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Sphère armillaire géocentrée et "mouvante", 1709-1718

Sphère armillaire géocentrée et "mouvante", 1709-1718

Jérôme Martinot (1671-1724), Sphère armillaire géocentrée et « mouvante », et détail de la sphère mouvante : Terre au centre, Lune au noir, Soleil à rayons, entre 1709 et 1718. Sphère en cuivre doré, support en bois doré, H. 145 ; D. 37 cm (sphère seule). Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

Commentaire de François Nawrocki, conservateur en chef et directeur adjoint à la bibliothèque Sainte-Geneviève : « Il s’agit d’un instrument d’horlogerie (Louis XIV possédait une sphère de Martinot du même genre) qui précise la position dans le ciel de certains astres, notamment la lune et le Soleil, par rapport à la Terre qui est au centre du système. Cette dernière est entourée des cercles fondamentaux qui composent la sphère céleste, comme l’écliptique (la course du Soleil dans le ciel tout au long de l’année), accompagné ici des douze constellations du zodiaque.

Les principales planètes sont également représentées, de façon à pouvoir prédire avec précision, par exemple, qu’en 1745, au mois de mars, les étoiles seront à tel endroit du ciel par rapport aux planètes. Plus on s’éloigne de la Terre au centre, plus on se rapproche des limites du monde, représentées par la voûte céleste, que l’on conçoit aussi comme une sphère qui comporte l’ensemble des étoiles équidistantes de la Terre.

Au centre se trouve donc le globe de la Terre, conçu sous la forme d’une sphère. Contrairement aux idées reçues, les savants ne pensaient pas que la Terre était plate (à part quelques obscurantistes), certains sont même capables d’évaluer sa circonférence dès le XIème siècle. »

Propos recueillis par Marie Privé.

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Globes terrestre et céleste, 1728

Globes terrestre et céleste, 1728

Abbé Jean Antoine Nollet et Louis Borde, Globe terrestre, 1728. D. 32,5 ; H. 55 cm.Globe céleste, 1728. D. 32,5 ; H. 55 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

François Nawrocki : « On a ici deux types de globes. Le globe céleste (à droite) montre l’ensemble des étoiles, perçues à l’époque comme les limites de l’univers dont le cœur est la Terre, elle-même représentée par le globe terrestre (à gauche). À partir de l’époque moderne, on les fabrique souvent par pair de même dimension, car ils sont censés montrer les deux extrêmes d’un système où la Terre est toute petite au centre, et la sphère du ciel très grande à l’extérieur. »

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Globe céleste attribué à Ibrahim ibn Said al-Sahli al-Whazzan, XIème siècle

Globe céleste attribué à Ibrahim ibn Said al-Sahli al-Whazzan, XIème siècle

Globe céleste attribué à Ibrahim ibn Said al-Sahli al-Whazzan (actif au XIe siècle) Espagne, XIe siècle. Cuivre gravé, H. 35 ; D. 19 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

Commentaire de Catherine Hofmann, conservatrice en chef au département des Cartes et plans à la Bibliothèque nationale de France : « Ce globe céleste, fabriqué dans l’Occident musulman à la fin du XIème siècle, est l’un des deux plus anciens globes célestes islamiques connus. Pour réaliser ce type de globe, on utilise les savoirs d’un géographe d’Alexandrie du IIème siècle, Ptolémée, rassemblés dans un ouvrage, l’Almageste, qui décrit la place des étoiles dans les constellations. Les astronomes arabes se sont donc basés sur le savoir antique (une traduction arabe de l’Almageste est publiée dès le VIIIème), mais ils ont adapté les figures des constellations en fonction de la mythologie arabe. Par exemple, sur ce globe, la Gorgone Méduse, dont la tête est tranchée par Persée dans la tradition antique, est ici remplacée par trois têtes que l’on suppose être celles du démon al-ghoûl, une créature monstrueuse du folklore arabe préislamique.

En terre d’Islam, le globe a joué un rôle important dans la mesure où, pour respecter les règles de l’Islam, il était primordial de pouvoir établir un calendrier lunaire précis, notamment pour fixer les dates du Ramadan avec fiabilité, mais aussi pour déterminer les cinq temps de prière dans la journée et la direction de La Mecque. »

photo 3/8 © Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

Globe céleste avec, au centre, la constellation de Persée, 1502

Globe céleste avec, au centre, la constellation de Persée, 1502

Globe céleste avec, au centre, la constellation de Persée, Italie ou Europe centrale, 1502. Gravé sur métal, D. 69 cm. Écouen, musée national de la Renaissance, département des Objets d’art.

