Du musicien tourmenté au peintre épicurien : Jean-Pierre Marielle en 4 rôles

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Du musicien tourmenté au peintre épicurien : Jean-Pierre Marielle en 4 rôles

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Jean-Pierre Marielle sur le tournage de Bouvard et Pécuchet en 1989
Jean-Pierre Marielle sur le tournage de Bouvard et Pécuchet en 1989
© Getty - Jacques Prayer

Décès. De la comédie à la tragédie, Jean-Pierre Marielle avait joué plus de cent films. Retour sur 4 rôles qui ont marqué la carrière du comédien, décédé ce 25 avril, à l'âge de 87 ans.

C'était une des figures les plus populaires du cinéma français : le comédien Jean-Pierre Marielle est mort ce mercredi à l'âge de 87 ans. Il souffrait depuis des années d'une maladie qui l'a tenu loin ces derniers mois de ce qu'il aimait par dessus tout : le théâtre et le cinéma, où il adorait autant jouer qu'applaudir ses amis.

Jean-Pierre Marielle  a débuté par un parcours classique dans une famille moins banale. Né en 1932 à Dijon, son père jouait du piano sur des films muets et sa mère vendait de la lingerie. Il découvre les textes d’Anton Tchekhov grâce à son professeur de de lettres, quitte Dijon pour Paris afin d'étudier le théâtre. Il intègre le Conservatoire de Paris et se lie d’amitié avec Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort ou encore Françoise Fabian et Claude Rich, avec qui il forme la "bande du Conservatoire". 

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Un temps stagiaire à la Comédie française, il se lance dans le cinéma au début des années 1960. Après des débuts timides, les rôles plus consistants arrivent. Il connaît le succès dans les années 1970 avec des comédies comme Sex-Shop, de Claude Berri, en 1972 ou encore La Valise de Georges Lautner, en 1973. S’en suivra une brillante carrière qui fera de Jean-Pierre Marielle l'une des balises du cinéma français où sa voix, son regard, son jeu marqueront autant les tragédies que les comédies, voire les pochades à l'humour discutable qui occupèrent tant de soirées du dimanche - des nanars qu'il était capable de sauver du naufrage par une réplique, un mouvement de moustache ou une lueur ironique dans l'oeil. Jean-Pierre Marielle n'a jamais essayé de défendre toute sa filmographie : "J'ai fait plein de films à une époque où on donnait moins d'importance culturelle au cinéma", disait-il à Libération.

"J'ai été dans tous les genres avec des gens qui ont très bon genre", disait-il aussi avec humour. De la comédie à la tragédie, du cinéma d’auteurs aux films populaires, Jean-Pierre Marielle avait joué plus de cent films, de nombreuses pièces de théâtres et plusieurs téléfilms. Du rôle inoubliable de Monsieur de Sainte-Colombe, dans Tous les matins du monde, à celui d’Henri Serin dans Les galettes de Pont-Aven, retour sur quatre rôles qui ont marqué sa carrière d’acteur.  

Premier succès dans "Le diable par la queue" de Philippe de Broca (1969)

En 1969, Jean-Pierre Marielle obtient son premier grand rôle au cinéma dans Le diable par la queue, de Philippe de Broca, qui revient sur le destin d’une famille de nobles désargentés en passe de devenir de véritables criminels. Jean-Pierre Marielle a 37 ans, et déjà une dizaine d’années de carrière derrière lui, mais jusqu’ici, il n’obtient que des seconds rôles insignifiants. Pour la première fois, il partage l’affiche avec Yves Montand, dans cette comédie franco-italienne qui remporte un grand succès populaire. 

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L’épicurien et libertaire Henri Serin dans "Les Galettes de Pont-Aven", de Joël Séria (1975) 

"Si Les Galettes de Pont-Aven traverse les époques, c'est parce que le film ne s'inscrit pas dans l'air du temps. Il traite de sentiments éternels", confiait son réalisateur, Joël Séria, au magazine L’Express, en 2016. Dans cette comédie devenue culte, Marielle incarne un représentant de commerce en parapluies, qui abandonne femme et enfants pour devenir peintre sur les côtes du Finistère. Il trouve alors l’inspiration grâce à la charmante Marie, interprétée par Jeanne Goupil. Mais c’est à Jean-Pierre Marielle qu’on doit le caractère érotique du film, son personnage, Henri Serin, étant fasciné par les formes féminines qu'il cherche à reproduire sur ses toiles. Un certain esprit libertaire propre aux années 1970 insuffle aux Galettes de Pont-Aven un côté anticonformiste, à l'image de l'ambiance du film Les Valseuses de Bertrand Blier, sorti un an plus tôt. Interviewé par Pierre Tchernia en 1975, pour l’émission "Monsieur Cinéma", Jean-Pierre Marielle se confiait sur le caractère anticonformiste du film : "Ce n’est pas un film sur la peinture, ce n’est pas pour évoquer la période de Gauguin. C’est un moment de la vie, avec des gens qui vivent et qu’on a plaisir à regarder". Les Galettes de Pont-Aven dépassera le million d'entrées et reste, à ce jour, le plus gros succès de Joël Séria.

