Petite par sa taille, mais grande par son œuvre. Du haut de ses 1m47, Helena Rubinstein a construit un véritable empire. En véritable self made woman, celle dont le nom évoque immédiatement mascaras et onguents de beauté a conquis le monde entier avec sa marque de cosmétiques éponyme. Son but alors : émanciper les femmes par la beauté, synonyme selon elle de pouvoir.

Incapable de tenir en place, Helena Rubinstein s’est successivement installée en Autriche, Australie, France, aux Etats-Unis, et en Israël. Autant de terres d’accueil qui ont permis à cette femme d’origine juive-polonaise issue d’une famille de classe moyenne de faire connaître ses innovations à travers le monde. Et de se découvrir par la même occasion une passion dévorante pour l’art et la mode.

Retour sur la success story d'une femme visionnaire à laquelle le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de Paris* consacre une exposition jusqu’au 25 août 2019.

Valaze, sa première crème pour le visage

Celle qui se prénomme encore Chaja quitte sa Pologne natale -et de trop nombreuses demandes en mariage forcé à son goût- pour Vienne en 1894. Deux ans plus tard, cap sur l’Australie où elle adopte un nouveau prénom qui restera le sien tout au long de sa vie : Helena. Là-bas, son visage diaphane détonne avec ceux burinés des fermières. Dans ses bagages, elle a justement ramené plusieurs pots d’une crème de beauté concoctée par sa mère. Soucieuse de préserver la peau de ses sept filles du froid polonais, elle leur enduisait le visage tous les soirs avec cette préparation dans laquelle Helena voit une opportunité de se lancer sur le marché de la cosmétique.

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En 1901, elle met au point, Valaze (“don du ciel” en hongrois), sa première crème nourrissante pour le visage à base de lanoline, sésame, cire végétale et huile minérale. Elle a alors l’intuition que la beauté est un nouveau pouvoir pour les femmes.

Une femme de goût

Ses premiers salons de beauté australiens ouvrent en 1903 et 1907 tandis que sa crème est vendue par correspondance dans tout le pays. Elle rencontre son premier mari, Edward William Titus, à qui elle doit son célèbre surnom “Madame” et se marie avec lui en 1908 à Londres, ville dans laquelle elle s’installe et ouvre des salons de beauté. Contrairement à l'Australie, où elle s'était intéressée à un public ouvrier, elle se focalise sur l’aristocratie anglaise (“gentry”).

En 1912, elle s’installe à Paris, et devient “l’élève” de Misia Sert. Surnommée la “reine de paris”, cette dernière présente à Helena Rubinstein des femmes célèbres à l’instar de Colette, qui deviendra une cliente fidèle de ses instituts. Misia Sert l’encourage à tenir un salon, lui enseigne les bonnes manières et fait prendre goût aux belles choses. Ses nouveaux amis sont des artistes et des écrivains de renom tandis que sa passion pour l’art et la mode s’intensifie.

L'amie des artistes

Persuadée que la beauté doit tout à la science, elle est la première à dresser une classification des différents types de peau en 1910, et à affirmer qu'il existe des besoins spécifiques à chacune. Son premier salon parisien ouvre en 1912 au 126, rue Saint Honoré. Elle fait construire un laboratoire à Saint-Cloud en 1913 et créée une ligne de maquillage en collaboration avec le couturier Paul Poiret qui lui déniche des poudriers et des boîtiers anciens dont elle s’inspire pour ses propres packagings. Au début de la guerre elle pose ses valises à New York, pays où est établi celle qui sera pour toujours sa rivale : Elizabeth Arden.

Elle revient en France en 1918. Comble du chic, elle découpe la doublure d’un tailleur pourpre Balenciaga pour montrer à l’architecte quelle couleur elle souhaite avoir sur ses murs au moment de décorer son nouvel appartement. En 1920, naît sa marque de cosmétiques éponyme. Elle continue d’ouvrir des salons un peu partout, et créé le regard charbonneux de Theda Bara, une star du cinéma muet. Après son divorce et un remariage avec un prince géorgien, elle rachète, en 1939, le brevet du premier mascara waterproof qu’elle présente au cours d’un ballet aquatique à New York pour prouver son efficacité. Férue de mode, elle s'habille chez les plus grands couturiers : Dior, Yves Saint Laurent, Poiret.

Toujours aussi férue d’art, elle supplie Picasso, qui refuse catégoriquement, de la peindre en 1955. Harcelé par cette dernière, il finit par céder à son “caprice”. Malgré les dizaines d’esquisses qu’il réalise, il ne la peindra jamais contrairement à Dali, Marqousi, ou encore Duffy. Elle passera les dernières années de sa vie entre Paris, Tel Aviv et New York où elle s’éteint en 1965 à l’âge de 93 ans.

Deux ouvrages pour aller plus loin :

Helena Rubinstein, la femme qui inventa la beauté, Michelle Fitoussi (éd. Le livre de poche).
Helena Rubinstein. L'aventure de la beauté, Collectif sous la direction de Michèle Fitoussi (éd. Flammarion).

Infos utiles :

Musée d'art et d'histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan 71, rue du Temple, 75003 Paris. 
Plein tarif : 10 euros ; tarif réduit : 8 euros ; 5 euros pour les 18-25 résidents européens.
Plus d'infos sur www.mahj.org