Catherine Hofmann : « Magnifique globe de grande dimension, c’est le plus ancien globe céleste occidental conservé. L’hémisphère nord est très chargé, il est peuplé de nombreuses constellations représentant ceux considérés comme les pères de l’astronomie (Ptolémée, Manelius, al-Sufi…). L’hémisphère sud, en revanche, est bien plus vide. C’est parce qu’il a été conçu avant les voyages qui vont permettre de reconnaître les étoiles de l’hémisphère sud. C’est seulement à partir du milieu du XVIème qu’elles seront observées avec précision par des navigateurs hollandais, et qu’elles commenceront à être représentées sur les globes célestes. »

photo 4/8 © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / René-Gabriel Ojéda

Globe terrestre, 1459-1507

Globe terrestre, 1459-1507

Martin Behaim (1459-1507), Globe terrestre, Nuremberg, 1847 (fac-similé), original daté de 1492. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

Catherine Hofmann : « Il s’agit d’une copie du XIXème siècle du plus ancien globe terrestre conservé. Contrairement à l’original (exposé à Nuremberg), cette copie est bien conservée et permet de voir quelles étaient les conceptions géographiques des Européens avant la découverte de l’Amérique. Ce globe est basé sur une double erreur : la circonférence de la terre sous-estimée sur la base des indications données par Ptolémée, et l’extension du continent eurasiatique en longitude, qui fait que l’Extrême-Orient et l’Europe sont rapprochées. On peut penser que c’est sur la base de ce type de globe que Christophe Colomb a eu l’idée d’ouvrir une nouvelle route pour se rendre en Chine à travers la route maritime de l’Ouest. »

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Le " Globe doré ", vers 1527

Le " Globe doré ", vers 1527

Nova et integra universi orbis descriptio, dit « Globe doré », vers 1527 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

François Nawrocki : « Le globe de Behaim (photo précédente) est trop étroit pour y faire entrer les découvertes de Christophe Colomb, et on se rend compte petit à petit que les bonnes dimensions de la Terre étaient plutôt celles d’Ératosthène (IIIème siècle avant J-C) que celles de Ptolémée.

Ce globe montre le tour du monde de Magellan, puisqu’est gravé dessus le tracé de son voyage, dont l’une des conséquences est cette géographie où l’on pense que l’Amérique est le prolongement de l’Asie. Cette croyance ne va pas résister au-delà des années 1530 puisque les Espagnols vont remonter la côte ouest de l’Amérique jusqu’en Californie, et les Portugais arrivent au Japon en 1543. On comprend alors qu’il y a continent en plus. »

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Sphère armillaire héliocentrée représentant le système de Copernic, vers 1725

Sphère armillaire héliocentrée représentant le système de Copernic, vers 1725

Sphère armillaire héliocentrée représentant le système de Copernic. France, vers 1725. Laiton. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

François Nawrocki : « Avec Copernic, on est passé de la vision de Ptolémée, la Terre au centre, à une vision du Soleil au centre : la Terre n’est plus qu’un astre qui tourne autour du Soleil. Cette vision s’est pas imposée du jour au lendemain. Il a fallu plus d’un siècle et demi pour que cela s’impose dans la culture populaire, même si les savants ont rapidement été convaincus de la validité de ce système qui permettait d’expliquer ce qu’ils observaient via leurs télescopes (Galilée, Kepler, Newton…). C’est l’Église qui opère la plus forte résistance, car nier le fait que la Terre n’est pas le centre du monde serait admettre que ce qui est dit dans la Genèse est faux.

Avant les années 1700, on ne fait donc pas de sphères coperniciennes, c’est presque interdit. On réalise plutôt des sphères ptoléméennes, que l’on mettra très longtemps à ne plus fabriquer, car c’est la base de l’astronomie (on continue encore aujourd’hui à calculer la distance des étoiles par rapport à la Terre). La sphère de Copernic est plus complexe, c’est difficile dans une mécanique comme celle-ci d’insérer toutes les planètes. Lorsque les nouvelles planètes vont être découvertes (Uranus à la fin XVIIIème, Neptune au milieu du XIXème), on ne peut plus toutes les représenter, on va donc commencer à simplifier les sphères. »

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Edme Mentelle, Jean Tobie Mercklein, Globe terrestre et céleste pour l'éducation du dauphin, 1786

Edme Mentelle, Jean Tobie Mercklein, Globe terrestre et céleste pour l'éducation du dauphin, 1786

Edme Mentelle, Jean Tobie Mercklein, Globe terrestre et céleste pour l’éducation du dauphin, 1786. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans.

François Nawrocki : « À la fin du XVIIIème siècle, on a gommé les petites erreurs et on se retrouve avec des globes quasiment conformes à ceux que l’on connaît aujourd’hui (à l’exception de l’intérieur de l’Afrique, l’Antarctique et certaines zones Arctiques).

Au XVIIIème siècle, les globes et les sphères armillaires se répandent dans les intérieurs bourgeois et les cours princières, donnant lieu à des objets uniques comme celui-ci. Il a été fait à la demande de Louis XVI pour l’éducation de son fils, le dauphin (d’où les pieds du globe), qui mourra à dix ans : on y voit la Terre, la voûte céleste au revers, et à l’intérieur, une représentation du globe débarrassé de ses eaux, avec une tentative de représentation des reliefs continentaux et marins.

Pour le réaliser, Edme Mentelle a utilisé les documents les plus récents du service hydrographique de la Marine, dont le travail sur l’ensemble des mers du globe a permis de cartographier les abords de toutes les îles et continents. On ne connaît pas encore la tectonique mais on s’approche ici d’une vision géologique du globe terrestre. »

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