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Séducteur dans "Un moment d’égarement",  de Claude Berri (1977)

En 1977, Marielle joue un père de famille aux côtés de Victor Lanoux. Les deux acteurs interprètent Jacques et Pierre, deux amis d'enfance quadragénaires qui passent leurs vacances d'été à Saint-Tropez. Problème : Pierre, incarné par Jean-Pierre Marielle, séduit la fille de son meilleure ami, l’impudique Françoise, campée par Agnès Soral. Amoral et sensuel, le film qui  prône l’amour sans frontière d’âge, frôle le million d’entrées à sa sortie. 

Mélomane austère dans "Tous les matins du monde", d'Alain Corneau (1991)

"Vous faites de la musique Monsieur. Vous n’êtes pas musicien !"  Dans l’adaptation du roman éponyme de Pascal Quignard, Jean-Pierre Marielle endosse le rôle de Monsieur de Sainte-Colombe, violiste janséniste et austère du XVIIe siècle. Alors qu’il dédaigne les séductions de la cour de Louis XVI, Sainte-Colombe accepte d’enseigne l’art de la viole de gambe au jeune Marin Marais, adolescent maladroit en quête de gloire. Dans un entretien accordé à l’émission Musicales, diffusée en décembre 1991, Jean Pierre Marielle revenait sur son appréhension du personnage de Monsieur de Sainte-Colombe :  "C’est un janséniste sombre… Mais le personnage s'est insinué en moi à partir de la langue avec la lecture du scenario… Entre les deux personnages, c’est un passage de témoin…. Et c'est très émouvant". Inspiré de faits réels et de personnages historiques, le film d’Alain Corneau reçoit, à sa sortie, un très bon accueil critique. Il remporte également un grand succès populaire en cumulant 2 millions d’entrées et remettant par la même occasion la musique baroque au goût du jour. Monsieur de Sainte-Colombe demeure l’un des rôles phares la filmographie de Jean-Pierre Marielle, et sans doute l’un des plus bouleversants.

Grand comédien populaire, Jean-Pierre Marielle est nommé sept fois aux César, mais il ne remportera jamais la fameuse statuette. Une ombre dans la carrière de Jean-Pierre Marielle ? Ce n'est pas l'avis du comédien qui déclarait, en 2012 au Nouvel Observateur :  "Les César ? J'en ai rien à foutre, je ne suis pas un acteur de tombola. L'important, c'est devant la caméra. C'est servir un auteur, en découvrir un nouveau". 

En 2008, le producteur Antoine Perraud recevait Jean-Pierre Marielle dans l'émission "Jeux d'archives" sur France Culture. Le comédien se confiait sur ses influences et son métier d'acteur : 

Jeux d'archives | 07 - 08

Dans notre génération d'acteurs, avec Rochefort et Belmondo, on était passionnés par les films de Groucho Marx. Quand on jouait certaines scènes, on pensait à Groucho, notamment pour jouer dans les pièces de Molière. On s'inspirait de ses mimiques. Il avait quelque chose de surréaliste qui séduisait. Jean-Pierre Marielle

Michel Simon était délicieux, timide et très modeste. Il se réfugiait toujours, ne voulait jamais être au premier plan. C'était un homme fascinant et un monstre poétique. Je pense que c'est le plus grand acteur que nous ayons eu. Jean-Pierre Marielle 

Le théâtre est un lieu de résistance. Les acteurs ne sont pas des artistes, mais des serviteurs de l'art. Jean-Pierre Marielle

J'essaye de servir l'auteur le plus possible. Cela se résume à peu de chose : d'un coup, les choses s'éclairent, et puis, ça passe. Et un autre soir, ça ne passe plus auprès du public. C'est assez étrange. Lors de la préparation du concours du Conservatoire, je travaillais les scènes pendant des heures, et le jour du concours il n'y avait rien. Parfois, j'apprenais mon texte la veille, et en scène cela venait naturellement. Et on ne sait pas pourquoi, le travail n'intervient pas là-dedans. Jean-Pierre Marielle