Avancée inédite contre la mutilation des intersexes

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GenèveAvancée inédite contre la mutilation des intersexes

Deux motions demandent l'interdiction d'opérer les intersexes sans leur consentement.

Lucie Fehlbaum
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Lucie Fehlbaum
Les opérations sur des bébés ou des enfants intersexes sans leur consentement pourraient être interdites.

Les opérations sur des bébés ou des enfants intersexes sans leur consentement pourraient être interdites.

Istock

«Pour la première fois en Suisse, une instance politique s'est mobilisée d'une seule voix contre ces opérations. C'est historique, un gigantesque pas en avant !» s'enthousiasme Diego Esteban, élu socialiste au Grand Conseil. Il y a une semaine, le parlement a accepté deux motions contre les mutilations pratiquées sur des personnes intersexes, dont une à l'unanimité. Les textes visent les opérations non-urgentes visant à «normaliser» l'aspect des parties génitales, souvent pratiquées sur des enfants. «C'est bien qu'un premier canton reconnaisse le terme «mutilation», se réjouit Audrey Aegerter, présidente d'InterAction, l'association suisse pour les intersexes. C'est important pour nous qu'une action politique concrète se mette en place.»

Protection renforcée

Aux HUG, ces interventions ne sont plus pratiquées depuis 2012. «Je ne pense pas qu'il faille opérer les bébés, estime le Docteur Jacques Birraux, médecin adjoint au Service de chirurgie pédiatrique. Plus tard, une opération avec le consentement médical du patient est possible. L'essentiel est qu'il soit pris en charge par une équipe multidisciplinaire.» La motion formaliserait donc une pratique déjà en vigueur et l'imposerait aux autres cliniques. «La protection des personnes intersexes serait renforcée. La Commission de surveillance des professions de la santé pourrait retirer son autorisation de pratiquer à un médecin qui opère des intersexes sans leur consentement», indique Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la Santé. Selon les cas, des sanctions pénales et civiles pourront être entreprises.

Lourdes conséquences

Mais pour InterAction, il faut aller plus loin que le Grand Conseil. «La notion de consentement médical est infondée. Nous préférons parler de consentement exprès et éclairé, rectifie la présidente de l'association. Les opérations cosmétiques proposées aux enfants ou aux adolescents relèvent de normes sociales. Un enfant peut se sentir gêné et vouloir se faire opérer parce que ses pairs se moquent de lui. Cela n'est pas légitime pour nous. Le patient doit pouvoir comprendre les lourdes conséquentes psychologiques et physiques à long terme de ces mutilations.»

Aucun chiffre

Outre l'aspect chirurgical, les motions votées au Parlement demandent notamment d'envisager une indemnisation pour les victimes, de leur proposer un soutien psychosocial gratuit et d'établir un registre. Ce dernier point est mis en place, d'abord en suisse alémanique, depuis un an. A Genève, entre deux et quatre enfants consultent chaque année aux HUG pour une variation du développement sexuel. «Même si cela semble absurde, nous n'avons pas de chiffres, souligne le Docteur Jacques Birraux. Nous aurons besoin d'une décennie pour avoir des chiffres suisses.»

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