Fiona Schmidt est une journaliste et auteure, qui collabore notamment avec Cheek Magazine. Elle vient de créer un compte Instagram pour dénoncer la charge mentale maternelle. Son nom, Bordel de mères, vaut le détour, et il a une simple recommandation : "Lâchez-nous l'utérus". Des femmes viennent y témoigner des remarques qu'elles ont subies, aussi bien parce qu'elles ne voulaient pas d'enfant, que parce qu'elles ont eu recours à l'IVG, ou encore parce qu'elles rencontrent des problèmes d'infertilité et que leur entourage leur met la pression.

Toutes les femmes connaissent la charge mentale maternelle

Qu'elles soient mères ou pas, qu'elles veuillent le devenir ou non, toutes les femmes se sont déjà vu poser des questions sur la maternité. Comment appelleront-elles leurs futurs enfants, par exemple. "L'idée du compte est de mettre l'accent sur ce qui rassemble les femmes plutôt que sur ce qui les divise. J'ai remarqué que la question de la maternité est de plus en plus clivante alors qu'elle est paradoxalement censée aller de soi, preuve que la maternité n'est pas si "naturelle" qu'on nous le fait croire, et que "l'instinct maternel" n'est pas tatoué dans l'ADN de toutes les femmes...", explique Fiona Schmidt à Cheek Magazine.

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La journaliste rappelle que toutes les femmes, qu'elles veuillent avoir des enfants ou non, ont le même point commun : "avoir été élevées dans une société où la norme est une image d’Épinal d’une maternité plurielle (deux ou trois enfants, pas plus, pas moins) et heureuse de trentenaire hétéro en couple plutôt CSP+. La crispation que je ressens autour de ce sujet résulte à mon avis de la distorsion entre cette image idéalisée de la maternité et la réalité ou plutôt, les réalités multiples qu’on ne voit pas ou qu’on n’entend pas toujours."

Qu'est-ce que la charge mentale maternelle ?

Pour Fiona Schmidt, la charge mentale maternelle, c'est "la somme des pressions et préjugés au sujet de la maternité que toutes les femmes intègrent dès l’enfance et traînent jusqu’à la tombe et qui présentent la mère épanouie et bienveillante comme la norme, une part intégrante de l’identité féminine, et le seul lifegoal féminin qui vaille." C'est-à-dire les nombreuses injonctions que les femmes subissent à propos de la maternité : il faut avoir des enfants, il les allaiter ou ne pas les allaiter selon les points de vue, il faut les élever comme si ou comme ça, etc.

Selon l'auteure, toutes les femmes sont concernées, et ce dès l'enfance. "Toutes celles à qui l’on colle un poupon, une poussette et un berceau pour “jouer à la maman” et qui, dans la cour de l’école, jouent à “comment tu appelleras tes enfants plus tard?”, autrement dit, 99,9% des petites Françaises… On est conditionnées à devenir maman avant même de savoir parler, avant même de vouloir être astronaute ou le plus souvent, princesse ou danseuse étoile : comment échapper à cette pression dont on n’a même pas conscience que c’en est une ?", explique Fiona Schmidt. Et ces injonctions entraînent une forme de culpabilité pour elles : "les mères culpabilisent parce qu’elles auront forcément failli quelque part, puisque l’équilibre des enfants, donc de la société tout entière, dépend d’elles depuis Freud, ce grand féministe, et les nullipares culpabilisent d’être peut-être passées à côté de ce truc fondamental avec lequel on les a tannées toute leur vie".

Des témoignages sur tous les rapports à la maternité

Sur son compte Instagram, Fiona Schmidt récolte donc des témoignages de femmes qui racontent cette charge mentale maternelle. Par exemple, l'une d'elle raconte : "Quand j'étais petite, les poupons ne m'intéressaient pas, je n'ai jamais joué avec la poussette que j'avais reçue pour un anniversaire. Je voulais jouer aux Playmobil ou à l'élastique, mais mes copines préféraient jouer à "comment tu appelleras tes enfants quand tu seras maman ?". Je ne voyais pas l'intérêt, pas plus que de glisser un coussin sous mon t-shirt pour faire semblant d'être enceinte. Quand j'ai eu 8 ans, mes parents m'ont envoyée chez le pédopsy : ils ne comprenaient pas que je n'aime pas jouer à la maman".

Une autre raconte une discussion qu'elle a eue avec une copine après avoir eu recours à une IVG : "Lorsque j'ai dit à ma meilleure amie que j'avais avorté, elle a été choquée et m'a dit : "mais tu penses à toutes ces femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfants ?" Je ne vois pas le rapport entre leur désir de grossesse et mon corps". Pour d'autres, l'entourage met la pression pour qu'elles deviennent mamans, comme en témoigne cette jeune femme : "J'ai 21 ans et je suis avec mon chéri depuis plus de 4 ans et comment dire... Tout le monde demande pour quand arrive le bébé. Mais pitié il faut que ça cesse, je ne sais même pas si j'en veux".

L'une des témoins explique aussi vouloir être mère, mais que son compagnon a des problèmes d'infertilité. En plus d'avoir subi des remarques désagréables après l'échec de plusieurs fécondations in vitro, elle doit maintenant faire face à "l'incompréhension de l'entourage quand [elle] peut dire que [ses] envies de maternité trouvent leurs limites (pas d'adoption, pas de tentatives de FIV infinies à l'étranger)".

Heureusement, d'autres témoignages viennent nous rassurer et montrent que les choses peuvent parfois bien se passer. C'est le cas de celui de cette future maman : "Je dois accoucher d'un jour à l'autre. Après 10 ans de relation, nous nous sommes lancés dans cette aventure avec mon mari. Nous le vivons plus comme un projet de couple et pas uniquement comment l'accès à la parentalité. Depuis le début de ce projet (première consultation avec une sage-femme pour retirer le stérilet en place), mon mari est présent à chaque consultation [...] Pour lui, il n'est pas envisageable de ne pas être présent à ces rendez-vous qui nous concernent tant l'un que l'autre."