Transition énergétique : non, le recyclage ne suffit pas !

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Transition énergétique : non, le recyclage ne suffit pas !

Que faire pour amorcer la transition énergétique, chacun à son niveau ?
Que faire pour amorcer la transition énergétique, chacun à son niveau ?
© Getty - Sally Anscombe

Dans "CO2 mon amour", Denis Cheissoux recevait Jérémie Pichon, auteur du guide pratique sur la transition écologique. À l'antenne, il a rappelé les priorités, s'est agacé contre la "croissance verte" et a donné des conseils pour que chacun, à son niveau, amorce la transition…

Aujourd'hui, on sait que le réchauffement climatique sera d'au moins de 2°C à la fin du siècle

L'objectif est maintenant d'essayer de limiter le réchauffement à 3°C, 4°C ou 5°C. Sachant que, selon les scientifiques du GIEC, chaque dixième de degré Celsius supplémentaire aura des conséquences concrètes sur la santé humaine, l'accès à l'eau potable, la survie des animaux, les événements climatiques extrêmes (cyclones, inondations, etc)…

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Comment limiter le réchauffement de 2°C max ?

Jérémie Pichon observe : "En France, on consomme aujourd’hui en moyenne 12,5 tonnes de CO2 par personne et par an". Nous étions déjà à 10,6 tonnes en 2015. Or, pour limiter le réchauffement à 2°C d'ici la fin du siècle, il faudrait qu'on soit à 2 tonnes par personne d'ici 2050 ! 

On doit diviser nos émissions de CO2 par 6 aujourd'hui. Il y a 15 ans, à l'époque du Grenelle de l'environnement, il fallait les diviser par 4 : "il y a toujours cette logique de surconsommation qui nous amène vers ce réchauffement climatique" souligne Jérémie Pichon.

L'augmentation de la température sur la planète, ça impliquera quoi ? La fonte du permafrost (toutes les zones gelées aujourd'hui), donc la libération de méthane et de dioxyde de carbone ("comme jamais dans l'histoire de l'ère industrielle"), l'évaporation des océans (donc une augmentation de l'effet de serre)… 

Ce qu'il faut aujourd'hui c'est préserver l'habitabilité de la terre. La possibilité pour l'être humain de rester sur terre. Voici l'urgence de la situation.

Une croissance verte est-elle possible ?

Absolument pas, selon Jérémie Pichon, qui s'agace :

"Croissance" et "verte", c'est un oxymore !

Il explique : "Aujourd'hui, la croissance verte se traduit par la création de nouveaux marchés : la voiture électrique, les détecteurs de lumière, tous ces trucs-là sont sensés nous permettre d'économiser de l'énergie donc des émissions de CO2 à l'utilisation - sauf qu'on va répercuter en amont et en aval tous les impacts en terme d'émission de CO2, de pollution de l'eau, d'utilisation de ressources. On ne passe pas à un autre système, on crée de nouveaux marchés et surtout, surtout, on garde celui qu'on avait avant. C'est la grande hypocrisie : "oui, oui, on va faire de l'énergie verte, mais on continue à faire du nucléaire", "oui, oui, on va faire des voitures électriques mais on continue d'avoir des voitures thermiques" (ce dernier marché a progressé l'année dernière de 4% !)". 

Cette croissance verte est une illusion, un mythe.

Une transition à quel niveau ?  Politique ou individuel ?

On peut se poser la question : est-il vraiment utile d'amorcer une transition énergétique au niveau individuel tant que les politiques de l'état ne sont pas à la hauteur des enjeux climatiques ?  Qui doit agir, l'État ou l'individu ? 

Pour Jérémie Pichon, ce sont les deux : "Les trois niveaux (l'état / la région / l'individu) sont importants" - et ce dernier en particulier : "Si l’individu ne décide pas, dans son quotidien, de changer les choses et de se mobiliser avec ses copains, le changement n'arrivera pas. Les hommes politiques qu'on a aujourd'hui en Europe sont ceux que l'on mérite. Ils sont à l'image de la société ! Ce qu'a fait Macron pour être élu, c'est uniquement du marketing politique, en disant "ni gauche ni droite"... C'est ce qu'on disait tous à l'époque ! Il s'est engouffré là-dedans. Si on décide , individuellement, de faire autrement , de boycotter les enseignes, d'aller vers les collectifs d'action, etc : tout cela remonte ! Et on va réussir à faire des choses aux autres niveaux. Mais la base et la mobilisation, c'est l'individu". 

Que faire, chacun à son niveau, pour amorcer la transition ? 

Jérémie Pichon : 

Il faut absolument rappeler qu'il n'y a pas d'énergie propre. Il n'y a pas d'objets durables. La seule chose qui pourrait être durable ce sont nos modes de vie. 

Il faut appliquer les "4 R" :

  • Réduire
  • Réutiliser
  • Réparer
  • Recycler

Jérémie Pichon : "Aujourd'hui, on met le dernier en premier… Non ! La première chose, ça va être de réduire, réutiliser, réparer. Et donc avoir des modes de vie plus sobres

Ça ne veut pas dire "ne plus avoir de confort", mais au contraire gagner en qualité de vie ! On va ralentir. Manger mieux. Faire du lien social. Créer des emplois sur les territoires… Réinstallons des maraîcher, des conserveries, etc".

Il rappelle aussi que chacun doit s'interroger sur nos modes de transports, aussi :

L'avion est une catastrophe pour le climat, il faut le dire et le redire !

"On a un quota carbone individuel de 2 tonnes de CO2 par an. Ce n'est rien. Rendez-vous compte : quand vous faites l'aller-retour Paris-New-York, c'est 2,2 tonnes de CO2 ! Il faut qu'on repense le voyage : partir tous les trois mois huit jours ici, une semaine-là… Mais faire un long courrier tous les trois à quatre ans, y rester un ou deux mois… 

Il faut qu'on arrête d'être dans la culpabilisation, et passer dans la responsabilisation. 

"Cette année, je ne pars pas en long courrier, je pars en région ou même en Europe ! On peut prendre le train pour aller à Prague, à Londres… On va à Londres avec mes enfants en train, on a un impact tout petit ! Je ne dis pas "ne voyageons plus !" Mais aujourd'hui, on nous propose des voyages à 30 euros sur Easyjet, c'est une catastrophe. Et l'État va dans ce sens-là : on défiscalise le kérosène à 800 millions d'euros annuels, on baisse la TVA sur les billets, et on entraîne tout le monde sur ce secteur-là parce que ce secteur rapporte et ce sont les grands copains de ceux qui nous gouvernent. Pendant ce temps-là, on ferme les petites lignes SNCF parce qu'on dit qu'on n'a pas l'argent pour les entretenir. C'est un scandale, on est à l'inverse de l'histoire !".

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Aller plus loin

🎧 ECOUTEZ | l'entretien complet de Jérémie Pichon au micro de Denis Cheissoux

📖 LIRE | le livre de Jérémie Pichon Famille en transition écologique : changer son monde pour changer le monde, illustré par Bénédicte Moret

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