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De l’anti-sarkozysme à l’anti-hollandisme

ANALYSE - Au lendemain de la plus cuisante défaite jamais essuyée par le PS à une élection locale, le sentiment qui domine est que malgré le remaniement gouvernemental annoncé, c’est bien à l’Elysée que se situe le vrai problème.

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Par Daniel Fortin

Publié le 31 mars 2014 à 20:10

L’échec de la majorité socialiste aux élections municipales des 23 et 30 mars 2014 est historique à un double titre. D’abord, on l’a beaucoup dit depuis dimanche, il s’agit de la plus cuisante défaite jamais enregistrée par ce parti d’élus à une élection locale. Mais, surtout – et c’est plus grave –, le PS essuie ce revers dans un contexte où son homme fort, le président de la république, François Hollande, atteint un score lui aussi historiquement bas dans les sondages avec à peine 19 % d’opinion favorable au bout de deux ans de mandat. Pour mémoire, les élections municipales perdues par la gauche en 1983, qui avaient vu l’opposition remporter 31 villes de plus de 30.000 habitants, s’étaient déroulées dans un ­contexte où le président François Mitterrand jouissait encore de près de 50 % d’opinions positives.

Dans une Ve République où la tête de l’exécutif constitue la clef de voûte de nos institutions, un tel écart n’est évidemment pas neutre pour la suite des événements. Le sentiment qui domine aujourd’hui est que, malgré le remaniement gouvernemental annoncé, c’est bien à l’Elysée que se situe le vrai problème. En ce sens, les élections de ce week-end confirment une tendance que l’on voit se dessiner depuis près d’un an : de l’anti-sarkozysme du début des années 2010, la France est en train de basculer dans un anti-hollandisme d’une autre nature, mais tout aussi virulent. Ce phénomène a été mis en avant par deux chercheurs, Sylvain Brouard et Eric Kerrouche dans un article publié en 2014 dans l’ouvrage « L’Etat de l’opinion » de TNS Sofres (*). Un chiffre est particulièrement impressionnant : en mai 2012, lorsque Nicolas Sarkozy quitte l’Elysée, 60 % des répondants au baromètre TNS Sofres pour « Le Figaro Magazine » déclarent ne plus lui faire confiance.

En mai 2013, alors que François Hollande fête sa première année à l’Elysée, ils sont 73 %, pour le même baromètre, à afficher leur défiance à son encontre. En janvier dernier, dans un sondage réalisé par BVA pour « Les Echos » en vue des municipales, 70 % des sondés affirment alors leur intention de se déterminer en fonction d’enjeux locaux. Mais 26 % d’entre eux déclarent tout de même qu’ils souhaitent profiter de cette occasion pour « sanctionner le président ». En 2008, lors des élections municipales précédentes, perdues par la droite, ils n’étaient que 2 % à vouloir lancer un avertissement au président de l’époque, Nicolas Sarkozy.

Une sous-estimation de la profondeur de la crise

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C’est donc bel et bien à un durcissement de l’opinion à l’égard de son président que l’on assiste aujourd’hui. Comment l’expliquer alors que, en apparence, le personnage de François Hollande est beaucoup moins clivant que celui de son prédécesseur ? Il existe deux grandes familles d’explications. La première tient aux malentendus nés de l’élection de François Hollande. Précisément conçue comme une réponse à l’anti-sarkozysme, sa candidature, de surcroît marquée à gauche, ne tient pas ses promesses. Le scandale Cahuzac, la tentative de mise en place d’une politique de redressement des finances publiques par des hausses massives d’impôt et, du propre aveu du président, sa sous-estimation de la profondeur de la crise, sont autant de facteurs qui ont déboussolé l’électorat.

L’accent mis depuis janvier 2014 sur la politique de l’offre et les mesures en faveur des entreprises a achevé de couper l’exécutif d’un électorat de gauche qui ne lui fait plus confiance. Bien plus que la présumée percée du Front national, cette désaffection explique en grande partie le mauvais score de la gauche au deuxième tour des élections municipales. S’y ajoute le dramatique manque de résultats, qui constitue la deuxième source de l’anti-hollandisme du moment. L’incapacité du pouvoir à tenir ses objectifs en matière de chômage ou de déficit public – et ce malgré ses promesses répétées en la matière – renforce l’impression d’impuissance, qui, si rien n’est fait, est en passe de devenir la marque de fabrique de cette présidence.

Enfin, s’il semble plus marqué en ce qui ­concerne Nicolas Sarkozy, il ne faut pas sous-estimer le rejet que provoque aujourd’hui la personnalité même de François Hollande. Dans leur étude, Sylvain Brouard et Eric Kerrouche montrent que les répondants qui lui reconnaissent une étoffe présidentielle ont déjà diminué de 25 % entre mai 2012 et mai 2013. S’agissant de sa capacité à incarner le changement, l’un de ses arguments de campagne, la chute est de 20 %. « Comme l’anti-sarkozysme lors du précédent quinquennat, l’inquiétude suscitée par le président de la République est une composante de l’anti-hollandisme », écrivent les deux chercheurs.

Comment en sortir ? Une partie de la gauche et des Verts a déjà tranché. Il faut changer de politique et revenir aux fondamentaux du socialisme, disent-ils. Argument classique de lendemain de défaite électorale, qui ne résiste pas une seconde à l’analyse des faits. Car on peut tout aussi bien considérer que le point commun entre les dirigeants politiques qui se sont succédé au pouvoir en France est une certaine forme d’immobilisme, qui les a conduits à mener des demi-réformes suffisantes pour les rendre impopulaires mais insuffisantes pour redonner des perspectives d’avenir aux Français. Cependant, contrairement à l’anti-sarkozysme, qui a coûté sa réélection au président précédent, l’anti-hollandisme n’est encore qu’un état d’esprit provisoire. Il reste trois ans à François Hollande pour prouver que les Français ont eu tort de douter de lui.

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