« La France travaille en moyenne beaucoup moins que ses voisins », déclarait Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse post-grand débat le 26 avril 2019. Une assertion qui revient dans la bouche de nombreux politiques depuis des années. Et qu’on peut largement relativiser : selon ce que l’on compte, on peut faire dire à peu près ce que l’on veut aux chiffres du temps de travail.
Pourquoi c’est à relativiser ?
Le président de la République semble se fonder sur les chiffres compilés en 2016 (sur les chiffres 2015) par un cabinet de recherches économiques proche du patronat, Coe-Rexecode. Selon ce décompte, la durée effective annuelle moyenne de travail des salariés à temps complet – sans prendre en compte le temps partiel ni les indépendants – était en 2015 de 1 646 heures en France, la plaçant dans une « position atypique en Europe » (dernière position sur 28).
Mais ces chiffres et leur comparaison ont leurs limites. Ainsi, aux Pays-Bas près de la moitié des salariés de 20 à 64 ans sont à temps partiel (contre 21 % dans la zone euro et 19,3 % en France) et ne seraient donc pas pris en compte avec la méthode de Coe-Rexecode.
La France apparaît plutôt dans la deuxième moitié du classement, devant (…) l’Allemagne
Contrairement à cet institut français, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a, elle, choisi de retenir le temps de travail annuel de tous ceux qui travaillent (peu importe que ce soit à temps partiel ou complet, mais sans les indépendants). Elle prévient néanmoins qu’en raison de difficultés d’harmonisation et de comptage du temps de travail, il est délicat de comparer strictement les temps de travail.
Avec ce choix méthodologique, la France apparaît plutôt dans la deuxième moitié du classement avec 1 526 heures travaillées dans l’année en 2017. Elle est néanmoins devant le Danemark (1 408 heures), les Pays-Bas (1 433) ou l’Allemagne (1 356). Par rapport à nos voisins germains, les Français travaillent donc 12 % de plus.
Les Français travaillent plutôt plus que les autres
37,3 heures par semaine en 2018, soit plus que la moyenne européenne
Les chiffres compilés par Eurostat (une direction de la Commission européenne chargée de l’information statistique) sont, comme par l’OCDE, ceux des salariés, quel que soit leur contrat, et sont relevés à partir d’une enquête menée auprès de 1,5 million d’Européens. Les Français – à temps complet et à temps partiel – travaillaient 37,3 heures par semaine en 2018. C’est plus que la moyenne européenne qui s’établit à 37,1 heures, c’est aussi plus que ses voisins néerlandais (30,4), britanniques (36,5), suisses (34,7) ou allemands (34,9).
Parmi les explications, il y a le travail à temps partiel des femmes : plus fréquent en Allemagne – comme aux Pays-Bas, en Irlande ou au Royaume-Uni – qu’en France.
Les Français dans le peloton de tête européen sur la productivité
De manière plus flagrante encore, les travailleurs (qu’ils soient salariés ou indépendants) français font partie des plus productifs d’Europe, près de quinze points au-dessus de la moyenne européenne (114,8 contre 100 pour les Vingt-Huit). La France se situe devant l’Allemagne (106,3), le Royaume-Uni (100,2), l’Italie (107) ou les Pays-Bas (111) ; elle est néanmoins derrière les travailleurs suisses (121,1), belges (128,8) ou irlandais (187,1).
« Si les Français étaient moins productifs, le chômage serait plus faible dans le pays »
Plusieurs économistes estiment par ailleurs que si les Français étaient moins productifs, le chômage serait plus faible dans le pays ; les entreprises devraient embaucher plus de salariés pour abattre la même quantité de travail. Cette idée est résumée avec un sens de la formule implacable par l’hebdomadaire libéral britannique The Economist :
« Les Français pourraient être en congés le vendredi, ils produiraient encore davantage que les Britanniques en une semaine. »
Pas plus de jours fériés qu’ailleurs en Europe
Avec onze jours fériés, les Français ont autant de jours que les Finlandais, les Suédois et les Luxembourgeois par exemple. Onze jours, c’est aussi la moyenne du nombre de jours fériés sur le continent. Ils sont, en revanche, un peu moins bien servis que les Grecs, les Polonais ou les Italiens (qui ont respectivement 14, 13 et 12 jours fériés). Les Allemands, eux, ont entre neuf et treize jours selon les Länder. Les moins bien lotis sont les Néerlandais et les Britanniques, avec huit jours par an.
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