Bien qu’on ignore s’il a réellement existé (ou s’il était un homme ou une femme !), Homère est un mythe à lui tout seul. Souvent représenté aveugle, muni d’une lyre, et captivant son public, ses épopées de l’Iliade et de l’Odyssée, transmises oralement avant d’être copiées et recopiées, ont donné naissance à des archétypes qui peuplent un nombre incalculable de créations. De l’humour, du suspens, de la dramaturgie, de la morale… Il y a tout dans les trente mille vers d’Homère !
De tous temps, les sujets d’Homère sont une aubaine pour le ressort comique. Exemple au XIXe siècle, où des caricaturistes et dessinateurs comme André Gill trouvent dans la figure d’Achille, chevalier vulnérable du talon, le parfait héros prompt à la satire et aux détournements. Même chose avec Honoré Daumier, qui consacre aux héros d’Homère une série raillant ses contemporains. Ses 50 planches, regroupées sous le nom Histoire ancienne, enthousiasment le poète Charles Baudelaire par leur « laideur bouffonne ». De la bande dessinée au cinéma, au XXe siècle on rit encore avec Homère. Belle ironie : Achille, le prototype de l’antihéros renaît dans les années 1960–1970 dans le journal Pilote, sous le calembour d’Achille Talon.
L’« homéromanie » traverse les époques ! Depuis l’Antiquité, les femmes d’Homère fascinent particulièrement les auteurs. « Au XVIIIe siècle des libertés et du désordre amoureux, Hélène, la « belle » par qui la guerre est arrivée, résonne particulièrement », souligne Alexandre Farnoux, commissaire de l’exposition au Louvre-Lens. Résultat : peintures, tapisseries et objets interprètent le mythe, rejouent la scène de l’enlèvement – qui, initialement, ne figure pas chez Homère. En écho, le XIXe siècle, grande époque de la bourgeoisie, encense Pénélope, figure de la fidélité par excellence et parfaite antithèse d’Hélène.
À chaque époque son héros fétiche. Dans les années 1930 et après la Seconde Guerre mondiale, c’est Hercule et sa force colossale (ou plus justement « herculéenne ») qui retiennent l’attention des créateurs de comics outre-Atlantique. Superman trouve un ancêtre idéal en ce fils du dieu Zeus et d’Alcmène à la puissance surhumaine. Dans l’épreuve, Superman triomphe toujours comme Hercule affronte un à un ses douze travaux. Ses derniers exploits fournissent d’ailleurs une source d’inspiration majeure à la bande dessinée et au cinéma.
Ce sont des guerrières, elles vivent entre femmes dans la nature, chassent et font la guerre. L’épée, la lance, les arcs et haches n’ont pas de secret pour elles. Les Amazones apparaissent dans les textes au VIIIe siècle av. J.-C. chez Homère, et en même temps sur des céramiques et sculptures. Principal trait : l’Amazone est valeureuse ! Le XXe siècle en a fait une icône mondialement connue. Créée en 1941 par Charles Moulton, qui la fait naître sur l’île mythique de Themyscira, la super-héroïne Diana Prince, alias Wonder Woman, puise directement sa filiation parmi les Amazones, puisqu’elle est la fille de leur reine, Hippolyte, dont elle a reçu son lasso magique en héritage.
En l’an 2000, O’Brother des frères Cohen narrait les aventures d’Ulysse Everett McGill (interprété par George Clooney) sur grand écran : on suivait ce condamné aux travaux forcés dans son évasion semée d’embûches à travers champs, pour retrouver son foyer et surtout sa femme Penny, sur le point d’épouser quelqu’un d’autre… Vous ne vous trompez pas, c’est bien la trame de l’Odyssée d’Homère que le cinéma américain transpose dans cette comédie ! Tout est là : la rencontre avec des « sirènes » en bord de rivière, des métamorphoses (pas de pourceaux, mais un personnage changé en crapaud !), et John Goodman qui apparaît, un œil en moins, tel un cyclope des temps modernes. L’humour, ingrédient du génie homérique, infuse cette odyssée dans l’Amérique des années 1930.
Homère
Du 27 mars 2019 au 22 juillet 2019
Musée du Louvre-Lens • 99 Rue Paul Bert • 62300 Lens
www.louvrelens.fr
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Table ronde « homéromanie » : pourquoi Homère est-il si actuel ?
Depuis l’Antiquité et encore aujourd’hui, les artistes s’inspirent des récits homériques. Au travers de témoignages des différents invités (auteur, metteur en scène, spécialiste d’Homère…), cette table ronde permettra de donner un éclairage nouveau à cette question : pourquoi Homère est-il toujours si actuel ?
Le samedi 4 mai à 15 h 30 • 5 €, 3 € ; gratuit pour les moins de 18 ans et les étudiants
Durée : 1 h 30
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