Un rapport établit que les « batteries vertes » ne seraient pas si vertes que ça

Le développement du marché des clean techs (voiture électrique, panneaux solaires, etc.) pourrait entraîner à l’avenir un « boom minier » afin de trouver suffisamment de métaux et de terres rares pour satisfaire la demande. Telle est la conclusion d’une étude menée par l’ONG Earthworks et l’University of Technology de Sydney.

Un rapport établit que les « batteries vertes » ne seraient pas si vertes que ça

En 1980, un Français, Michel Armand, invente la batterie au lithium. Quarante ans plus tard, sa trouvaille suscite toutes les convoitises. Et pour cause, elle équipe la plupart des voitures électriques. En 2017, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), plus d’un million de véhicules hybrides ou électriques se sont vendus dans le monde. À elle seule, la Chine en aurait écoulé 580 000 – un chiffre qui pourrait grimper en 2019 à 1,6 million – et compterait près de 500 fabricants différents de véhicules électriques, selon Automotive News China.

Si l’Empire du Milieu investit gros, c’est aussi pour dominer le marché des batteries électriques, nerf de la guerre des voitures électriques. L’un des principaux fabricants de batteries électriques, CATL, a ainsi annoncé mettre 1,1 milliard d’euros sur la table pour la construction d’une gigantesque usine de batteries. Mais dans cette « guerre des batteries », l’Europe n’a pas encore dit son dernier mot. La France a annoncé en février dernier un investissement de 700 millions d’euros sur 5 ans – et l’Allemagne de 1,12 milliard d’euros – pour monter une filière européenne de batteries pour voitures électriques.

Pas de clean techs sans terres rares

Pourtant, si on en croit les résultats d’une étude de l’ONG Earthworks et de l’UTS (University of Technology de Sydney), relayée par le site Gizmodo, les « batteries vertes » ne seraient pas si vertes que ça puisqu’un boom des clean techs risque d’entraîner un boom minier. Les batteries lithium-ion qu’on trouve dans les voitures électriques nécessitent du lithium donc, mais aussi du cobalt, du manganèse et du nickel. Mais ces véhicules mobilisent aussi des terres rares, ces métaux particulièrement prisés par l’industrie technologique et dont l’extraction et le traitement polluent et produisent des déchets toxiques. Des métaux présents également dans la composition de certaines éoliennes et de panneaux solaires (tellure, gallium, argent, indium). La plupart des clean techs contiennent également du cuivre et de l’aluminium.

L’équipe de l’UTS s’est soumise à un exercice de projection pour tenter de répondre à cette question : que se passerait-il sur le champ des métaux si l’on passait, à l’échelle mondiale, à une consommation d’énergie à 100% d’origine renouvelable  d’ici 2050 ? Première nouvelle : la demande en lithium et en terres rares (néodyme et dysprosium) dépasserait avant 2022 le niveau de l’offre actuelle. D’ici 2030, même topo pour le nickel et le cobalt. Quant au tellure, si précieux pour la production des panneaux solaires, on dépasserait nos capacités d’extraction actuelles à l’horizon 2030.

Le marché mondial du recyclage de batteries pèsera 23 milliards de dollars d’ici 2025

Et si on se projette jusqu’en 2050, notre appétit – ou plutôt celui des batteries – pour le cobalt entraînerait un dépassement du niveau des réserves mondiales recensées à ce jour. Quant au lithium, d’ici trente ans, on aurait déjà englouti 86% des réserves connues. Identifier de nouvelles mines deviendra alors indispensable. Pour Elsa Dominish, co-autrice de l’étude, « c’est inévitable, mais il faudra le faire de manière beaucoup plus responsable et avec une empreinte écolo bien moins importante ».

Un vœu pieux ? Si on regarde le cas de la Norvège, la réponse est plutôt oui. À l’extrême nord du pays, près de l’océan arctique, le gouvernement norvégien aurait approuvé la construction d’une mine de cuivre, raconte Reporterre. Une mauvaise nouvelle pour la faune aquatique et les rennes, qui souffriraient de la présence des boues toxiques issues de l’exploitation de cette mine.

Améliorer le recyclage des batteries

Au-delà de son impact environnemental, l’exploitation minière, rappellent les auteurs de l’étude, entraîne de l’exploitation tout court. Au Congo, où est extrait une bonne partie du cobalt, les mineurs travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses. Et ces mineurs le sont à tous les sens du terme puisqu’il s’agit parfois d’enfants. Au Brésil, en janvier dernier, la rupture d’un barrage minier à Brumadinho a entraîné une avalanche de boue de déchets, provoquant la mort de centaines de personnes.

Pour sortir de ce cycle, l’ONG Earthworks et les chercheurs de l’UTS appellent à développer sans tarder les capacités de recyclage des batteries. Et nul besoin d’attendre des philanthropes pour s’y mettre : selon l’agence Reuters, le marché du recyclage des batteries pèsera 23 milliards de dollars d’ici 2025.

 

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Image à la Une : Une voiture électrique à la borne de recharge (Shutterstock)

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