Après mon retour du Xinjiang, où je suis allé enquêter cet hiver, il m’a fallu beaucoup de temps avant de pouvoir expliquer à mon entourage ce qui est en train de se passer là-bas. J’ai été bouleversé par l’état de la région, comme plongée sous la loi martiale. Et à mon arrivée à l’aéroport de Diwopu, à Urumqi [la capitale du Xinjiang], le choc que j’ai ressenti en voyant stationnées des unités blindées de la police armée n’était pas moindre que la montée de stress qu’avait provoquée chez moi la fouille de mes bagages et de mon ordinateur par toute une flopée d’officiers nord-coréens qui m’étaient tombés dessus lorsque j’étais arrivé en train en gare de Sinuiju [à la frontière sino-nord-coréenne].

Dans le Xinjiang d’aujourd’hui, on ne peut qu’être assailli de sentiments contradictoires et de mille émotions. En fait, ce n’est qu’en dépassant les apparences, et en s’intéressant au système et à l’histoire de la région, qu’il est possible de comprendre à la fois ce qui y est observable, et ce que nous n’avons pas pu observer.

C’est le Xinjiang, la “nouvelle marche d’un empire” [traduction littérale du mot “Xinjiang”], la nouvelle ligne de front d’une guerre.

En hiver, la terre est prise par le gel, et par des températures de – 20 °C, l’air lui-même semble gelé. D’ailleurs, la société paraît figée. Les rues d’Urumqi sont souvent recouvertes de grandes dalles de pierre qui deviennent très glissantes et dangereuses à cause du verglas. On raconte que ce serait le secrétaire du Parti