Pourquoi il faut craindre le spectre des années 1930

Édouard Daladier, président du Conseil face à Hitler en 1938
Édouard Daladier, président du Conseil face à Hitler en 1938
Pourquoi il faut craindre le spectre des années 1930
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Pourquoi il faut craindre le spectre des années 1930

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Pour le philosophe Michaël Fœssel, l'histoire récidive. Elle bégaie. Crise capitaliste, repli identitaire, etc. À bien des égards, 2019 ressemble à 1938. Alors devant nous, le fascisme ? Non, il est encore temps d'agir.

La France de 1938 ressemble-t-elle à la France de 2019 ? Dans Récidive, 1938, Michaël Fœssel balaye les idées reçues sur cette période. Le philosophe s’est plongé dans les journaux de 1938, visibles en ligne sur le site de la BnF. Son constat sur l’état de la démocratie française d’avant-guerre est alarmant.

Michaël Fœssel : "J’ai voulu littéralement me mettre dans la tête de quelqu’un qui, en 1938, ne connaît de son présent que ce que lui dit son journal. Ce ne sont pas les années 1930 en général qui sont parfois convoquées pour nous faire peur, ce sont plutôt des logiques politiques qui, dans des situations de crise ou post-crise sont comparables."

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Il identifie trois menaces qui poussent la France à prendre des mesures autoritaires.

Une crise politique

Michaël Fœssel : "Ce dont je me suis rendu compte, c’est que la débâcle de 1940 avait été précédée par des défaites démocratiques. En 1938, c’est la fin du Front populaire, c’est une nouvelle politique qui est menée en France qui consiste à revenir sur les acquis sociaux, à prendre les étrangers pour objets d’une politique de plus en plus répressive. Les manifestations ou les grèves organisées à ce moment-là sont suivies d’une très forte répression, d’arrestations, etc."

Une menace extérieure

Sous prétexte de se protéger contre la menace nazie à l’Est, le gouvernement de Daladier veut remettre la France au pas.

Michaël Fœssel : "La France, pour sauver la République doit abandonner certains aspects de sa vie démocratique. C’est la formule du grand historien Marc Bloch : "la fête est finie". Il fallait payer la facture du Front populaire, retrouver le sens de l’effort, remettre la France au travail. Il y a encore une démocratie, il y a encore un Parlement, évidemment, néanmoins il y a une tentation de vouloir s’émanciper des limites de l’État de droit."

Une crise du capitalisme

Michaël Fœssel : "L’année 1938, en France, c’est là le point commun central avec notre époque, c’est un moment où nous nous trouvons dix ans après une grande crise du capitalisme. La crise de 1929 dans un cas et la crise de 2007-2008 pour nous, c’est aussi intéressant et troublant de voir quels sont leurs effets de long terme sur la démocratie d’une crise généralisée où s’opposent au moins deux France, les gagnants de l’économie globalisée et celle qui vit sous le mode du ressentiment et de l’injustice."

L’auteur met en garde contre une prophétie auto-réalisatrice sur l’arrivée au pouvoir des extrêmes.

Michaël Fœssel : "Mon hypothèse finale dans ce livre, c’est de dire qu’en réalité, ce qui est censé nous prémunir d’une radicalisation du champ politique et d’une atteinte véritable aux principes démocratiques ne nous en prémunit pas, et peut-être même accélère un mouvement. Les années 1930, c’est aussi l’idée de dépasser un clivage droite-gauche au profit d’un clivage entre les nationaux et ceux qui seraient des ennemis potentiels de la nation. Moi, il me semble que réinventer le clivage droite-gauche qui est le meilleur moyen depuis la Révolution française de rendre un peu rationnel le champ du politique, réinventer ce clivage est moyen le meilleur moyen d’éviter que les années 1930 ne débouchent sur les années 1940."

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