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Accord de Paris: pourquoi les pays ne sont pas à la hauteur de leurs engagements

Slogan diffusé sur la Tour Eiffel lors de la Cop 21 à Paris, en 2015. Charles Platiau/REUTERS

Une quinzaine d’associations ont appelé les Français à manifester ce vendredi pour inciter le gouvernement à changer le cap de sa politique environnementale. Quatre ans après la signature de l’accord de Paris, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

«Nous défendons une Europe exemplaire pour le climat. La France s’oppose au lancement d’une négociation commerciale avec les États-Unis qui se placent en dehors de l’accord de Paris», déclarait la semaine passée le chef de l’État français. En 2017, l’administration Trump, qui continue à réduire sa réglementation environnementale, a en effet entrepris de se retirer de l’accord de Paris, bien que sa sortie officielle ne devrait intervenir concrètement que fin 2020. À l’approche des élections européennes, Emmanuel Macron tente donc de se positionner comme leader sur les enjeux climatiques mondiaux.

En signant l’accord de Paris, adopté au Bourget à l’issue de la COP21 en 2015, 197 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement de la planète à 2°C, voire 1,5 par rapport aux niveaux préindustriels d’ici la fin du XXIe siècle. Pourtant, ces dernières années les émissions mondiales de dioxyde carbone (CO2) n’ont cessé de croître pour atteindre 37,1 milliards de tonnes en 2018. Une augmentation de 2,7% sur un an. De nombreux rapports soulignent qu’il existe un réel fossé entre les politiques climatiques actuelles des pays et la possibilité de contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C. Quatre années après la signature de l’accord, Le Figaro fait le point sur l’évolution des contributions nationales, propres à chaque pays.

Les engagements actuels des États insuffisants pour répondre à l’urgence climatique

Afin de contenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C d’ici à 2100, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) devraient en théorie atteindre leur maximum vers 2020, puis diminuer d’environ 50% d’ici à 2045, pour tomber à zéro autour de 2075. Mais selon le dernier rapport du programme environnemental des Nations unies (PNU), même si chaque pays signataire respectait sa propre Contribution nationale à la lutte contre le réchauffement climatique (NDC), c’est-à-dire leurs engagements actuels, le réchauffement planétaire moyen se situerait plutôt entre 2,7°C et 3,2°C.

« Il faudrait que les émissions de GES soient divisées par deux entre 2020 et 2030 pour atteindre l’objectif de 1,5°C, et de 20% pour atteindre celui des 2°C »

Jean Jouzel, climatologue et glaciologue

Jean Jouzel, climatologue et glaciologue français, précise au Figaro que «pour réussir à limiter le réchauffement climatique, il faudrait que les GES soient divisées par deux entre 2020 et 2030 pour atteindre l’objectif de 1,5°C, et de 20% pour atteindre celui des 2°C». Ce qui signifierait en outre, selon le PNUE, un quintuplement des engagements de réduction d’émissions au niveau global pour ne pas aller au-delà de 1,5°C et un triplement des efforts des pays pour ne pas dépasser 2°C de réchauffement. «Même si tous les autres pays baissent de façon conséquente leurs émissions de GES, mais que la Chine ne se désintoxique pas du charbon, il est difficile de concevoir comment les objectifs des accords de Paris pourront être respectés», étaye Jean Jouzel. L’année dernière, avec 9839 mégatonnes de CO2 émises, la Chine a cumulé plus d’un quart des émissions mondiales, et près des deux tiers de ses émissions restent liées à sa forte dépendance au charbon.

Des négociations qui ont pris du retard

Les pays signataires de l’accord de Paris ont pour seule obligation de communiquer chaque année aux Nations unies leurs émissions directes, hors importations et exportations, de GES. À l’instar des autres pays de l’UE, la France passe par l’intermédiaire de la Commission européenne pour transmettre ses données à l’organisation internationale. Parmi les 197 signataires, seuls 58 pays ont adopté des mesures nationales pour limiter leurs rejets de CO2 en 2030 et seulement 16 ont engagé des politiques suffisantes par rapport à leurs engagements climatiques, selon une étude publiée fin 2018 par le think-tank américain World Ressources Institute. Le Canada, le Japon, l’Indonésie, le Costa Rica, la Malaisie et le Pérou figurent parmi les pays qui ont entrepris des actions conformes à leurs engagements. En Europe, seuls la Norvège, le Monténégro et la Macédoine ont engagé des politiques climatiques jugées suffisantes. Au niveau mondial, le secteur des transports reste depuis quatre ans le plus polluant, avec un accroissement des demandes en diesel et en kérosène qui surplombe la légère baisse de consommation d’essence.

Hervé Lefebvre, chef du service Climat de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), explique que les pays signataires de l’accord de Paris sont passés d’une logique de départ reposant sur «ce qui devrait être fait» à une logique actuelle reposant sur «ce que les pays sont concrètement prêts à faire». Depuis quelques années, et ce particulièrement à l’issue de la COP24 à Katowice en Pologne l’an dernier, le PNU constate que si la plupart des pays font montre de volonté dans la lutte contre le changement climatique, la grande majorité ne s’avère pas à la hauteur.

