent, les matériels qui sont moins à la pointe… » Dans un rapport publié en 2018, la Cour des comptes estimait qu' un tiers des hôpitaux publics étaient en situation d'« endettement excessif », soit 319 établissements.

    Incapables de payer leurs charges sociales à l'URSSAF

    Certains hôpitaux sont dans une telle situation financière qu'ils ne peuvent plus payer… leurs charges sociales à l'URSSAF (organismes régionaux chargés de leur recouvrement). Interrogée pour savoir combien d'établissements hospitaliers sont dans cette situation et pour quel montant, l'ACOSS, l'agence centrale qui regroupe les Urssaf, a refusé de lever le voile.

    Mais nous avons pu consulter un rapport de la Direction de la statistique, des études et de la prévision, qui dépend de l'Acoss, un document qui dresse un état des lieux au 31 décembre 2018 des charges sociales impayées. S'agissant du secteur de la « santé humaine », sa dette globale atteint 75 millions d'euros, soit un taux d'impayé de 0,77 %. C'est peu comparé aux 9,77 milliards d'euros à collecter en 2018. Mais c'est beaucoup comparé au reste du secteur public, comme les collectivités territoriales et régionales dont le taux d'impayés est dix fois inférieur, ou encore la fonction publique d'Etat, 25 fois inférieur.

    Mauvais signe, ce taux d'impayés a progressé en 2018, de 0,14 point, contre seulement 0,02 sur l'ensemble du secteur public. « 87 % des établissements de santé n'ont généré aucune dette sociale et pour 8 % les impayés sont inférieurs à 10 000 euros. 86 % de la dette est portée par 14 établissements seulement », insiste le ministère, sans donner de noms ni la taille de ces débiteurs et encore moins le montant de leur dette.

    Mais c'est sans compter la dette sociale des établissements d'Outre-Mer, où l'on compte 38 hôpitaux publics de santé. Ici, la dette atteint 48 millions d'euros et le taux d'impayé est de 12,4 %.