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Olivier Rolin : « L’Algérie, un pays où même les vieux se sentent soudainement jeunes »

D’Alger à Oran, de Constantine à Annaba, l’écrivain a sillonné le pays pendant dix jours, en s’interdisant de participer aux manifestations. Dans une tribune au « Monde », il livre ses impressions sur une société qui aspire à renaître.

Publié le 27 avril 2019 à 01h20, modifié le 27 avril 2019 à 10h40 Temps de Lecture 9 min.

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Tribune. Tipaza, la mer scintille devant les ruines romaines, la stèle à Camus (« Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure. »). Escale un peu convenue, intemporelle, mais ce que me dit Hocine, qui m’accompagne, éveille des échos très contemporains : « Nous autres Algériens, on est berbères, arabes, espagnols, français, juifs, romains, méditerranéens. »

Evidemment Hocine est ingénieur, il est incollable sur les empereurs romains, ce n’est pas l’Algérien moyen. Néanmoins son désir d’affirmer le caractère bigarré, historiquement mélangé, de son pays, qui me paraît représentatif de l’opinion d’une partie au moins de ceux qui défilent chaque vendredi, je l’ai rencontré chez d’autres interlocuteurs.

Chez celui-là par exemple qui, passant devant la mosquée Farès, au pied de la Casbah, tient à me signaler que c’était autrefois la Grande Synagogue, et qu’on l’appelle toujours Djamâa Lihoud, « la mosquée des juifs » (à propos de mosquées : celle, géante, que Bouteflika espérait inaugurer à Alger, dont on aperçoit de partout le minaret de près de 300 mètres de hauteur, suscite les sarcasmes : inutile, scandaleuse gabegie, fruit d’une rivalité ridicule, puérile, avec le roi du Maroc et sa mosquée de Casablanca).

Un agent infiltré potentiel

Je voudrais tout de suite dire la fragilité de mon témoignage : je n’ai passé que dix jours dans l’Algérie soulevée par le pacifique hirak (le « mouvement »), rencontrant presque exclusivement des intellectuels, évitant de me mêler aux foules manifestantes : à mon grand déplaisir, mais pour obéir aux recommandations de mes hôtes français, justifiées par le fait que ce qui reste de l’ancien pouvoir, le général Ahmed Gaïd Salah, n’hésite pas à incriminer, dans une langue incroyablement emberlificotée, « les tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays (…), de mettre à exécution leurs desseins visant à déstabiliser le pays et semer la discorde entre les enfants du peuple » (j’abrège).

J’étais un agent infiltré potentiel, mes mains étaient celles de l’étranger, je devais me tenir à carreau. J’ai vu les milliers de manifestants du vendredi massés sur le cours de la Révolution à Annaba, stoïques sous une pluie glacée, le drapeau algérien collé au corps par l’averse, mais je n’ai pas défilé avec eux.

« On ne connaît pas notre histoire » : c’est une phrase que j’ai entendue souvent, si vive est la conscience que la mafia jusqu’alors régnante, pour fabriquer des sujets dociles, devait cacher ou trafiquer le passé. Ce n’est pas seulement du « système » qu’on veut se débarrasser, c’est aussi de son « roman national ».

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