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La justice européenne autorise la France à expulser vers l’Algérie un condamné pour terrorisme

Jusqu’à maintenant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme bloquait les expulsions vers ce pays en raison du recours à la torture par les services antiterroristes.

Par  (avec AFP)

Publié le 29 avril 2019 à 10h28, modifié le 29 avril 2019 à 18h01

Temps de Lecture 4 min.

L’affaire était sensible et la décision très attendue. Elle est favorable à la France. Lundi 29 avril, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a autorisé Paris à expulser vers l’Algérie un Algérien condamné pour terrorisme, ainsi qu’elle l’avait demandé en janvier, lors d’une audience devant la chambre sollicitée par le gouvernement français – un fait rare, dans une procédure d’ordinaire écrite.

L’arrêt rendu lundi marque une inflexion de la jurisprudence de la juridiction européenne de Strasbourg, qui avait jusqu’à présent toujours bloqué de telles expulsions, en raison des risques de torture en Algérie, par les services antiterroristes. C’est une première dans l’histoire de la Cour, votée à l’unanimité. La juridiction européenne considère que la situation a changé en Algérie depuis 2015, et s’adapte donc au contexte.

Le cas jugé concerne Ali Meguimi, interpellé en 2013 et condamné en 2015 par le tribunal correctionnel de Paris à six ans de prison et à une interdiction définitive de territoire français pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste ». Il lui avait été reproché un soutien actif à des responsables algériens de l’organisation terroriste Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qu’il voulait rejoindre, ainsi que d’avoir listé des cibles d’attentat possibles en France. Sous le coup d’un arrêté d’expulsion pris par la préfecture de la Loire en 2018, Ali Meguimi avait saisi la CEDH.

« Le pays a changé ses pratiques »

Désormais, cet homme de 34 ans est donc théoriquement expulsable en droit, même s’il a trois mois pour demander à la Cour un réexamen de sa situation, par un collège de cinq juges. Un arrêt de chambre ne devient en effet définitif qu’après ce délai.

Dans son arrêt publié lundi, la CEDH, dont le rôle est d’éviter que des personnes expulsées ou extradées soient torturées ou maltraitées, explique sa décision. Elle déclare qu’il « n’existe pas de motifs sérieux et avérés » de penser qu’Ali Meguimi serait « soumis à des traitements inhumains dans son pays » et « exposé à un risque réel » de torture. « Dans l’éventualité (de son expulsion), il n’y aurait pas violation de l’article 3 » de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, estime donc la CEDH.

La Cour conclut que « la situation générale en matière de traitement des personnes liées au terrorisme en Algérie n’empêche pas, en soi, l’éloignement du requérant ». Elle partage en cela l’analyse des juridictions françaises, précise-t-elle, qu’elle estime étayée par des données internes ou provenant de sources fiables et objectives. Et ce, bien que Paris n’ait pu obtenir d’Alger des garanties sur le traitement futur d’Ali Meguimi, comme l’avait demandé la CEDH.

« Le pays a changé ses pratiques, ce qui rend les expulsions possibles », déclare au Monde un proche de la CEDH. En avril 2018, la Cour avait déjà autorisé l’expulsion vers l’Algérie d’un imam de Marseille controversé, mais cet homme n’avait pas été condamné pour des faits de terrorisme.

Principe de précaution

Pour la France, qui a convaincu la Cour européenne, il s’agit d’un succès en droit. Lors de l’audience exceptionnelle de janvier, elle avait invoqué le contexte terroriste pour souligner l’importance de l’enjeu sécuritaire lié à l’expulsion dans leur pays d’origine de ressortissants étrangers, notamment algériens, condamnés pour terrorisme.

« Les mesures d’assignation à résidence ne permettent de prévenir ni le risque de fuite ni celui de commission d’un acte troublant l’ordre public », avait déclaré François Alabrune.

« Une présomption de mauvais traitement de tous les ressortissants algériens condamnés pour terrorisme aurait de lourdes conséquences en termes de sécurité, en obligeant le maintien sur le territoire français d’individus considérés comme dangereux, alors que les mesures d’assignation à résidence ne permettent de prévenir ni le risque de fuite ni celui de commission d’un acte troublant l’ordre public », avait déclaré François Alabrune, le directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères, qui plaide pour la France devant les juridictions internationales. Sur les 165 mesures d’expulsion prononcées depuis 2008 à l’égard de personnes liées au terrorisme islamiste, 26 sont des ressortissants algériens.

Le représentant du Quai d’Orsay s’était attaché à démontrer « l’évolution positive » de la situation générale des droits de l’homme en Algérie, devant la cinquième section de la CEDH présidée par la juge allemande Angelika Nussberger. Il avait pris appui sur les derniers rapports d’Amnesty international (2017-2018) et du département d’Etat américain (2017), qui, contrairement aux précédents, ne mentionnent plus de cas de torture. L’exemple de Djamel Beghal, qui a accepté en juillet 2018 d’être expulsé vers Alger à l’issue de sa peine de prison, en constituerait une illustration.

Se référant à la jurisprudence de la CEDH, M. Alabrune avait estimé que pour refuser l’éloignement de M. Meguimi, il faudrait démontrer que l’Algérie torture systématiquement les personnes soupçonnées de terrorisme ou à défaut, qu’il encourt un tel risque, pour des raisons propres à sa situation.

Sollicités, les avocats d’Ali Meguimi n’ont pas souhaité faire de commentaire. En janvier devant les juges de la Cour, Yannis Lantheaume et Thomas Fourrey avaient opposé le principe de précaution. « La France vous demande l’impossible : renvoyer quelqu’un vers l’Algérie sans la moindre garantie qu’il n’y soit pas mal traité à son arrivée », avaient-ils plaidé, rappelant les doutes du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur le fait que l’actuel département de surveillance et de sécurité d’Algérie ait renoncé aux pratiques de son prédécesseur de sinistre réputation, le département du renseignement et de la sécurité, officiellement dissous en 2015.

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