C’est la révolution de 2011, comme l’appellent les Egyptiens, ce Printemps arabe qui a gagné la jeunesse du Caire et fait tomber le président Moubarak, qui est raconté ici. Roman choral, genre de prédilection de l’écrivain, J’ai couru vers le Nil raconte le mouvement libératoire et ses grandes espérances puis la répression qui s’est abattue sur les Egyptiens.
Alaa El Aswany le fait par des portraits croisés de personnages tirés des rues du Caire et des couloirs du pouvoir. Comme dans son premier succès, puis dans Chicago et Automobile Club d’Egypte, on retrouve ici ces tartuffes à la solde du pouvoir qui plastronnent sous le masque de la bondieuserie. Mais dans J’ai couru vers le Nil, Alaa El Aswany a tenu aussi, lui qui a été un héraut très écouté par les manifestants sur la place Tahrir, à traduire ce souffle d’espoir qui a porté toutes les générations de Cairotes dans la rue en 2011. Sans concession, il raconte la violence de l’armée pour faire cesser la contestation.
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Nous l’avions rencontré au Caire, en 2008 puis en 2011. On se souvient encore de la joie dans sa voix tandis que les rues du Caire étaient en effervescence, «je me rends compte, jusque dans mon corps, de ce que le mot «peuple» veut dire et de la force que ce mot contient». C’était au début du mouvement. Tous les jeudis soir, dans le centre-ville, il donnait une conférence qui réunissait un public ardent, très jeune.
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L'influence des livres
Toléré par le régime Moubarak, longtemps protégé par son aura d’écrivain au rayonnement international, Alaa El Aswany est aujourd’hui interdit de publication mais aussi d’antenne, à la radio ou à la télévision. Son fameux séminaire du jeudi soir n’est plus autorisé non plus. Dans une interview à France Culture, tout récemment, il raconte: «J’ai pu demander à un membre des autorités ce qui justifiait ces entraves. Il m’a répondu: «On a compris que vos livres avaient une réelle influence sur la population.» J’ai reçu une vingtaine de prix littéraires. Mais je dois dire que ces mots-là constituent de loin, la plus belle de toutes les récompenses.»
Alaa El Aswany, «J’ai couru vers le Nil», Actes Sud