« Les négociations ont pris du retard du fait des divergences entre les pays du nord et du sud »

Hervé Lefebvre, chef du service Climat de l’Ademe

Au niveau mondial, «les négociations ont pris du retard, notamment du fait des divergences existantes entre les pays du Nord et ceux du Sud». Tandis que les pays signataires de l’accord partaient à la base pour une réduction proportionnelle des émissions de GES, les pays du Sud ont demandé à ne pas avoir à respecter ce principe afin de pouvoir se développer économiquement. Ces derniers se sont finalement vus accorder une plus grande flexibilité quant à leurs engagements. De fait, l’objectif pour la prochaine COP25, qui se tiendra au Chili, sera de définir une stratégie collective afin que les pays puissent rattraper leur retard. L’objectif étant désormais que la somme des contributions nationales respecte la prérogative des 2°C.

L’Union européenne divisée face au défi climatique

Sur le Vieux Continent, si les émissions de GES ont chuté de 23,6% depuis 1990, l’écart entre les émissions projetées en 2030 et les émissions compatibles avec les engagements de Paris reste important. L’objectif des pays de l’UE de réduire les émissions de GES de 40% d’ici à 2030 semble difficilement atteignable. Face à cette perspective d’échec, la Commission européenne demande depuis la fin de l’année 2018 l’adoption d’une vision stratégique commune à long terme reposant en outre sur un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Depuis, une ligne de fracture sur la question se dessine entre les dirigeants européens de l’Est et de l’Ouest. Alors qu’une dizaine de pays, dont la France, les Pays-Bas, l’Espagne ou encore la Suède demandent une mention claire de l’objectif au niveau européen, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque s’y opposent fortement, et même l’Allemagne fait montre de réticences. De fait, la politique climatique de l’Union reste dans l’impasse puisque toute prise de décision doit se faire à l’unanimité.

Le Royaume-Uni et la France sont à ce jour les seules économies développées à avoir créé un organisme chargé de vérifier dans quelle mesure le pays respecte ses engagements. Selon l’Observatoire Climat Énergie, qui suit les tendances en termes d’émissions par secteur chaque année dans l’Hexagone, la France ne respecte pas, pour sa part, ses objectifs de réduction d’émissions de carbone dans les secteurs des transports et des bâtiments.

« Le nombre de rénovations énergétiques du parc immobilier français existant n’a pas atteint le niveau espéré »

Hervé Lefebvre, chef du service Climat de l’Ademe

D’une part, «le nombre de rénovations énergétiques du parc immobilier existant n’a pas atteint le niveau espéré», détaille Hervé Lefebvre, de l’Ademe, qui ajoute que les ménages n’investissent pas suffisamment dans la réduction de consommation d’énergie ; d’’autre part, au niveau du transport, «le marché français avec son parc automobile neuf est porté par les SUV, qui sont des véhicules plus lourds et donc plus consommateurs».

Les jeunes générations devront réduire jusqu’à huit fois leur empreinte carbone

Ainsi, pour répondre à l’urgence climatique, plusieurs trajectoires se dessinent. D’un côté le scénario, actuel où de nombreux pays repoussent l’échéance et assurent qu’ils feront plus d’efforts plus tard. D’autre part, les pays n’ayant pas engagé de politique climatique, à l’instar des États-Unis, qui comptent essentiellement sur l’avancée des procédés technologiques pour parvenir à capter le CO2 à un coût abordable.

« Les Américains font le pari que demain nous serons capables, grâce à la technologie, de capter le CO2 dans l’air, afin de le stocker puis de le réutiliser, ou l’injecter sous terre »

Hervé Lefebvre, chef du service Climat de l’Ademe

Mais afin que le monde puisse maintenir le réchauffement climatique entre 1,5° et 2°C, les jeunes générations devront supporter le fardeau laissé par leurs aînés et se contenter de budgets carbone au cours de leur vie nettement plus faibles que ceux des générations précédentes. Actuellement, un Américain émet en moyenne 15,6 tonnes de CO2 par an, soit deux fois plus qu’un Chinois (7,5) et qu’un Européen (6,8)

Selon une analyse réalisée par le site anglais Carbon Brief, les enfants nés dans les années 2020 «devront émettre trois à huit fois moins de CO2 à l’échelle mondiale» afin de respecter l’accord de Paris. Ainsi, à titre d’exemple, un Français né en 2017 disposerait d’un budget carbone de 170 tonnes de CO2, soit environ le tiers de celui d’un individu né en 1950 (589 tonnes).

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205 commentaires
  • robert richet

    le

    Espérons que les milliards réclamés pour contrer ce délire climatique ne soient jamais récoltés et investis ailleurs.

  • Machepro

    le

    Si une foule se trouve dans une pente, elle la descendra plutôt qu'elle ne la remontera, même si elle conduit à l'abîme Ainsi va le Monde, à sa perte pour satisfaire ses objectifs immédiats. Demain est un autre jour, après nous le déluge, Dieu y pourvoira.

  • Oskar Lafontaine

    le

    En France, c'est le lobby du nucléaire qui freine les investissements indispensables pour diminuer les rejets de gaz carbonique, puisque l'isolation des bâtiments, lui ferait perdre des volumes de production d'électricité nucléaire, en effet les passoires thermiques, c'est encore ce qui rapporte le plus au lobby immonde du nucléaire. Par ailleurs avoir, avec Macron, voulu restreindre l'usage et la vente des véhicules diesels, n'a fait qu'augmenter les rejets de gaz carbonique, puisque, et à kilométrage identique, un véhicule diesel rejette 20% de gaz carbonique en moins qu'un véhicule à essence. Il est vrai que Macron est énarque, donc très limité, et cette différence entre les motorisations essence et diesel, le Macron, ça lui passait très au-dessus de la tête, et pas seulement ça.

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