SCIENCE - Après le monstre de Frankenstein, le cochon de Frankenstein? Ce mercredi 17 avril, des chercheurs ont annoncé avoir réussi à restaurer certaines fonctions du cerveau de cochons morts quatre heures plus tôt. L’organe a été conservé en dehors du corps et alimenté par un système de perfusion de sang artificiel.
Pour autant, on ne peut pas (du tout) parler d’un cochon ressuscité. “Ce n’est pas un cerveau vivant, mais c’est un cerveau cellulairement actif”, ont expliqué les auteurs de l’étude, parue dans la revue Nature. “Nous ne savons pas si nous pourrons un jour restaurer des fonctions cérébrales classiques. Ce n’était pas le but de ces travaux et cette technologie ne peut pas servir à cela pour le moment”, précisent-ils d’emblée.
Cette prouesse technique repousse les limites de nos connaissances du vivant, ouvre la voie à de nouvelles recherches et pose aussi de vraies questions éthiques.
“On pensait que les cellules mourraient en quelques minutes”
Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont utilisé des têtes de cochons d’élevage, au moment de leur mise à mort à l’abattoir. Après 4 heures de transport, le cerveau était ensuite branché à un système de perfusion de sang artificiel inventé par les chercheurs et baptisé BrainEx.
Durant 6 heures, la tête des cochons a donc été reliée à ce système. Et le résultat, c’est que les chercheurs ont remarqué que certaines fonctions des cellules du cerveau étaient maintenues. Mieux: certaines ont été restaurées.
Il faut bien comprendre que c’est quelque chose que l’on n’imaginait pas auparavant. “On ne sait pas exactement ce qui arrive au cerveau lors de la mort. On pensait que les cellules du cerveau mourraient en quelques minutes”, expliquent les auteurs.
Pour autant, “à aucun moment nous n’avons observé d’une activité électrique globale associée à la perception, la conscience ou des fonctions cérébrales pouvant entraîner une souffrance involontaire”, expliquent les auteurs dans l’étude. “Les comités éthiques n’ont même pas imaginé une telle possibilité, nous n’aurions pas pu continuer les travaux si une activité globale avait été enregistrée”, ont-ils précisé.
Heure de mort et don d’organe
Cette nouvelle technologie de perfusion de sang artificiel peut déjà avoir de nombreux avantages pour la recherche. Déjà, en étudiant plus facilement le cerveau post-mortem, dont les cellules se dégradent normalement extrêmement vite.
Cela pourrait également donner des pistes de recherche pour améliorer la guérison du cerveau en cas de crise cardiaque, par exemple. Ou encore, permettre de tester l’impact moléculaire sur le cerveau de futurs médicaments.
BrainEx pourrait aussi relancer un débat récurrent chez les médecins, rappelle Nature dans un article d’opinion: à quel moment considère-t-on qu’une personne est décédée? Une définition très importante à la fois pour savoir quand faut-il arrêter de sauver une personne... mais aussi quand peut-on procéder à un prélèvement d’organes en vue d’une transplantation, par exemple? En France, il faut la preuve d’une non-activité du cerveau.
Si cette technologie, dans le futur, se développait, on pourrait alors se demander à quel moment faut-il vraiment déclarer le décès d’une personne. Des questions qui sont encore loin de se présenter en pratique, certes. Mais mieux vaut en débattre éthiquement tant qu’elles restent théoriques.
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