Premier pas de l'Homme sur la lune il y a 50 ans : "Pour l'instant, on est incapable d'y retourner"

Sylvestre Maurice a validé le contenu scientifique de l’exposition dédiée au satellite de la Terre qui vient de s’ouvrir à la Cité de l’espace, à Toulouse. Et 50 ans après le premier pas de l’homme sur la Lune, le planétologue est formel, "pour l’instant, on est incapable d’y retourner".


Par Emilie Auffret

Publié le 30 avril 2019 à 12h00

Le premier pas de l’homme sur la Lune a 50 ans en 2019. Photo d'illustration AFP © MLADEN ANTONOV

Astrophysicien et planétologue à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap) à Toulouse, Sylvestre Maurice a conçu la caméra que porte le robot Curiosity, actuellement en mission sur Mars. Avec son équipe, il participe à de nombreuses missions robotiques spatiales. À l’occasion des 50 ans du premier pas de l’homme sur la Lune, il évoque la relation particulière que les scientifiques entretiennent avec ce satellite naturel de la terre. 

Sylvestre Maurice, astrophysicien à l'IRAP de Toulouse, et une réplique du robot Curiosity qui porte une caméra conçue par ses équipes.

Que représente la Lune pour les scientifiques ?

Pour tous les planétologues, c’est une énorme affection. C’est notre pierre de Rosette. C’est celle qui nous a permis de décrypter l’histoire du système solaire.

"La Lune, c’est comment naît une planète. C’est l’origine. Elle est scientifique, humaine, elle a aussi été politique."
Sylvestre Maurice (Planétologue)

C’était les Américains et les Soviétiques. Dans l’avenir, ce sera les Américains et les Chinois. C’est aussi le miroir de nos sociétés, le miroir des pouvoirs. Elle a permis de développer des technologies extraordinaires, celles des missions Apollo. C’est bluffant !

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Est-on capable de retourner sur la Lune ?

Aujourd’hui, on est incapable de retourner sur la Lune alors qu’on l’a déjà fait il y a 50 ans. On n’a plus le savoir-faire. Il faut tout réinventer, recommencer à zéro. Et on ne le fera pas en dix ans. On n’a plus la même approche du risque non plus.

Ils étaient fous les types qui ont fait ça ! Ce n’était pas inconsidéré mais tout de même un peu « borderline » à la fin.
Sylvestre Maurice (Planétologue)

D’ailleurs, ils devaient aller jusqu’à Apollo 25 et, à 17, ils ont arrêté. Quand Apollo 11 s’est posé, à quelques secondes près, ils n’avaient plus de carburant. Apollo 13, ça a complètement raté. Ils ont senti qu’à chaque fois, ils étaient un peu limite. Il ne fallait pas ternir cette aventure.

Quelles ont été vos missions sur la Lune ?

On a fait 103 missions vers la Lune. J’ai participé à plusieurs d’entre elles, en particulier à Lunar Prospector. Une très belle petite mission en 1998 qui a découvert de l’eau au pôle de la Lune dans des cratères. Tout planétologue passe un jour par la Lune.

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La Lune en ce moment, c’est beaucoup chinois. On a fait Chang’e 1, 2, 3 et 4. L’année prochaine, on a Chang’e 5 qui fera un retour d’échantillon. Tout ça, ce sont des missions robotiques. Les Américains et les Européens ont des projets de missions robotiques également. Et puis, il y a l’énorme engouement qu’est l’homme sur la Lune. Pourquoi ? Parce qu’on veut tous aller sur Mars. La Lune, on a l’impression de l’avoir déjà faite, même si on ne sait pas le refaire. Mais le consensus, c’est qu’il faut réapprendre l’homme extraterrestre avant d’aller sur Mars. Et donc on repasse par la Lune. Ce consensus est assez récent.

Sylvestre Maurice astrophysicien à l'IRAP de Toulouse

Il y a quatre ans, on disait tous : "Allez, on file vers Mars !" Mais se mettre en orbite autour de Mars, c’est jouable. Se poser sur Mars, c’est une autre histoire. La mission Mars 2020 doit permettre de ramener un caillou de Mars. Et on ne sait pas encore le faire. Et puis, les allers simples, ce n’est pas négociable. Ce n’est pas éthique. Les défis sont immenses. Il faut s’y attaquer. Ce serait peut-être sain de repasser par la Lune, de construire un village lunaire, une station quasi-permanente.

On retournera sur la Lune avant d’aller sur Mars pour s’entraîner…

Oui, pour s’entraîner, pour valider de la technologie… C’est vraiment l’idée d’un poste avancé. On le fera peut-être différemment. On fera peut-être une base qui s’appellerait "Getaway" qui serait une sorte de station spatiale pour vous emmener autour de la Lune. Mais le message du planétologue, c’est qu’on ne va pas y vivre. On va faire de l’exploration. On va faire un poste avancé. Peut-être qu’un jour, des gens, pour une bonne raison, pourront y rester quelque temps. Mais ce n’est pas l’avenir de la Terre.

Depuis le 20 avril, la Cité de l'Espace à Toulouse présente l’exposition Lune, Épisode II. Elle permet aux visiteurs de partager les défis scientifiques qui attendent les agences spatiales : un retour sur la Lune avec l’objectif d’y séjourner pour des explorations scientifiques toujours plus ambitieuses. Lune, Épisode II est une exposition animée. Ses animations, les énigmes permettent des expériences ludiques pour ressentir physiquement ce qui changerait si nous habitions sur la Lune. Plus d'infos sur www.cite-espace.com.

Propos recueillis par Emilie Auffret

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