L'âge bête

Avec l'incendie de Notre-Dame, la bonne planque des faucons de Paris disparaît

L'incendie de Notre-Damedossier
Un couple de crécerelles s'apprêtait à nicher dans la cathédrale. On ignore encore où ils se sont réfugiés depuis le désastre.
par Guillaume Lecaplain
publié le 21 avril 2019 à 14h18
(mis à jour le 21 avril 2019 à 14h43)

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Notre-Dame, c'était surtout pour eux une studette avec vue sur la Seine. Le couple de faucons crécerelles qui avait élu domicile sur le transept nord de l'édifice est sans-nid-fixe depuis l'incendie de la cathédrale de Paris, lundi soir. Le groupe de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) chargé de l'observation des faucons de Paris estime qu'il est «plausible» que les deux rapaces aient fichu le camp au moment du désastre – et donc qu'ils n'aient pas grillé avec la charpente. «Ils doivent désormais rechercher une nouvelle aire de nidification, explique à Libération Emmanuel du Chérimont, le coordinateur du groupe faucons. Nous allons essayer de les retrouver.» Les rapaces doivent faire vite pour trouver une solution de remplacement : la date moyenne de ponte des faucons à Paris est le 22 avril. L'installation des crécerelles à Notre-Dame joue de malchance, puisque en 2018, ils avaient été empêchés de nidifier par l'installation des échafaudages qui entouraient la flèche aujourd'hui disparue.

Des faucons crécerelles au-dessus de Notre-Dame de Paris (Photo Yves Gestraud. LPO)

La présence de ces petits rapaces au cœur de la capitale est tout sauf une anomalie. Dès 1840, l'ornithologue Zéphirin Gerbe atteste de leur installation. Il semble que les oiseaux aient fui les gros travaux de Haussmann, car en 1870, ils ne font plus partie du paysage parisien selon les observations des spécialistes de l'époque. «Ils sont revenus à Paris au milieu du XXe siècle, raconte Emmanuel du Chérimont, ceci grâce à une double adaptation : d'une part en prenant l'habitude de nicher dans les trous de boulins [qui servaient à maintenir les échafaudages médiévaux, ndlr] comme à Notre-Dame. Et d'autre part ils ont adapté leur régime alimentaire en capturant des oiseaux au moment de l'élevage des jeunes.» Habituellement, le faucon crécerelle se nourrit de petits rongeurs. Depuis le centre de Paris, ces derniers ne sont pas aisés à dénicher : le rapace est obligé d'aller les chasser en banlieue ou aux bois de Boulogne et de Vincennes. Mais quand les petits sont à nourrir, les parents hésitent à partir trop longtemps. Ils se tournent alors vers la nourriture la plus proche, et donc principalement les moineaux.

En 1976, les crécerelles de la cathédrale de Paris sont les stars d'un reportage d'Allain Bougrain-Dubourg pour l'émission les Animaux du monde. «En dessinant cette carte postale qu'est la cathédrale de Notre-Dame, l'homme a sans le savoir construit une pyramide écologique», commence le journaliste, lyrique, qui cite d'autres hôtes à plumes de la cathédrale : les moineaux, les pigeons et les choucas.

Aujourd'hui, les choucas ont disparu de la capitale. Quant aux crécerelles, ils ne se portent plus si bien. En 2000, la LPO recensait 50 couples nicheurs à Paris ; ils sont aujourd'hui moins de 30 (outre à Notre-Dame, on en a vu aux Invalides, au musée de la Vie romantique, dans le cimetière de Picpus, à l'Observatoire de Paris ou dans des cours d'immeubles privés). En cause, la chute drastique du nombre de leurs proies. «C'est une hécatombe», reprend Emmanuel du Chérimont. «A Paris, le nombre de moineaux a chuté de 73 % depuis 2003.» Deux raisons à cela : les immeubles ont de moins en moins de cavités permettant au petit oiseau de nicher, et les insecticides ont tué toutes leurs proies. «Moins de moineaux, moins de crécerelles», résume l'ornithologue.

En revanche, bonne nouvelle : on a appris jeudi que les quelques 200 000 abeilles des ruches de Notre-Dame ont survécu à l'incendie qui a ravagé le toit de la cathédrale«Au départ, je pensais que les trois ruches avaient brûlé, je n'avais aucune information», explique l'apiculteur Nicolas Géant, qui s'occupe des ruches situées sur la sacristie attenante à la cathédrale. «Mais j'ai ensuite pu voir sur les images satellites que ce n'était pas le cas et le porte-parole de la cathédrale m'a confirmé qu'elles entraient et sortaient des ruches».

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