C’est la première fois que les déchets et matières radioactifsvont faire l’objet d’un débat national à l’occasion de la 5e édition du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Il débute ce 17 avril pour se terminer le 25 septembre. Pour comprendre ce que deviennent les combustibles nucléaires une fois utilisés dans nos centrales pour produire de l’électricité, Novethic s’est rendu à La Hague, où se situe la seule usine de retraitement en France et l’une des plus importantes au monde.

Le cliché est devenu emblématique pour illustrer le débat sur les déchets nucléaires. Une piscine à l’eau bleu turquoise surplombée d’un pont métallique jaune. C’est là, à neuf mètres de profondeur, que "dorment" les combustibles usés ayant servi à produire de l’électricité dans les 58 réacteurs nucléaires que comptent le territoire. De la passerelle où je me trouve, seuls quatre mètres d’eau me sépare de ces tiges métalliques ultra radioactives. Ils sont suffisants pour ne pas être contaminée.
Vpaniers de combustibles uses piscine la hague @CA

Les combustibles usés sont rangés par 9 dans des paniers métalliques qui sont plongés dans l’eau. @CA


C’est le point d’orgue de ma visite à l’usine de la Hague, dans la presqu’île du Cotentin. Et malgré la combinaison blanche, le masque à oxygène accroché à ma ceinture, le dédale de portiques et tourniquets, les badgeuses qui scannent ma carte visiteur puis ma "dosicard" qui va mesurer la radioactivité avant et après mon passage en zone radioactive, l’excitation et le stress retombent. L’endroit est bien plus petit et sécurisant que ce à quoi je m’attendais.
La Hague est la seule usine de retraitement des combustibles nucléaires en France et contient à ce titre l’ensemble de ceux qui ont été utilisés dans les centrales du pays. En dehors du calme qui règne autour de la piscine, le site est une véritable ville dans la ville. Étendu sur 300 hectares, il dispose d’une équipe de sécurité et de protection physique active 24h/24 et 7 jours/7, composée de 150 à 200 personnes, d’un réseau de bus interne, et même de deux restaurants. Créé en 1966, il emploie 4 000 salariés directs et 1 000 sous-traitants, ce qui propulse l’exploitant Orano (ex-Areva) comme premier employeur industriel de Normandie, devant EDF.
Sur la route des "châteaux" … nucléaires
Chaque jour, douze nouveaux assemblages de combustibles usés (contenant six tonnes de matière nucléaire) sont acheminés à l’usine par train ou par bateau, puis par camions, reconnaissables à leurs grandes bâches blanches. Ils parcourent 40 kilomètres sur une route dont le tracé a été spécialement pensé et le revêtement renforcé pour ces mastodontes de 140 tonnes. Les habitants du coin l’ont baptisée "la route des châteaux" en référence à ces énormes blocs d’acier sécurisés dans lesquels voyagent les combustibles. 
Vchateaux de combustibles usés la hague @CA

Voici deux "châteaux" : ce sont dans ces blocs de 110 tonnes que sont transportés les combustibles usés par camion. @CA


À partir de la réception de ces "châteaux" très spéciaux, tout est automatisé. Derrière une vitre d’1m20 d’épaisseur, mélange de verre et de plomb, je peux apercevoir les trappes par lesquelles ceux-ci sont hissés et désossés pour récupérer les assemblages combustibles. "Aucun humain n’a plus jamais pénétré cette zone de déchargement depuis 1986" commente Mélanie Charles, directrice de la communication pour Orano à La Hague. La maintenance des machines se fait de l’extérieur, grâce à des bras articulés.
Vzone de dechargement pilotage la hague @CA

Un opérateur vérifie les réglages depuis l’extérieur de la zone de déchargement grâce à des bras articules. @CA


C’est ensuite une partie de Tetris qui démarre au fond de la piscine pour trouver une place aux derniers venus. Les combustibles usés tout juste arrivés vont refroidir dans une eau déminéralisée qui reste à une température constante de 35°C. C’est là qu’ils vont perdre peu à peu en radioactivité avant d’être traités et entreposés dans des hangars, d’ici quatre à cinq ans. À ce jour, 10 000 tonnes de combustibles – sur les 14 000 autorisées – sont en attente dans les quatre piscines ultra-sécurisées de La Hague.
25 ans de déchets nucléaires entreposés dans deux bâtiments
Place ensuite au retraitement : le plutonium récupéré (1% du combustible) est envoyé dans l’usine de Melox (Gard) où il est transformé en Mox pour être immédiatement réutilisé dans les centrales. L’uranium (95 %) est quant à lui acheminé jusqu’à l’usine du Tricastin (vallée du Rhône) en attendant que son propriétaire, EDF, n’en fasse usage. L’énergéticien dispose aujourd’hui d’un stock de 30 000 tonnes d’uranium de retraitement qu’il prévoit en partie de réutiliser dans les quatre réacteurs de Cruas (Ardèche) à partir de 2023, puis dans quatre autres réacteurs en 2027.
Vcolis en inox la hague @CA

Voici les colis en inox dans lesquels sont coulés les déchets ultimes vitrifiés mais aussi, comme ici, les déchets métalliques des assemblages combustibles. @CA


Enfin, les déchets ultimes (4%), les plus radioactifs, ceux qui ne peuvent pas être valorisés, sont vitrifiés et coulés dans des "colis" en inox de 1,3 mètre de haut. Chacun de ces colis correspond aux déchets nucléaires annuels de 100 000 habitants. "Grâce à la vitrification, nous arrivons à diviser le volume des déchets par cinq", précise Mélanie Charles. Ces colis sont entreposés dans des puits creusés au sol sous deux mètres de béton qui permettent de contenir les radiations. Pour montrer l’innocuité du lieu, le personnel d’Orano m’invite à marcher dessus, comme sur un sol tout ce qu’il y a de plus classique.
Vpuits dechets ultimes entreposage la hague @CA

Rien que deux de ces puits, où sont entreposés les colis de déchets ultimes, contiennent les déchets nucléaires annuels d’un million d’habitants. @CA


Au total, 25 ans de déchets nucléaires français tiennent finalement dans seulement deux bâtiments. Des travaux sont en cours pour construire une extension et ainsi voir venir dix ans de déchets supplémentaires, en attendant que le site de stockage profond de Bure (Meuse/Moselle) ne voit le jour. Avant de quitter la zone verte – potentiellement radioactive – je mesure une dernière fois ma radioactivité. Ouf, l’appareil indique 0,1 microsievert, c’est moins qu’une radiographie. 
Vnon contamine la hague @CA
Concepcion Alvarez @Conce1, envoyée spéciale à La Hague

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