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Gueuler son texte, encre rouge... Les étranges manies des écrivains

Rue des Archives/Rue des Archives/OVRM

1/2 Certains travaillent au lit, d’autres dans la rue en marchant (ou en gueulant). Catherine Guennec a recensé ces étranges habitudes des écrivains dans son ouvrage Quand la folie fait le lit du génie!. Florilège.

«La première qualité d’un écrivain, c’est d’avoir de bonnes fesses», selon Dany Laferrière. Quand il est question d’écrire, les auteurs, c’est vrai, ne manquent pas de conseils. Il faut se lever tôt, s’aérer l’esprit, mener une vie saine... Mais en vérité, un romancier n’écoute que lui. Il n’en fait qu’à sa tête. À ses petites manies. Ses lubies. Ses tocs. Passionnée de mots et de littérature, Catherine Guennec a recensé ses étranges habitudes dans Quand la folie fait le lit du génie!, First. Florilège.

● Écrire au lit

Il y a des auteurs qui ont mis au centre de leur vie, leur lit. Kant, par exemple, demandait expressément à son valet de le réveiller à 5 heures tapante. Il devait dire: «Monsieur le professeur, voici l’heure.» Si toutefois, le chambellan ne prononçait pas la phrase exacte en entrant dans la chambre, Kant lui demandait de sortir et de revenir en récitant le bon texte.

De son côté, Voltaire adorait se prélasser dans ses draps. Ainsi que le relate Catherine Guennec, le philosophe passait la plus grande partie de sa vie au lit à travailler. Il n’y faisait pas pour autant la grasse matinée. Un café ou un chocolat seulement lui tenait lieu de déjeuner. Toutefois, et ainsi que le consignaient ses secrétaires et le comédien Lekain, l’auteur pouvait ingurgiter jusqu’à une douzaine de cafés par jour. Voire cinquante selon Frédéric II. Une boisson sans doute nécessaire puisqu’il travaillait entre 18 et 20 heures par jour...

Comme lui, Proust était un insomniaque. Néanmoins, il ne quittait pas le lit de sitôt. Il pouvait donc lambiner jusqu’à six heures de l’après-midi. Ainsi qu’il le notait lui-même: «J’écris couché, appuyé sur un coude et le papier dans le vide.» Une habitude étrange que suivra - mais par terre, à plat ventre, sur son plancher — Alfred Jarry.

● Du café

Sortir du lit n’est jamais une mince affaire pour certains auteurs. Théophile Gautier avait son astuce: «Moi le matin, confiait-il, ce qui m’éveille c’est que je rêve que j’ai faim [...] La viande me lève.» Mais plus couramment, les écrivains se rejoignaient autour du café. Tous savaient que Balzac en consommait à l’excès pour écrire. Zweig qui connaissait sa passion pour ce «poison stimulant» le comparait alors à une «fantastique machine-outil», que «l’huile noire» remettait toujours en route.

Pour Georges Simenon, le café servait de réveille-matin. À six heures, il devait absolument boire sa tasse avant de pouvoir travailler de 6h30 à 9heures. Il rejoignait ainsi son pupitre où se mélangeaient le café, ses notes et des dizaines de crayons fraîchement taillés. Le palais d’Alfred Jarry était sensible à une autre boisson. Entre le lever et le déjeuner, il engloutissait jusqu’à deux litres de vin blanc et trois litres de Pernod. Avant de se coucher, il se préparait un grand verre moitié vinaigre, moitié absinthe, qu’il liait avec une goutte d’encre violette, rapporte toujours Catherine Guennec.

● Les méthodes de rédaction

Barbey d’Aurevilly n’écrivait qu’en rouge. Mais est-ce vraiment surprenant venant de la part de l’auteur des Diaboliques ? Le rouge était sa couleur préférée qu’il arborait jusqu’à ses tenues. «Moi, je suis un barbare [...] qui se retrouve sans cesse avec des goûts de sauvage. J’ai porté longtemps des gilets de velours rouge et même l’on m’en faisait la guerre», écrivait-il. Tout comme Gautier, il aimait la viande rouge «qu’il disait consommer avant d’attaquer un nouveau chapitre!», précise Catherine Guennec.

De son côté, Alexandre Dumas (père) ne supportait pas l’encre bleue. «Il goûte en revanche la couleur pour ses pages. Il choisit un papier bleu pour les romans, jaune pour la poésie et rose pour les articles de presse», note l’auteure. Nabokov, lui, «écrit ses romans sur de petites fiches cartonnées rectangulaires - ‘‘à lignes’’ et ‘‘pas trop dures’’ - qui comportent environ cent cinquante mots chacune». Lui seul en connaît l’organisation: «il travaille de façon non-linéaire, note les idées comme elles viennent, ne numérote pas ses fiches».

Et qu’en est-il de la mise à l’épreuve du texte? Si Flaubert déclamait ses récits dans son fameux «gueuloir», Woolf les récitait à voix haute en marchant. Nerval, enfin, se promenait en attendant l’inspiration, rapporte Théophile Gautier. Dans sa poche se trouvait un petit cahier cousu dans lequel il notait «une pensée, une phrase, un mot, un rappel, un signe intelligible seulement pour lui».

● Les superstitieux

Un jour, Georges Simenon se servit d’une enveloppe jaune comme d’un papier brouillon pour rédiger La Raison Pietr-le-Letton. Le roman policier fut un succès. L’auteur vit alors en cette couleur et en ces feuilles, la raison du triomphe de son livre. C’est ainsi donc qu’il utilisa à chaque fois une enveloppe jaune pour préparer ses textes. 192 romans, 148 nouvelles, 25 textes autobiographiques... rapporte Catherine Guennec. Rien que ça!

Avant de prendre la plume, Stendhal «relisait une page du Code civil et les deux ou trois dernières pages de sa production avant de reprendre le travail à raison de quinze ou vingt pages dans la journée». Pourquoi le Code civil? «Pour trouver le ton.» Il avait également quelques petites manies: les pseudonymes, entre autres. Soixante et onze! «Certains avancent le nombre de trois cent cinquante»: Anastase de Serpière, William Crocodile, Don Flegme, Baron Dormant...

Plus curieux encore: les tics d’Emile Zola. L’auteur sortait toujours de chez lui du pied gauche et touchait les mêmes meubles un certain nombre de fois. «Il comptait les marches d’escaliers, les becs de gaz, les fiacres, les numéros de portes.» Vous avez dit «étrange»?

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