Jean-Pierre Marielle, la voix grave d’une France encore joyeuse, nous a quittés

Jean-Pierre Marielle en 2012. ©AFP - Joël SAGET
Jean-Pierre Marielle en 2012. ©AFP - Joël SAGET
Jean-Pierre Marielle en 2012. ©AFP - Joël SAGET
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Apres la tragédie de Notre Dame, voici celle de notre monsieur, Jean-Pierre Marielle.

Et oui, et pas que notre monsieur de Paris : nous avons perdu Jean-Pierre Marielle, l’acteur est mort hier à l’âge de 87 ans, alors je m’en voudrais d’user d’expressions toutes faites pour journalistes fatigués — entre monstre sacré et légende du cinéma français — et, cependant, je suis sûr que la disparition de Marielle nous touche tous. 

Marielle, c’est le condensé sociologique d’une France des années 1970, la traduction joyeuse d’une thèse de l’EHESS, c’est un visage aussi rassurant qu’un appuie-tête de DS ou un accoudoir de R16. Je n’ai pas vu tous les films de Jean Pierre Marielle, j’ai l’impression d’en avoir vu un seul, un seul continu, avec un rôle unique dans des films dotés de titres et de réalisateurs différents, depuis Calmos de Bertrand Blier jusqu’au On est toujours trop bon avec les femmes de Michel Boisrond, en passant par les Caprices de Marie de Philippe de Broca, ou Sex shop de Claude Berri. Tous ces films racontent finalement la même histoire, une histoire où le visage de Jean-Pierre Marielle en personnage masculin, masculiniste dirait-on aujourd’hui, se confond avec ceux de Philippe Noiret ou de Jean Rochefort. 

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Tous les films de Marielle ou presque ont été tournés dans une France pré-houellebecquienne, la France d’avant le glauquisme, une France où le travail est abondant même s’il est mal payé, une France où la consommation résonne encore comme une promesse de bonne vie. Les personnages joués par Marielle sont bien souvent des hommes contraints dans une vie étriquée : dans Les Galettes de Pont-Aven, Marielle est un représentant en parapluie habitant Saumur, qui déserte le domicile conjugal pour vivre une existence de débauché — peindre et faire l’amour. 

La grande différence entre la France de Houellebecq et celle de Marielle, c’est que dans la France de Marielle le bonheur est encore possible, il suffit pour l’atteindre d’ignorer le regard social. Le bonheur est possible avec les autres, à condition d’oublier la société. Dans tous ces films, Marielle est un James Bond luttant, non contre le Spectre ou une organisation terroriste, mais se mesurant à la société, tentant de déjouer ses ruses, de se libérer de son emprise. Marielle, c’est le nom d’un homme qui sait que l’aliénation n’est pas une fatalité, c’est la voix grave d’une France encore joyeuse.

Calmos de Bertrand Blier avec Jean-Pierre Marielle.

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