Les migrants passaient la frontière en Uber

Le tribunal correctionnel de Nice a condamné, ce lundi, un chauffeur milanais intercepté à La Turbie avec six clandestins à bord. Depuis cette affaire, Uber a stoppé les trajets de l’Italie vers la France.

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Christophe Cirone Publié le 30/04/2019 à 05:31, mis à jour le 30/04/2019 à 08:21
Le van avait embarqué les clandestins à Milan. Photo archive Franz Chavaroche

La course était juteuse, mais au final, elle lui revient cher. Le tribunal correctionnel de Nice a infligé 5.000 euros d’amende, ce lundi, à un Milanais interpellé à La Turbie avec six migrants à bord de son van. Il les convoyait depuis l’Italie vers la France, dans le cadre d’une commande passée via la plateforme Uber.

Le quadragénaire a été intercepté le 7 février dernier, de nuit, peu après avoir franchi la frontière avec son van Mercedes. Six passagers se trouvaient à bord : six Africains originaires du Ghana, du Mali et du Nigéria. Il les avait récupérés à l’aéroport de Milan et les menait vers celui de Nice. Tarif estimé : autour de 750 euros.

Quasiment aucun passager n’avait de document l’autorisant à un séjour sur le sol français. D’où l’infraction d’aide à l’entrée illégale sur le territoire national, visant le chauffeur. Autrement dit : cet Italien est soupçonné d’être un passeur.

Le chauffeur plaide sa bonne foi

Pourtant, l’intéressé s’en défend fermement. Silhouette corpulente, barbe fournie, lunettes et crâne dégarni, l’élégant quadra se présente comme un chauffeur aguerri et bien établi, qui conteste tout écart de conduite.

La présidente du tribunal s’étonne qu’il ne se soit pas montré plus curieux. L’horaire de la course (plus de 2 h du matin) l’intrigue. Sa distance inhabituelle aussi. "Monsieur, vous ne vous posez pas de question? Vous récupérez ces six personnes, et vous ne les interrogez pas?", questionne Isabelle Demarbaix. Le Milanais répond, assisté par l’interprète: "90% des clients Uber sont étrangers. Il y a seulement 10 % d’Italiens. Il y en a de toutes les races."

Dans ce contexte délicat, Me Eleonora Mascolo, avocate de la défense, souligne le caractère "multiculturel de Milan, où il travaille". Selon elle, ce chauffeur n’avait pas à vérifier la situation administrative de ses passagers : cette prérogative incombe aux forces de l’ordre.

"Est-ce que vous pouvez refuser un transport?", s’enquiert la présidente.

Réponse de l’intéressé: "Non, car c’est un service public." 

Isabelle Demarbaix s’agace: "Uber n’est pas un service public, ne nous prenez pas pour des idiots!"

Le procureur Ludovic Mantefel enfonce le clou: "Il s’abrite derrière le protocole Uber, selon lequel il ne peut pas contrôler les papiers d’un passager. Mais les protocoles ne pèsent rien par rapport à la loi française!" Le parquet requiert 2.000 euros d’amende. Le tribunal alourdit la note. La défense, elle, compte interjeter appel.

Mais Uber n’a pas attendu ce jugement pour tirer les conclusions de cette affaire. Depuis, le géant américain a stoppé les courses de l’Italie vers la France, axe stratégique des flux migratoires. "Grâce à ce qui s’est passé, Uber a pris la décision de ne plus envoyer les gens vers la France", résume le chauffeur milanais. Face au Code pénal, même la loi du marché doit parfois s’incliner.

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Nice-Matin

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