Simone Veil : "Je n'accepterai jamais cette abomination d'avoir planifié l'extermination d'un groupe"

Immortelle, Simone Veil. Portrait en 1970 à Paris. ©Getty - Daniel SIMON/Gamma-Rapho
Immortelle, Simone Veil. Portrait en 1970 à Paris. ©Getty - Daniel SIMON/Gamma-Rapho
Immortelle, Simone Veil. Portrait en 1970 à Paris. ©Getty - Daniel SIMON/Gamma-Rapho
Publicité

Survivante de la Shoah, Simone Veil s'est imposée, à travers ses témoignages, comme un grand témoin de la déportation. Ce soir, Serge Klarsfeld, le féroce défenseur de la cause des déportés juifs en France nous parlera de cette grande dame.

Malgré la douleur, Simone Veil n'a jamais cherché à oublier cette période tragique de sa vie. Elle a, au contraire, tenté d'en cultiver la mémoire tout au long de son existence. Elle sera la première à livrer publiquement ses ressentis et son histoire. Elle gardera jusqu'à sa mort le numéro de matricule 78651, tatoué sur son bras gauche par les Allemands lors de sa déportation, signe du souvenir. 

Simone Veil fut la première présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah de 2001 à 2007 et présidente d'honneur jusqu'à sa mort. "J’ai le sentiment que le jour où je mourrai, c’est à la Shoah que je penserai" déclarait la survivante en 2009. 

Publicité

Sa rencontre avec Serge Klarseld eut lieu un jour de 1978, où elle le reçoit au ministère de la santé. L'avocat et historien venait de publier "le Mémorial de la déportation des juifs de France", un livre qui recense, convoi par convoi, les noms, prénoms, date et lieu de naissance de chacun des 76 000 déportés juifs de France. C’est ainsi qu'il lui apprend le sort de son père et de son frère morts en déportation.

Pour Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France : 

Simone Veil a sans doute fait partie de ceux qui ont puisé dans la Shoah une incroyable énergie.

Extraits de l'entretien 

Simone Veil : 

C'est une révolte qui n'a jamais cessé. Je me sens toujours... Ce n'est pas de la vengeance, mais je n'accepterai jamais, et je n'oublierai jamais. Mais je dois dire que ma révolte, elle va aussi souvent au discours que l'on entend, d'une douleur immense, de cette abomination d'avoir planifié et d'avoir réalisé, comme on ne l'a jamais fait l'extermination d'un groupe."

Serge Klarsfeld : 

"J'ai du croiser pour la première fois Simone Veil en 1941 ou 1942 puisque nous allions au même établissement scolaire, le lycée de jeunes filles. Simone Veil l'était en seconde. Ma sœur était en sixième ou cinquième et moi, j'étais dans les petites classes où les garçons étaient acceptés. Mais je ne l'ai pas connu Simone Veil, à ce moment là, mais en 1978, quand j'ai publié le Mémorial de la déportation des Juifs de France.

Elle m'a fait venir : elle voulait savoir quelle avait été le sort de son père et de son frère. 

Et à ce moment-là, je lui ai révélé que son père et son frère n'étaient pas allés à Auschwitz, mais étaient allés dans les pays baltes. 

Le convoi du 15 mai 1944 était parti vers les Etats baltes. Il était constitué uniquement d'hommes qui ont été tués, soit en Lituanie, à Kaunas  ou bien en Estonie ou dans un camp qui proche de l'aéroport de Tallinn Reval, la capitale aujourd'hui de l'Estonie. 

Elle était impressionnée par cette révélation

Et plus tard, en 1980, elle m'a fait décorer de l'Ordre du Mérite, la première décoration que j'ai reçue par Alain Poher, président du Sénat, avec qui elle était proche depuis la Libération et depuis le début de sa carrière politique. 

Ensuite, il y a eu l'affaire Barbie. On n'était pas toujours d'accord. Elle était partisane de l'exécution de Klaus Barbie et moi, je voulais éviter toute action violente vis à vis des criminels parce que je considérais que la victoire était de les faire juger soit en France, soit par leurs enfants. Les condamner sur la foi des preuves qu'on avait apporté était préférable à un règlement de comptes. 

On a eu des dissentiments aussi dans l'affaire Bousquet. Elle le connaissait, mais elle ne savait pas qui il avait été. Son mari non plus. D'ailleurs, Simone Veil, un peu comme moi, n'a jamais été persécuté par Vichy. A Nice, où nous vivions jusqu'à l'arrivée des Allemands nous n'avions pas été menacés. Nous, les Juifs Roumains n'avions pas été menacés  lors de la grande rafle des juifs étrangers dans la zone libre. Simone Veil a été arrêtée par les Allemands et moi, je ne savais même pas que la police française arrêtait les Juifs. Moi, je l'ai appris après la guerre et donc on n'a pas eu de rupture avec la France. Sinon, je ne pense pas que Simone Veil aurait fait carrière politique si elle avait eu cette cicatrice qu'ont les enfants juifs arrêtés par la police Française. [...]

La suite est à écouter...

Références

Extraits des chapitres : La nasse et L’enfer lus par Sandrine Bonnaire dans "Une Vie" une autobiographie publiée en 2007 chez Stock et en livre de Poche en 2009.

Archives : 

  • Archive Ina du 4 mars 1947 : Simone Veil à propos de sa déportation 
  • Archive Ina du 14 décembre 1999 : Simone Veil à propos de son sentiment de révolte 

Générique Veridis Quo des Daft Punk 

Et aussi

🎧 Ecoutez les émissions de Laure Adler consacrées à Simone Veil :

Bonus

L'équipe

pixel