Des fonds thématiques sur la parité dans les entreprises commencent à voir le jour. Et ce n’est pas une mince affaire ! Les femmes continuent à rencontrer des difficultés à atteindre les fonctions de direction des entreprises. La société de gestion Mirova vient de créer un fonds à contre-courant des statistiques, qui investira dans les sociétés où les femmes prennent le pouvoir. Un univers d’investissement encore petit, mais que le gestionnaire espère voir grandir.

Le monde de la finance durable veut s’éloigner de "l’Old boys club", ces clubs réservés aux hommes blancs d’un âge certain. Des fonds d’investissement ayant pour thème la mixité dans les entreprises commencent à apparaître, pour permettre aux investisseurs de placer leur argent dans des sociétés plus inclusives. Dernier en date, le Women leaders equity fund de Mirova qui va investir dans une cinquantaine d’entreprises dans lesquelles les femmes sont bien représentées dans le management. Quelques semaines plus tôt, Nordea Asset Management avait de son côté lancé le Global gender diversity fund.
La tendance reste émergente. "Les questions des analystes sur ces sujets ? Je n’en vois aucune, s’étonne Astrid Panosyan, la directrice générale fonctions centrales groupe du spécialiste de l’immobilier commercial Unibail Rodamco Westfield. J’en vois sur les sujets climat et empreinte carbone, et pas seulement des investisseurs spécialisés. Mais j’aimerais avoir plus de pression externe sur le sujet de la mixité."
Surperformance financière
La question de la rentabilité de ces fonds thématiques ne se pose pourtant plus. Les équipes de Mirova l’évacuent d’emblée. "Il y a aujourd’hui beaucoup de littérature démontrant le lien entre la performance financière et la mixité", assure Mathilde Dufour, la responsable de la recherche ISR de Mirova, la société de gestion filiale du groupe Natixis.
Créé en mars 2006, Amazone euro fund, précurseur sur ce thème, a même permis de tester la théorie d’investissement. "Depuis la création du fonds, nous avons battu dix fois en treize ans notre benchmark, l’indice EuroStoxx 50", souligne Nicolas de Malézieux, analyste chez Ferri Gestion en charge du fonds. Le fonds Amazone investit dans une trentaine d’entreprises, principalement européennes, en prenant en compte l’équilibre femmes-hommes dans la composition du comité exécutif. Les analystes notent également la position hiérarchique occupée par les femmes, plus elle est élevée, meilleure sera la note.
Chez Mirova, le fonds va s’intéresser aux entreprises dans lesquelles le comité exécutif est composé au moins de 30 % de femmes, avec une femme directrice générale ou directrice financière. Et l’écart entre le nombre de femmes dans l’effectif global de l’entreprise et dans les fonctions de direction doit être inférieur à 15 %. La société de gestion va également suivre les politiques volontaristes de promotion de la mixité dans l’entreprise, ou encore les femmes placées à des postes clés.
Encore peu d’entreprises éligibles
Le terrain demeure pourtant encore difficile d’accès pour les investisseurs. Bloomberg, qui publie un Gender equality index, a certes vu le nombre de femmes atteignant des fonctions de direction augmenter de 40 % entre 2014 et 2017. L’indice Bloomberg est composé de 230 entreprises en 2019, plus du double de 2018. Mais selon Mirova, alors que 36 % des effectifs des entreprises mondiales sont des femmes, elles ne sont plus que 5 % au niveau des directions générales.
"Notre univers d’investissement est composé de 240 entreprises en tout. Ce n’est pas beaucoup, soupire Soliane Varlet, la gestionnaire du fonds Women Leaders de Mirova. Au départ, nous nous sommes posé la question de faire un fonds sur l’Europe, mais il n’y avait pas assez de valeurs, nous l’avons donc porté au niveau global." Les équipes de Mirova choisiront une cinquantaine d’entreprises parmi les 240 pour constituer leur fonds.
L’intérêt du monde de la finance pour la mixité devrait faire bouger les entreprises. C’est en tout cas le pari de Mirova qui a mis en place une politique d’engagement actionnarial pour challenger toutes les sociétés dans lesquelles elle investit sur la mixité. C’est aussi le pari du gouvernement japonais qui veut développer l’emploi des femmes pour lutter contre le vieillissement de la population active qui menace le pays. Le fonds de pension japonais (GPIF) a investi plusieurs milliards de dollars dans l’indice MSCI Japan empowering women en espérant participer à la transformation des entreprises japonaises.
Arnaud Dumas @ADumas5

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